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il ne considérait point le Christ comme un pur homme, ainsi que l’attestent ces paroles de Marie à Jésus : « Votre père et moi nous vous cherchions, fort affligés ». (Lc. 2,48) Joseph avait donc connu le divin Sauveur avant tous. Et celui-ci disait à ses frères : « Le monde ne peut vous haïr, mais il me hait ». (Jn. 7,7) Je veux aussi vous faire admirer la modestie de Jacques. Il était désigné pour être évêque de Jérusalem, et cependant il garde le silence. Considérez également la profonde humilité de tous les autres disciples : ils ont banni toute rivalité et se cèdent mutuellement les honneurs de l’apostolat. Car il semblait que cette église naissante habitât déjà dans les cieux et ne tint plus à la terre. Aussi, sans être revêtu de marbre précieux, le cénacle était-il tout resplendissant de la ferveur des premiers fidèles. « Et ils étaient », dit saint Luc, « environ cent vingt ». Ce nombre se composait sans doute des soixante-dix disciples que Jésus-Christ avait choisis lui-même, de quelques autres qui se distinguaient par leur piété, comme Joseph et Matthias, et des femmes qui suivaient le Sauveur.
3. Admirez ici la prudence de saint Pierre. Il commence par citer l’autorité d’un prophète, et ne dit point : Ma parole peut bien suffire, tant il est éloigné de toute pensée d’orgueil. Mais il n’envisage que l’élection d’un douzième apôtre, et il poursuit ce but, quoiqu’il n’ignore pas qu’il ne commande point à tous au même titre. Au reste, toute cette conduite prouve l’éminence de sa vertu, et montre que Pierre comprenait la prérogative du commandement bien moins comme une charge honorifique, que comme un engagement de veiller au salut de ses inférieurs. Au reste, ceux qui étaient proposés pour l’apostolat ne pouvaient en tirer vanité, car ce choix les exposait à mille dangers, et ceux qui n’étaient point désignés ne pouvaient également s’attrister et se croire déshonorés. Mais aujourd’hui, c’est tout le contraire qui arrive par rapport aux dignités ecclésiastiques.
Les disciples étaient au nombre de cent vingt, et de toute cette multitude, il n’en demande qu’un. Mais c’est à juste titre qu’il propose l’élection et qu’il prend dans cette affaire la principale autorité, parce que le soin de tous lui a été confié. Et en effet, Jésus-Christ lui avait dit : « Quand tu seras converti, confirme tes frères ». (Lc. 22,32) « Judas », continue donc saint Pierre, « avait été compté parmi nous », et c’est pourquoi il faut choisir en sa place un autre témoin. Là-dessus, il allègue, à l’exemple de son divin Maître, l’autorité de l’Écriture ; et il ne parle pas de Jésus-Christ lui-même, parce que le Sauveur avait souvent prédit cette trahison. Il s’abstient également de citer ce passage des Psaumes qui s’y rapporte évidemment : « La bouche du pécheur et les lèvres du fourbe se sont ouvertes contre moi » (Ps. 108,2) ; et il rappelle seulement la prophétie qui annonce le châtiment de l’apostat. C’était en effet tout ce, qu’il importait aux disciples de connaître.
Pierre déclare aussi combien a été grande envers Judas la bonté du divin Maître. Car « il avait été », dit-il, « compté parmi nous, et il avait reçu sa part de ce ministère ». « Sa part », dit-il toujours, montrant ainsi que tout vient de Dieu et de sa libre élection. Ce mot était encore un souvenir de l’ancienne loi et rappelait aux apôtres que Jésus-Christ les avait choisis pour être la part de son héritage, comme autrefois le Seigneur avait choisi les lévites. Enfin, Pierre insiste sur la fin honteuse de Judas, et il fait observer que le prix même de sa trahison en proclame le châtiment. « Il a possédé », dit-il, « un champ du salaire de l’iniquité ». Voyez comme tout arrive selon les décrets divins. « Le salaire de l’iniquité ». Certes, il est plus d’une sorte d’iniquités, mais nulle n’est plus criminelle que la trahison de Judas ; et cette trahison est une souveraine iniquité. Mais comme il ne suffisait pas qu’elle fût connue de la génération présente, les Juifs, à leur insu, et comme Caïphe, qui prophétisait sans le savoir, donnèrent à ce champ un nom qui devait perpétuer le souvenir de ce forfait. Le Seigneur les força donc à nommer ce champ « Haceldama », comme en prévision des malheurs de la nation.
Déjà même ce nom prouve un premier accomplissement de la prophétie par rapport à Judas ; car « il eût mieux valu pour lui de n’être jamais né ». (Mt. 26,24) Au reste, cette parole s’applique également aux Juifs, qui ne méritaient pas moins que leur guide d’être châtiés. Mais, pour le moment, saint Pierre n’en parle point, et il se borne à justifier ce nom prophétique : Haceldama, par la citation de ce verset des psaumes : « Que sa demeure soit déserte ». (Ps. 68,26) Et en effet, quel lieu plus désert qu’un tombeau ? Aussi ce