L’Encyclopédie/1re édition/SPECULUM
SPECULUM, terme de Chirurgie, nom qu’on a donné à différens instrumens qui dilatent des cavités. Ce mot est latin, & signifie miroir. On s’en est servi pour les instrumens qui font voir ce qui se trouve contre nature dans les cavités qu’ils tiennent ouvertes.
Speculum ani, est un instrument dont on se sert pour écarter le fondement, examiner le mal, tirer des os, & enlever toute matiere qui peut s’y être fixée. Voyez Dilatatoire.
Speculum matricis, est un instrument dont on se sert pour examiner & panser les endroits qui se trouvent viciés dans les parties secretes des femmes. Il a la même forme que le speculum ani. Voyez Dilatatoire.
Speculum oris, est un instrument qui sert à examiner les maux de bouche. Il y en a de deux sortes. L’un sert à contenir la langue afin de voir plus aisément le fond de la bouche. Voyez Glossocatoche. L’autre est un instrument qui sert à ouvrir & dilater la bouche par force, afin de faire prendre au malade du bouillon ou des remedes liquides.
Cet instrument est composé de deux colonnes cylindriques, hautes pour le moins de trois pouces, paralleles entr’elles, distantes l’une de l’autre d’un pouce & demi, posées sur un piédestal, dont la base est percée perpendiculairement en écrou. Au haut des colonnes sont situées horisontalement deux plaques d’acier de figure pyramidale tronquée, c’est-à-dire, qu’elles sont plus larges du côté des colonnes que vers leur pointe. L’inférieure est mobile, la supérieure est fixe. Elles ont extérieurement quatre entaillures formées par autant de biseaux pour les empêcher de glisser quand elles sont entre les dents. La plaque inférieure a trois trous. Ceux des côtes servent à loger les colonnes sur lesquelles elle glisse ; celui du milieu reçoit la soie d’une vis à double pas, qui passe par l’écrou du piédestal, & dont l’extrémité inférieure est terminée en trefle pour le tourner. Quand on tourne cette vis, dont le sommet est un chaperon ou tête demi-sphérique, au-dessus de la plaque mobile ; cette plaque s’éloigne plus ou moins de celle qui est fixe, en se baissant ou se haussant comme on veut, & fait par conséquent ouvrir la bouche autant qu’il est nécessaire. Voyez la fig. 11. Pl. XXVI. On trouve dans le traité d’instrumens de M. de Garengeot, une description beaucoup plus ample de cet instrument.
M. Levret a fait graver, dans son traité des polypes, un speculum oris de son invention. Pour opérer aisément dans le fond de la bouche, soit par la ligature des polypes du nez qui s’étendent derriere le voile du palais, soit pour amputer les amygdales extraordinairement tuméfiées, il faut se rendre maître du mouvement de la mâchoire inférieure & de la langue. Les divers speculum oris ne remplissent que fort imparfaitement ces intentions ; ils gênent beaucoup l’opérateur, & dans quelques cas ils empêchent absolument l’opération. Le nouveau speculum gravé Pl. XXXIV. fig. 5. n’a pas ces inconvéniens. On monte à vis le coin de bois, sur la branche du côté opposé à celui où l’on doit opérer. Ce coin est entre les dents molaires. La plaque contient la langue. On avoit cru mal-à-propos que la surface polie de la plaque refléchiroit dans le fonds de la gorge les rayons de lumiere d’une bougie : mais c’est une fausse spéculation, puisque l’haleine ternit cette plaque.
Speculum oculi, ou miroir de l’œil, instrument qui tient l’œil ouvert & assujetti de maniere à permettre au chirurgien d’y faire les opérations convenables. M. Petit a imaginé le speculum annulaire. Celui qui est représenté Pl. 23. fig. 6. sert pour les injections dans le point lacrimal inférieur, & on voit, fig. 7. celui qui convient pour assujettir la peau de la réunion des deux paupieres, & la bander afin de faire l’opération de la fistule lacrimale.
Il y a un autre instrument propre pour l’opération de la cataracte. C’est une espece de coulisse plate & à jour, composée de deux jumelles exactement quarrées, qui ont environ trois pouces de longueur & de rectitude, sur une ligne de large. Elles se recourbent ensuite, & se jettent en-dessous de la longueur de six à sept lignes, pour s’approcher & ne former plus qu’un corps, dont l’extrémité est attachée à la corne d’un demi-cercle, dont la corde horisontalement située peut avoir un pouce de longueur.
Ces jumelles sont éloignées l’une de l’autre, de maniere qu’elles laissent un vuide ou une fente qui a une ligne de diametre : elles se tiennent à la même distance par de petites bandes traversieres, deux en dessus & deux en dessous qui forment une canule à jour, observant que la bande qui est à sept lignes du coude soit large, & ait dans son milieu un trou gravé en écrou, pour les usages que l’on rapportera.
Ces jumelles sont soudées par leur partie postérieure sur une plaque alongée & artistement figurée, de quatorze lignes de long, & qui sert de manche à l’instrument.
La seconde piece de cet instrument est mobile ; c’est une verge aussi quarrée, de trois pouces de long sur une ligne de diametre : elle est de même que les jumelles, coudée à la partie antérieure, & se jette en-dessous, pour former une petite tige de six à sept lignes de long, qui, de même que la précédente, est attachée à la corne d’un demi-cercle aussi horisontalement situé, de sorte que les deux demi-cercles se touchent par leurs bouts, forment un anneau ovale d’un pouce de longueur & de huit lignes de large.
L’anneau ovale que nous venons d’examiner a deux bords, l’un inférieur, ou qui regarde le dessous de l’instrument, & l’autre supérieur, qui regarde le dessus. Le premier devant être appliqué immédiatement sur les paupieres, doit présenter une ouverture plus spacieuse, afin de s’accommoder à la figure globuleuse de l’œil.
La situation de la seconde piece du speculum oculi, est d’occuper le vuide ou la fente qui se trouve entre les jumelles & entre les bandes traversieres qui sont en-dessus & en-dessous, de maniere qu’elle glisse là-dedans comme une coulisse ; mouvement qui s’exécute en poussant un petit bouton, qui est soudé ou monté à vis sur la partie postérieure du corps.
Enfin la derniere piece de cet instrument est une petite vis, qui s’engageant dans l’écrou qui est pratiqué sur la bande large des jumelles, tient l’anneau ferme dans l’ouverture qu’on lui a donnée.
Pour se servir de cet instrument, on pose la circonférence antérieure de l’anneau sur le bord des paupieres, & en poussant l’anneau, on les écarte de maniere à voir le globe de l’œil fixé & arrêté. Voyez la fig. 9. Pl. XXIII.
On se sert de cet instrument pour l’opération de la cataracte, & pour l’extirpation de quelques excroissances, &c. La nouvelle méthode d’opérer par l’extraction du crystallin, rend ces ingénieuses inventions inutiles.
Pour l’extraction des corps étrangers nichés dans l’angle que la membrane interne des paupieres fait avec le globe de l’œil, il n’y a point de meilleur speculum qu’une bandelette, dont l’extrémité garnie d’un emplâtre agglutinatif, s’applique sur la paupiere pour l’écarter du globe. (Y)