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nous menaçant de nous faire rendre compte de toutes nos paroles inutiles. (Mt. 12,36) Aussi nous voyons dans l’Écriture que Job avait soin d’offrir à Dieu des sacrifices pour expier les fautes que ses enfants avaient peut-être commises, non seulement dans leurs actions, mais même dans leurs paroles. (Job. 1,5) Mais voici de quelle manière l’Écriture parle contre le désespoir : « Celui qui est tombé ne se relèvera-t-il pas ? Celui qui s’en est allé, ne reviendra-t-il pas » ? (Jer. 8,4) Et ailleurs : « Je ne veux point la mort du pécheur, mais qu’il se convertisse, et qu’il vive ». (Ez. 18,23) Et ailleurs : « Aujourd’hui si vous entendez sa voix ». (Ps. 94,8) Et enfin l’Évangile nous assure que ((les anges se réjouissent dans le ciel pour un « pécheur qui fait pénitence ». (Lc. 15,9) Nous voyons dans toute l’Écriture plusieurs exemples semblables. Et afin que le prétexte d’une fausse piété ne nous surprenne point en ces occasions, il faut se souvenir continuellement de cette parole de saint Paul : « De peur qu’il ne soit accablé d’une tristesse excessive ». (2Cor. 2,7)
Méditons ces vérités, mes frères, et opposons la force de l’Écriture aux artifices dont le démon se sert pour surprendre les faibles. Ne dites point : Quel mal ferai-je, si je regarde curieusement cette femme ? Celui qui a déjà commis le crime dans le fond de son cœur, ne se fera guère de scrupule de le commettre au-dehors. Ne dites point : Quel mal ai-je fait de passer devant œ pauvre sans lui rien donner ? Le mépris que vous avez fait de ce pauvre vous en fera mépriser encore un autre, et ensuite vous les mépriserez tous. Ne dites point : Quel mal fais-je, de désirer le bien de mon prochain ? C’est ce qui a perdu le roi Achab. Quoique ce prince offrît à Naboth de lui donner tout ce que valait sa terre, ce seul péché de vouloir acheter ce que l’autre ne voulait pas vendre, fut un crime qui le jeta dans cet abîme de maux que nous savons. Celui qui veut acheter un bien ne doit pas contraindre celui qui en est le juste maître de le vendre, mais seulement lui en donner le prix lorsqu’il s’en défait volontairement. Mais si Achab a été justement puni de Dieu, quoiqu’il offrît à Naboth le prix de sa vigne, que deviendront ceux qui n’achètent pas, mais qui ravissent le bien d’autrui par une pure violence, principalement dans le temps de la loi nouvelle, et de la grâce de l’Évangile ?
Pour éviter donc ces justes peines, mes frères, fuyons de tout notre cœur toutes les violences et les rapines. Conservons-nous purs non seulement de tout péché, mais des commencements même du péché. Vivons en chrétiens pour régner un jour avec Dieu, par la grâce et par la miséricorde de Notre-Seigneur Jésus-Christ, à qui appartient la gloire et l’empire dans tous les siècles des siècles. Ainsi soit-il.