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d’Egine observe qu’on peut ôter la matrice à une femme sans lui causer la mort, & il y a des exemples de femmes qui ont long-tems vécu après qu’on la leur avoit ôtée. Rhasis & Paré remarquent que des femmes ont été guéries de certaines maladies par l’extirpation de la matrice. En 1669, on produisit à l’académie royale des Sciences de Paris un enfant qui avoit été conçu hors de la matrice, & n’avoit pas laissé de croître de la longueur de six pouces. Voyez Embryon, Fœtus.

La matrice dans les femmes est située dans le bassin, où la capacité de l’hypogastre entre la vessie & l’intestin rectum, & s’étend jusqu’aux flancs : elle est entourée & défendue par différens os ; en-devant par l’os pubis ; en arriere, par l’os sacrum ; de chaque côté par l’os des îles & l’os ischium : sa figure ressemble un peu à celle d’un flacon applati, ou d’une poire séche. Dans les femmes enceintes, elle s’étend & prend diverses formes, suivant les divers tems & les diverses circonstances de la grossesse : elle a plusieurs membranes, arteres, veines, nerfs & ligamens, & elle est tissue de plusieurs différentes sortes de fibres.

Les Anatomistes divisent la matrice en fond ou partie large, & en col ou partie étroite : sa longueur depuis l’extrémité de l’un jusqu’à l’extrémité de l’autre, est d’environ trois pouces : sa largeur dans son fond est d’environ deux pouces & demi, & son épaisseur de deux : elle n’a qu’une cavité, à moins qu’on ne veuille distinguer entre la cavité de la matrice & de celle de son col. Celle-ci est très petite, & contiendroit à peine une feve : elle est fort étroite, sur-tout dans les vierges, & son extrémité supérieure, c’est-à-dire celle qui regarde le fond de la matrice, se nomme orifice interne. Elle s’ouvre dans les femmes grosses, principalement aux approches de l’accouchement. L’extrémité opposée, ou inférieure du col de la matrice, c’est-à-dire celle qui regarde le vagin, se nomme orifice externe. Elle déborde un peu, & ressemble en quelque façon au gland du membre viril. Voyez nos Planches d’Anatomie.

La substance de la matrice est membraneuse & charnue : elle est composée de trois membranes ou tuniques, ou seulement de deux, selon quelques-uns, qui refusent ce nom à la substance du milieu. La tunique externe, appellée aussi commune, vient du péritoine, & se trouve formée de deux lames, dont l’extérieure est assez unie, & l’intérieure est raboteuse & inégale. Cette tunique enveloppe toute la matrice, & l’attache à l’intestin rectum, à la vessie, &c. La tunique moyenne est très-épaisse, & composée de fibres fortes, disposées en divers sens. Quelques-uns croient qu’elle contribue à l’exclusion du fœtus, & d’autres, qu’elle sert seulement à rétablir le ressort de la matrice après une distension violente : la tunique interne est nerveuse.

La matrice est attachée au vagin par son col. Postérieurement & antérieurement elle est attachée à la vessie par sa tunique commune : ses côtés sont attachés à d’autres parties, mais son fond est libre, afin de pouvoir s’étendre & se dilater plus aisément : ses ligamens sont au nombre de quatre, deux qu’on nomme larges, & deux qu’on nomme ronds, à cause de leur figure. Les ligamens larges sont membraneux, lâches & mols ; c’est pourquoi quelques-uns les ont comparés aux ailes d’une chauve-souris, & les ont nommés alæ verspertilionum. Les ligamens ronds sont d’un tissu plus ferme, & composés d’une double membrane, enveloppée de ses arteres, veines, nerfs & vaisseaux lymphatiques. Les vaisseaux sanguins, tant des ligamens larges que des ronds, font une grande partie de ce qu’on nomme leur substance. Ces deux sortes de ligamens servent à

maintenir la matrice dans une situation droite : ils peuvent être facilement endommagés par les sage-femmes mal-adroites. Voyez Ligament.

De chaque côté du fond de la matrice naît un conduit qui s’ouvre dans ce viscere par un petit orifice, mais qui devient plus large à mesure qu’il avance, & qui, vers son extrémité, se retrécit de nouveau. Cette extrémité qui se trouve près des ovaires est libre, & s’épanouit derechef en forme d’un feuillage rond & frangé. Fallope qui découvrit le premier cette expansion, la compara à l’extrémité d’une trompette ; c’est pourquoi tout le conduit a été nommé trompe de Fallope : il est composé d’une double membrane ; les veines & les arteres y sont en très-grand nombre, sur-tout les dernieres, qui, par différentes ramifications & différens contours, forment la principale substance des deux conduits. Le docteur Wharton donne des valvules aux trompes de Fallope, mais les autres Anatomistes les nient. Voyez Trompe de Fallope.

Cette partie que Platon comparoit à un animal vivant, douée d’un sentiment merveilleux, est presque toujours unique ; cependant Julius Obséquens dit, qu’on a vû autrefois à Rome une femme qui avoit une matrice double. Riolan en cite deux autres exemples, l’une d’une femme ouverte dans les écoles des Lombards, en 1599, & l’autre dans une femme qu’il avoit lui-même disséquée en 1615, en présence de plusieurs personnes. Bauhin rapporte aussi qu’il a vû une fois la matrice partagée en deux portions par une cloison mitoyenne. On lit dans l’Histoire de l’académie des sciences un cinquieme exemple de deux matrices dans un même sujet, observée par M. Littre en 1705 ; chacune n’avoit qu’une trompe & un ovaire, qu’un ligament large & qu’un ligament rond. Enfin, je trouve dans la même Hist. de l’acad. des Sciences, année 1743, une sixieme observation tout-à-fait semblable à celle de M. Littre, de deux matrices dans une femme morte en couches, vues par M. Cruger, chirurgien du roi de Danemark.

Quelquefois l’orifice interne de l’utérus n’est point percé. Fabrice d’Aquapendente dit qu’il a vû ce vice de conformation dans une jeune fille âgée de quatorze ans, qui en pensa mourir, parce que ses regles ne pouvoient percer ; il fit à cette partie une incision longitudinale, qui donna cours au flux menstruel, & rendit cette fille capable d’avoir des enfans.

Dans le tems de l’accouchement, la matrice, qui est alors extrémement tendue, peut se déchirer, soit à son fond, soit à ses côtés, soit sur-tout à son col, qui ne peut soutenir une si grande dilatation, & qui devient très-mince dans le tems de travail. M. Gregoire, accoucheur, a dit à l’acad. des Sciences, qu’en trente ans il avoit vû ce funeste accident arriver seize fois. Histoire de l’académie des Sciences année 1724.

On demande si la matrice peut tellement se renverser, que son fond tombe du dedans en dehors par l’orifice interne jusqu’au-delà du vagin. De Graaf juge la chose impossible dans les vierges, parce que l’orifice interne est alors trop étroit pour livrer le passage : mais il croit ce fait très-possible dans les accouchemens, lorsque l’arriere-faix adhere fortement à la matrice, & qu’un accoucheur, ou la sage-femme, soit par ignorance, ou par imprudence, venant à le tirer violemment, entraîne en même tems le fond de la matrice, & en cause le renversement. Cette faute fait périr bien-tôt la malade, si l’on ne la secourt très-promptement. Voyez de nouvelles preuves de la réalité de ce fait dans les Observations anatomiques de Ruysch. (D. J.)

Suffocation de Matrice. Voyez Suffocation.

Speculum Matricis. Voyez Speculum.