La raison me la fait malgré vous, malgré moi[1].
Si je vous en croyois, si je voulois m’en croire,
Nous pourrions vivre heureux, mais avec moins de gloire.
Épousez Domitie : il ne m’importe plus
Qui vous enrichissiez d’un si noble refus[2].
C’est à force d’amour que je m’arrache au vôtre ;
Et je serois à vous, si j’aimois comme une autre[3].
Adieu, Seigneur : je pars.
Ah ! Madame, arrêtez.
Est-ce là donc pour moi l’effet de vos bontés,
Madame ? Est-ce le prix de vous avoir servie ?
J’assure votre gloire, et vous m’ôtez la vie.
Ne vous alarmez point : quoi que la Reine ait dit,
Domitie est à vous, si j’ai quelque crédit.
Madame, en ce refus un tel amour éclate,
Que j’aurois pour vous l’âme au dernier point ingrate,
Et mériterois mal ce qu’on a fait pour moi,
Si je portois ailleurs la main que je vous doi.
Tout est à vous : l’amour, l’honneur, Rome l’ordonne.
Un si noble refus n’enrichira personne,
J’en jure par l’espoir qui nous fut le plus doux :
Tout est à vous, Madame, et ne sera qu’à vous ;
Et ce que mon amour doit à l’excès du vôtre
Ne deviendra jamais le partage d’une autre[4].
Le mien vous auroit fait déjà ces beaux serments,