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des remedes mercuriels, c’est leur efficacité contre les vers & les insectes qui s’engendrent dans le corps de l’homme, ou qui se logeant dans les parties de la peau qui sont recouvertes de poils lui causent diverses incommodités. Voyez Vers, Vermifuge, Morpion, Poux, & Maladie pédiculaire.

Quatriemement, les remedes mercuriels dont l’action est temperée sont de très-bons fondans, voyez Fondans, & vraissemblablement fébrifuges en cette qualité ; on a conjecturé que l’anti-quartium ou febrifuge spécifique de Riviere étoit principalement composé de panacée mercurielle.

Cinquiemement, les remedes mercuriels ont été proposés comme le veritable antidote de la rage, par de Sault célebre médecin de Bordeaux ; & ils fournissent réellement la principale ressource contre cette maladie. Voyez Rage.

Sixiemement, le mercure est encore le souverain remede des affections écrouelleuses. M. Bordeu célebre medecin de Paris, a proposé il y a environ dix ans dans une dissertation qui remporta le prix de l’académie de Chirurgie, un traitement de cette maladie dont le mercure fait la base.

Septiemement, ceux d’entre les remedes mercuriels dont nous avons dit que l’usage étoit borné à l’exterieur, & qui sont caustiques ou corrosifs ; savoir la dissolution de mercure qu’on est obligé d’affoiblir avec de l’eau distillée, & qui s’appelle dans cet état eau mercurielle, l’eau phagedenique, les trochisques escharotiques, les trochisques de minium sont, aussi-bien que le précipité rouge & le précipité verd d’un usage très-ordinaire ; lorsqu’on se propose de consumer de mauvaises chairs, d’agrandir des ouvertures, de détruire des verrues, d’ouvrir des loupes & autres tumeurs de ce genre, soit que ces affections soient véneriennes, soit qu’elles ne le soient pas.

Enfin, le mercure crud est regardé comme le principal secours qu’on puisse tenter pour forcer les especes de nœufs des intestins, ou pour mieux dire la constriction quelconque qui occasionne la passion iliaque, voyez Iliaque (Passion). On donne dans ce cas plusieurs livres de mercure coulant, & il est observé que le malade en rend exactement la même quantité, & que cette dose immense n’exerce dans le corps aucune action proprement médicamenteuse ou physique, pour parler le langage de quelques médecins. Il n’agit absolument que par son poids & par sa masse, que méchaniquement à la rigueur. Cette observation prouve 1°. de la maniere la plus démonstrative, que le mercure est en soi, un des corps de la nature auquel on a été le moins fondé à attribuer une qualité veneneuse. 2°. c’est principalement de cette expérience qu’on a inféré que le mercure crud ou coulant ne passoit pas dans les secondes voies. Le raisonnement est venu à l’appui de ce fait, & il a décidé que cette transmission étoit impossible, parce que le mercure n’étoit point soluble par les humeurs intestinales. La même théorie a statué aussi que le cinnabre & l’éthiops mineral (substances plus grossieres & tout aussi peu solubles que le mercure coulant) n’étoient point reçues dans les vaisseaux absorbans des intestins. Cependant il est prouvé par des observations incontestables, que ces trois remedes pris interieurement ont procuré chacun plus d’une fois la salivation ; & quant au mercure coulant, c’est très-mal raisonner sans doute, que de conclure qu’une petite quantité ne peut point passer dans les secondes voies, & sur-tout lorsque cette petite quantité est confondue parmi d’autres matieres, comme dans les pillules mercurielles, &c. que de tirer cette conclusion, dis-je, de ce qu’une grande masse dont l’aggrégation n’est point rompue n’y passe pas ; car l’u-

nion aggrégative est un puissant lien, & sur-tout

dans le mercure. D’ailleurs, l’efficacité d’une décoction de mercure contre les vers, voyez Vermifuge, prouve que le mercure peut imprégner les liqueurs aqueuses de quelque matiere médicamenteuse. (b)

Mercure de vie, ou Poudre d’Algaroth. (Chimie.) noms qu’on donne en Chimie, au beurre d’antimoine précipité par l’eau. Voyez à l’article Antimoine.

Mercure, (Mythol.)

Le dieu dont l’aîle est si legere,
Et la langue a tant de douceur ;
C’est Mercure.

c’est celui de tous les dieux, à qui la Fable donne le plus de fonctions ; il en avoit de jour, il en avoit de nuit. Ministre & messager de toutes les divinités de l’olympe, particulierement de Jupiter son pere ; il les servoit avec un zele infatigable, quelquefois même dans leurs intrigues amoureuses ou autres emplois peu honnêtes. Comme leur plénipotentiaire, il se trouvoit dans tous les traités de paix & d’alliance. Il étoit encore chargé du soin de conduire & de ramener les ombres dans les enfers. Ici, c’est lui qui transporte Castor & Pollux à Pallene. Là, il accompagne le char de Pluton qui vient d’enlever Proserpine. C’est encore lui qui assiste au jugement de Paris, au sujet de la dispute sur la beauté, qui éclata entre les trois déesses. Enfin, on sait tout ce que Lucien lui fait dire de plaisanteries sur la multitude de ses fonctions.

Il étoit le dieu des voyageurs, des marchands, & même des filous, à ce que dit le même Lucien, qui a rassemblé dans un de ses dialogues, plusieurs traits de filouteries de ce dieu. Mais les allégoristes prétendent que le vol du trident de Neptune, celui des fleches d’Apollon, de l’épée de Mars, & de la ceinture de Venus, signifient, qu’il étoit habile navigateur, adroit à tirer de l’arc, brave dans les combats, & qu’il joignoit à ces qualités toutes les graces & les agrémens du discours.

Mercure, en qualité de négociateur des dieux & des hommes, porte le caducée, symbole de paix. Il a des aîles sur son pétase, & quelquefois à ses piés, assez souvent sur son caducée, pour marquer la légereté de sa course. On le représente en jeune homme, beau de visage, d’une taille dégagée, tantôt nu, tantôt avec un manteau sur les épaules, mais qui le couvre peu. Il est rare de le voir assis ; ses différens emplois au ciel, sur la terre, & dans les enfers, le tenoient toujours dans l’action. C’est pour cela que quelques figures le peignent avec la moitié du visage claire, & l’autre moitié noire & sombre.

La vigilance que tant de fonctions demandoient, fait qu’on lui donnoit un coq pour symbole, & quelquefois un bélier ; parce qu’il est, selon Pausanias, le dieu des bergers. Comme il étoit la divinité tutélaire des marchands, on lui met à ce titre une bourse à la main, avec un rameau d’olivier, qui marque, dit-on, la paix, toujours nécessaire au commerce. Aussi les négocians de Rome célébroient une fête en l’honneur de ce dieu le 15 de Mai, auquel jour on lui avoit dédié un grand temple dans le grand cirque, l’an de Rome 675. Ils sacrifioient au dieu une truie pleine, & s’arrosoient de l’eau de la fontaine nommée aqua Mercurii, priant Mercure de leur être favorable dans leur trafic, & de leur pardonner, dit Ovide, les petites supercheries qu’ils y feroient. C’est pourquoi son culte étoit très grand dans les lieux de commerce, comme, par exemple, dans l’île de Crete.

Ce dieu étoit aussi particulierement honoré à Cyllene en Elide, parce qu’on croyoit qu’il étoit né sur le mont Cyllene situé près de cette ville.