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BOI

Qui dans un saint repos à jamais établi
Des peines d’ici bas bois l’éternel oubli.

Tout cela veut dire : toi qui est maintenant au ciel, où l’on jouit d’une parfaite félicité.

☞ On appelle chansons à boire, des chansons faites pour être chantées à table, & dans lesquelles on fait l’éloge du vin. Du vin prompt à boire, est du vin qu’on boit dans la primeur, & qui n’est pas de garde. Vinum fugax.

On dit en termes de Lingerie & de Couture, faire boire une étoffe, du linge, du passement ; pour dire, le coudre lâche, & un peu plissé.

On dit au manége, boire la bride, quand le mords remonte trop haut, & se déplace de dessus les barres où se fait l’appui. ☞ Boire dans son blanc, se dit d’un cheval bay, alzan, & qui a le nez tout blanc.

Faire boire, est aussi un terme de Tanneau, qui signifie, faire tremper. Faire boire une peau vingt-quatre heures dans la rivière.

On dit en termes des Eaux & Forêts, qu’une mare, un fossé, ou une chantepleure boit en rivière, quand elle a quelque communication avec elle : ce qui est défendu par l’Ordonnance.

Boire, se dit proverbialement en ces phrases. On ne sauroit si peu boire, qu’on ne s’en sente ; pour dire, que ceux qui boivent un peu trop, disent ou font ordinairement quelque sottise. On dit, à petit manger bien boire ; pour dire, qu’on se récompense sur le vin, quand on n’a pas beaucoup de mets. On dit, qu’on commence matines par tousser, & souper par boire. On dit, qui fait la folie la boit ; pour dire, que chacun doit porter la peine de sa faute. On dit encore, on ne sauroit faire boire un âne s’il n’a soif ; pour dire, qu’on ne peut pas obliger un homme à faire une chose malgré lui. On dit encore, puisqu’il est tiré, il le faut boire ; pour dire, qu’il faut poursuivre les affaires où l’on est engagé. On dit, qu’un homme a bien gagné à boire, tant sérieusement qu’ironiquement, quand il a fait quelque action utile, ou dommageable. On dit aussi, boire en âne, lorsqu’on laisse une partie du vin dans le verre. On dit encore, boire le petit doigt, le petit coup gaillard ; pour dire, faire une petite débauche entre honnêtes gens. On dit, boire comme un Templier, comme un trou ; ou boire en chantre & en sonneur ; pour dire, boire par excès. On dit aussi en voyant un homme ivre, il a plus bu que je ne lui en ai versé. On dit encore, qui bon l’achète, bon le boit ; ☞ ce qui signifie figurément, il ne faut point plaindre l’argent à de bonne marchandise. Boire à deux mains, comme un homme qui vend sa terre.

On dit proverbialement, après grâces Dieu bu, ce qu’on croit venir d’une Indulgence qui fut donnée aux Allemands qui boiroient un coup après avoir dit grâces, pour les obliger par ce moyen à les dire. On dit aussi, il a toute honte bue, il a passé par devant l’huis du Pâtissier, en parlant d’un homme sans honneur, qui se moque de tous les reproches qu’on peut lui faire. Ce proverbe vient de ce que les Pâtissiers tenoient autrefois cabaret sur le derrière de leur logis, où ceux qui avoient quelque pudeur entroient par une porte secrette ; & quand un débauché y entroit par la boutique, ou par le devant, on disoit qu’il avoit toute honte bue.

Boire, est aussi s. m. & signifie boisson, ce qui sert de boisson. Potus. Apprêter le boire & le manger de quelqu’un. On dit d’un homme extraordinairement appliqué à quelque chose, qu’il en perd, qu’il en quitte le boire & le manger.

☞ BU, UE. part. Les Vocabulistes vous apprendront qu’on ne dit pas du bu vin, mais du vin bu.

BOIRIN. s. m. Terme de Marine. C’est le nom qu’on donne sur mer au cordage qui tient la bouée.

BOIS. s. m. ☞ Ce terme se prend en deux sens dans la langue françoise. Il signifie quelquefois la partie ligneuse des arbres, ou la partie dure qui forme le corps des arbres, & qui prend son accroissement du suc de la terre. Lignum. Dans ce sens on peut considérer le bois comme un corps organisé. Voyez Arbre, Aubier, Branche, Bourgeon, Racine, &c. M. Grew, dans son Anatomie des Plantes, a découvert que la partie qu’on appelle proprement le bois dans un végétable, n’est autre chose qu’une infinité de canaux fort petits, ou des fibres creuses, dont les unes s’élèvent en haut, & se rangent en forme de cercle parfait ; & les autres, qu’il appelle insertions, vont de la circonférence au centre. Elles se croisent mutuellement, comme les lignes de longitude & de latitude sur un globe, ou les fils des tisserans étendus en long & en large, entrelacés ensemble.

☞ On peut aussi considérer le bois comme matière ; & sous ce point de vue, on le distingue en plusieurs sortes relativement à sa nature, à ses qualités, à ses usages, à ses façons, &c.

Le bois, considéré selon ses diverses qualités utiles, curieuses & médicinales, est premièrement le bois de charpente ou à bâtir, tels que sont le chêne, châtaignier, le sapin qu’on scie & qu’on équarrit, &c. qui sert à bâtir les maisons, à faire les planchers & les toits des moulins, des machines, &c. Materies, materia.

Les bois estimés par curiosité, sont les bois de citron, de cèdre, d’ébène, de calemba ou calembouc, de buis, &c. à cause de leur odeur & de leur dureté, & parce qu’ils reçoivent un beau poli, dont on fait des tables, des buffets, des chapelets, des peignes.

Les bois de teintures sont des bois d’Inde, bois de Brésil, bois de Campêche, bois jaune, &c.

Les bois médicinaux sont le Gaïac, que les Espagnols appellent ligno sancto, l’aloès ou Agallocum, le bois d’aigle, ou pao d’aquila, & d’autres qui seront expliqués à leur ordre.

Bois, en termes de forêts, considéré suivant son état, s’appelle bois en étant, lorsqu’il est de bout sur ses pieds, vivant & prenant son accroissement sur la terre. Arbor nixa stirpibus. Cette expression vient de ce que ce mot étant étoit autrefois un substantif ; & on disoit qu’un homme étoit en son étant ; pour dire, qu’il étoit de bout sur ses pieds ; comme on dit encore, qu’il est en son séant ; pour dire, qu’il est à demi-couché.

Bois vif, est celui qui prend nourriture, ou qui porte du fruit, qui pousse des branches & des feuilles. Lignum vivens. Caron, dans son Traité des bois, oppose bois vif à celui qu’on appelle mort bois : l’un & l’autre prennent nourriture, & portent des feuilles : la différence se prend de l’espèce des arbres ; le bois vif, ce sont les arbres propres à faire de l’ouvrage, comme chêne, hêtre, châtaignier, & autres qui ne sont point compris dans les morts-bois. Lignum fabrile.

Bois d’entrée, est celui qui est entre vert & sec, dont les arbres ont les houppiers ou quelques branches séches, & d’autres vertes, Arbor aliquâ suî parte arida. La coupe en est défendue aux usagers.

Bois gisant. Celui qui est coupé ou abattu & couché sur terre. Arbor jacens humi.

Bois mort. Celui qui est séché sur pied, qui n’a plus de séve. Lignum aridum. La Coutume de Nivernois dit, art. 12, ch. 17, bois mort, est bois chu, abattu ou sec, qui ne peut servir qu’à brûler.

Mort-bois, sont des arbrisseaux de peu de valeur, expliqués & désignés dans la Charte Normande, accordée par Louis X en 1313. Arbor caduci roboris. Il y en a neuf espèces, saux, marsaux, épines, puines, aunes, le seur ou sureau, gênet, geniévre, & ronces. Dans l’Ordonnance de François I; sur le fait des Chasses, Art. 55, le Roi déclare que pour ôter toute difficulté sur ce qu’on doit appeler bois mort & mort bois, il veut qu’on suive l’interprétation & la restriction qui est contenue en la Chartre aux Normands du Roi Louis X, les Ordonnances postérieures y sont conformes. Ce mot s’est dit, selon quelques-uns, par corruption pour mau-bois, ou mauvais bois, qui ont voulu y comprendre tout le bois en étant, qui n’avoit ni fruit, ni graine, comme on voit dans la Coutume de Nivernois. Cependant il y a bien d’autres arbres qui ont vie, & qui ne portent point de fruit, qui ne sont pas renfermés dans le petit nombre d’espèces que l’Ordonna ce met sous ce nom de mort-bis, qui n’est en usage que suivant les restrictions qui y sont com-