Page:Dictionnaire de Trévoux, 1771, II.djvu/518

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
510
CHE

Chère se dit, par extension, des chiens, pour signifier les carresses qu’ils font à leur maître. Blanditiæ. Quand ce petit chien revoit sa maîtresse, il ne sait quelle chère lui faire.

Chère. Terme sous lequel on comprend tout ce qui regarde le service de la table, & la quantité, la qualité, la délicatesse des viandes, & la manière de les apprêter. On dit chez les Cabaretiers, tant pour la bonne chère, c’est-à-dire, tant pour le couvert & les autres menus frais, que l’on ne compte pas en détail. Ac. Fr. 1740.

Chère se dit aussi des repas qu’on donne à ses hôtes, à ses amis. Victus, victus ratio, mensa. Bonne chère, lautus & elegans victus, magnifica & opipara mensa. Mauvaise chère, tenuis, tenuissimus victus, cæna exigua, aspera. Cet homme fait grande chère à tous ceux qui le viennent voir. On le dit aussi de la manière de se traiter en famille, en particulier. C’est un avare qui fait maigre chère chez lui, il se laisse mourir de faim.

On dit qu’un homme est homme de bonne chère, pour dire qu’il aime la bonne chère, & qu’il s’y connoît. On appelle chère entière, un grand repas suivi de plusieurs divertissemens ; & chère de Commissaire, un repas où l’on sert chair & poisson. Ac. Fr.

On dit proverbialement, il n’est chère que d’avaricieux, quand il traite, tout y va.

CHÈREMENT, adv. D’une manière chère, tendrement, avec affection. Amantissime, studiossime. Il aime chèrement ses enfans. Cet homme conserve chèrement tout ce qu’il a. Je conserverai chèrement le souvenir des obligations que je vous ais. Il y a des opiniâtres à qui l’on ne peut faire quitter une opinion : au contraire, ils conservent chèrement tout ce qui peut la confirmer. Maleb.

Chèrement signifie aussi beaucoup, à haut prix. Acheter des vivres bien chèrement, magno, permagno pretio, carè. Ablanc. On le dit aussi au figuré. Il lui vendit bien chèrement les services qu’il lui avoit rendus. B. Rab. Cet homme a vendu chèrement sa vie ; pour dire, il a donné beaucoup de peine à ses ennemis ; il en a bien tué, avant que d’être tué lui-même.

CHÉRER, v. n. Vieux mot, qui veut dire, se réjouir : il est formé de chère.

Chérer, vieux v. Faire des chères ou des amitiés à quelquÉun. Benignè, benevolè agere cum aliquo, tractare aliquem.

Ne vous forcez de me chérer ;
Chère ne quiert point violence,
Mes vers vous veulent révéver,
Non obliger votre excellence. Marot.

CHERF. Voyez CHEF.

CHÉRIF ou SHERIF, s. m. signifie Prince chez les Arabes & les Maures. C’est celui qui doit succéder au Calife, de même que le Coadjuteur à l’Evêque. Princeps. Le Roi de Maroc se qualifie, le Grand Chérif, ou le Chérif des Chérifs ; c’est-à-dire, le premier & le plus puissant des successeurs de Mahomet. On appelle Chérifs les descendans de Mahomet. Le Mozambique étoit autrefois sous la domination des Sarrazins, & un Chérife Maure y commandoit. Bouh. Car le P. Bouhours écrit Chérife, mais sans nécessité.

C’est une erreur de la plûpart des Européens, que le Grand-Seigneur est Souverain de la Mecque & de Médine, & que les Chérifs qui y commandent ne sont que des Gouverneurs ou des Vassaux tributaires. Il est vrai que les Turcs ayant détruit l’Empire des Califes, & leurs ayant succédé par droit de conquête, le Sultan a aussi succédé à la dignité & à toute l’autorité des anciens Califes, premiers successeurs de Mahomet : mais il est vrai aussi que dans la décadence & la division de cet Empire, la race du prétendu Prophète s’est conservé la souveraineté & la possession de ces deux fameuses villes & du pays où elles sont situées, sans opposition des autres Princes Mahométans, & sans être dans la dépendance d’aucun ; au contraire, les plus puissans d’entre ces Princes ont pour les Chérifs, & pour les lieux qu’ils possèdent, une extrême vénération, leur envoyant souvent des offrandes & des présens considérables ; & dans les titres fastueux qu’ils se donnent, ils ne prennent que l’humble qualité de serviteurs des deux villes sacrées de la Mecque & de Médine, ce qui est particulièrement vrai à l’égard du Grand-Seigneur. Voyage de l’Ar. Heur. p. 142, 143.

Cette race des enfans du Prophète, pour parler comme les Orientaux, tire son origine de Fatime, fille de Mahomet, épouse d’Aly, laquelle eut deux fils, Hassan & Hussein, qui ont fondé deux grandes maisons dans le Mahométisme, & qui sont les peres de tous les Chérifs ou descendans de Mahomet qui sont aujourd’hui dans le monde. Id. p. 143, 144.

La Maison d’Hassan a été divisée en deux branches principales, dont la première est restée en Arabie, & a donné des Chérifs à la Mecque & à Médine ; la seconde est passée en Afrique, & a donné naissance aux Rois de Maroc & aux autres Chérifs qui sont en Afrique. La Maison d’Hussein, second fils de Fatime, sont, selon les Orientaux, les Rois de Perse d’aujourd’hui, & les autres Chérifs de l’Asie. Id. p. 144.

Quoique la branche aînée de la Maison de Hassan se soit multipliée en une infinité de Maisons ou de Familles différentes dans l’Arabie, il n’y a jamais eu que quatre principales Maisons qui ont regné à la Mecque & à Médine, qui sont celles de Beni-Cayder ou Kader, de Beni-Moussatani, autrement Beni-Hassan, de Beni-Hachem, & de Beni-Kitada. Le Chérif qui regne aujourd’hui à la Mecque est de cette dernière Maison, laquelle, à ce qu’on prétend, occupe la Principauté depuis plus de 500 ans ; & celui qui règne à Médine est de la Maison de Beni-Hachem, qui regnoit aussi à la Mecque avant celle de Beni-Kitada. Id. p. 144, 145.

La parenté qui est entre les Chérifs d’une même Maison, devient parmi eux un sujet de discorde. Quelquefois la division se met aussi entre les deux Chérifs régnans de la Mecque & de Médine. Alors le Grand-Seigneur, en qualité de Calife, ne manque guère de prendre connoissance de leurs différens, de parler aux Chérifs avec fermeté, & d’installer quelquefois par force un Chérif à la place d’un autre, mais qui doit toujours être de la Maison régnante, toute l’autorité du Sultan ne pouvant pas interrompre cet ordre établi. Id. p. 145, 146. Et cette hauteur de la part du Sultan, & la soumission de la part des Chérifs, ne détruisent pas pour cela leur souveraineté. Id.

Chérif. Monnoie d’or de Turquie, qui vaut à Marseille quatre livres dix sous. Nummulus aureus.

CHÉRIR, v. a. voyez Cher. Aimer quelque personne avec tendresse. Amare, diligere, carum habere. Un honnête homme chérit sa femme. On chérit sa Maîtresse sur toutes choses.

Que le peuple à son gré nous craigne ou nous chérisse,

Le sang nous met au trône, & non pas son caprice.

Rac.
.


Comment se reprocher un crime qu’on chérit ?

Quin.


On n’insulte jamais à ce qu’on a chéri. Corn.

CHÉRI, IE. part. Dilectus, amatus. Objet chéri. Chéri de la fortune. Chéri des cieux. Il y a des affections chéries & des vices favoris, sur lesquels les plus gens de bien même ne s’observent pas assez. S. Evr.