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vant la cérémonie : ces acteurs récitoient aux coins des rues des vers françois & bourguignons conformes au sujet. Une bande de violons & une troupe de musiciens étoient aussi sur ce théâtre.

S’il arrivoit dans la ville quelque événement singulier, comme larcin, meurtre, mariage bizarre, séduction du sexe, &c. pour lors le chariot & l’infanterie étoient sur pié ; l’on habilloit des personnes de la troupe de même que ceux à qui la chose étoit arrivée, & on représentoit l’événement d’après nature. C’est ce qu’on appelle faire marcher la mere-folle, l’infanterie dijonnoise.

Si quelqu’un aggregé dans la compagnie s’en absentoit, il devoit apporter une excuse légitime, sinon il étoit condamné à une amende de 20 livres. Personne n’étoit reçu dans le corps que par la mere-folle, & sur les conclusions du fiscal verd ; on expédioit ensuite des provisions au nouveau reçu, qui lui coûtoient une pistole.

Quand quelqu’un se présentoit pour être admis dans la compagnie, le fiscal assis faisoit des questions en rimes, & le recipiendaire debout, en présence de la mere-folle & des principaux officiers de l’infanterie, devoit aussi répondre en rimes ; sans quoi son aggrégation n’étoit point admise. Le recipiendaire de grande condition, ou d’un rang distingué, avoit le privilege de répondre assis.

D’abord après la réception, on lui donnoit les marques de confrere, en lui mettant sur la tête le chapeau de trois couleurs, & on lui assignoit des gages sur des droits imaginaires, ou qui ne produisoient rien, comme on le voit par quelques lettres de réception qui subsistent encore. Nous avons dit plus haut que la compagnie comptoit parmi ses membres des personnes du premier rang, en voici la preuve qui méritoit d’être transcrite.

Acte de réception de Henri de Bourbon, prince de Condé, premier prince du sang, en la compagnie de la mere-folle de Dijon, l’an 1626.

Les superlatifs, mirélifiques & scientifiques, l’opinant de l’infanterie dijonnoise, régent d’Apollon & des muses, nous légitimes enfans figuratifs du vénérable Bon-tems & de la marotte ses petits-fils, neveux & arriere-neveux, rouges, jaunes, verds, couverts, découverts & forts-en-gueule ; à tous fous, archi-fous, lunatiques, hétéroclites, éventés, poétes de nature bizarres, durs & mols, almanachs vieux & nouveaux, passés, présens & à venir, salut. Doubles pistoles, ducats & autres especes forgées à la portugaise, vin nouveau sans aucun malaise, & chelme qui ne le voudra croire, que haut & puissant seigneur Henri de Bourbon, prince de Condé, premier prince du sang, maison & couronne de France, chevalier, &c. à toute outrance auroit son altesse honoré de sa présence les festus & guoguelus mignons de la mere-folle, & daigné requérir en pleine assemblée d’infanterie, être immatriculé & recepturé, comme il a été reçu & couvert du chaperon sans péril, & pris en main la marotte, & juré par elle & pour elle ligue offensive & défensive, soutenir inviolablement, garder & maintenir folie en tous ses points, s’en aider & servir à toute fin, requerant lettres à ce convenables ; à quoi inclinant, de l’avis de notre redoutable dame & mere, de notre certaine science, connoissance, puissance & autorité, sans autre information précédente, à plein confiant de S. A. avons icelle avec allégresse par ces présentes, hurelu, berelu, à bras ouverts & découverts, reçu & impatronisé, le recevons & impatronisons en notre infanterie dijonnoise, en telle sorte & maniere qu’elle demeure incorporée au cabinet de l’inteste, & généralement tant que folie durera, pour par elle y être, tenir & exercer à son choix telle charge qu’il lui plaira, aux honneurs,

prérogatives, prééminences, autorité & puissance que le ciel, sa naissance & son épée lui ont acquis ; prêtant S.A. main forte à ce que folie s’éternise, & ne soit empêchée, ains ait cours & décours, débit de sa marchandise, trafic & commerce en tout pays soit libre par tout, en tout privilégiée ; moyennant quoi, il est permis à S. A. ajouter, si faire le veut, folie sur folie, franc sur franc, ante, sub ante, per ante, sans intermission, diminution ou interlocutoire, que le branle de la machoire ; & ce aux gages & prix de sa valeur, qu’avons assigné & assignons sur nos champs de Mars & dépouilles des ennemis de la France, qu’elle levera par ses mains, sans en être comptable. Donné & souhaité à S. A.

A Dijon, où elle a été,
Et où l’on boit à sa santé,
L’an six cent mille avec vingt-six,
Que tous les fous étoient assis.

Signé par ordonnance des redoutables seigneurs buvans & folatiques, & contre-signé Deschamps, Mere, & plus bas, le Griffon verd.

Cependant, peu d’années après cette facétieuse réception du premier prince du sang dans la société, parut l’édit severe de Louis XIII, donné à Lyon le 21 Juin 1630, vérifié & enregistré à la cour le 5 Juillet suivant, qui abolit & abrogea sous de grosses peines, la compagnie de la mere-folle de Dijon ; laquelle compagnie de mere folle, dit l’édit, est vraiment une mere & pure folie, par les désordres & débauches qu’elle a produits, & continue de produire contre les bonnes mœurs, repos & tranquillité de la ville, avec très-mauvais exemple.

Ainsi finit la société dijonnoise. Il est vraissemblable que cette société, ainsi que les autres confreries laïques du royaume, tiroient leur origine de celle qui vers le commencement de l’année se faisoit depuis plusieurs siecles dans les églises par les ecclésiastiques, sous le nom de la fête des fous. Voyez Fête des fous.

Quoi qu’il en soit, ces sortes de sociétés burlesques prirent grande faveur & fournirent long-tems au public un spectacle de récréation & d’intérêt, mêlé sans doute d’abus ; mais faciles à réprimer par de sages arrêts du parlement, sans qu’il fût besoin d’ôter au peuple un amusement qui soulageoit ses travaux & ses peines. (D. J.)

Mere, (Jardin.) se dit d’une touffe d’ifs, de tilleul & autres arbres qu’on a resserrés dans une pepiniere, & dont on tire des boutures & marcottes ; ce qui s’appelle une mere, parce qu’elle reproduit plusieurs enfans.

Mere-perle, Mere des perles, Maire des perles, concha margaritifera jonst. (Hist. nat.) on a donné le nom de mere-perle à une espece de coquillage bivalve, du genre des huitres, parce qu’on y trouve beaucoup plus de perles que dans les autres coquillages ; elles sont aussi plus grosses & plus belles. La mere-perle est grande, pesante, & de figure applatie & circulaire ; elle a la surface extérieure grise & inégale, l’intérieure est blanche ou de couleur argentée, unie & nacrée. On pêche ce coquillage dans les mers orientales. Suite de la matiere médicale, tom. I. Voyez Perle, Coquille.

MERECZ, (Géog.) ville du grand duché de Lithuanie, au confluent de la Meretz & du Mémen, à 12 lieues N. E. de Grodno, 19 S. E. de Vilna. Long. 43. 2. lat. 53. 55.

MEREND, (Géog.) ville de Perse, dans l’Azerbiane, dont M. Petit de la Croix met la long. à 80. 50, & la lat. à 37. 55.

MERIDA, (Géog.) par les Latins, Emerita Augusta, ancienne, petite & forte ville d’Espagne, dans la nouvelle Castille. Auguste la bâtit & y éta-