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et sévèrement à découvrir une paille dans l’œil d’autrui ? Ignorez-vous que, lorsque vous jugez de la sorte, vous vous préparez un jugement plus rigoureux ? Je ne dis pas ceci, mes frères, pour excuser les méchants prêtres, ni pour approuver ceux qui exercent indignement leur ministère ; loin de là, je les plains, je gémis sur leur sort, mais encore qu’ils soient méchants et indignes de leur caractère, il n’est point permis à ceux qui sont sous leur conduite, et surtout au peuple et aux simples de les juger. Quelque infâme que soit leur vie, si vous êtes attentifs à vos devoirs, vous ne recevrez aucun préjudice dans ce qui est du ministère que Dieu leur a confié. (Nb. 22, 28) Si le Seigneur a fait parler une ânesse, s’il a donné des bénédictions spirituelles par les mains d’un devin ; si, par la bouche d’un animal et par la langue impure de Balaam, il a opéré un miracle en faveur des Juifs qui étaient méchants ; à plus forte raison pour vous, dont la vie et les mœurs sont bonnes et bien réglées, quand bien même les prêtres seraient méchants et très-corrompus, accomplira-t-il toute son œuvre, et enverra-t-il son Saint-Esprit ? Non, ce n’est point l’âme pure qui attire et fait descendre le Saint-Esprit par sa propre pureté, mais c’est la grâce qui opère tout[1]. « Car tout est pour vous », dit l’apôtre, « soit Paul, soit Apollon, soit Céphas ». (1Cor. 3,22) Et en effet, tout ce que le prêtre a en son pouvoir est un don qui n’appartient qu’à Dieu seul, et quelque grande et élevée que soit la sagesse de l’homme, elle sera et paraîtra toujours au-dessous de la grâce.

Enfin, je dis ceci, mes frères, non pour vous autoriser à mener une vie lâche et paresseuse, mais afin que, s’il se trouve que quelques-uns de vos prélats négligent leurs devoirs, vous ne vous en prévaliez pas pour faire votre propre malheur. Et que dis-je, les prélats ou les prêtres ? Non, ni un ange, ni un archange ne peuvent rien contre les dons et les grâces de Dieu ; le Père et le Fils et le Saint-Esprit fait tout[2] ; le prêtre, le ministre prête seulement sa langue et sa main. Il n’aurait pas été juste que dans ce qui concerne les gages de notre salut[3], la méchanceté d’autrui pût nuire à ceux qui ont embrassé la foi. Pesons et considérons bien toutes ces vérités ; craignons Dieu, respectons ses prêtres, rendons-leur toutes sortes d’hommages, afin que nos bonnes Œuvres et l’honneur et le respect que nous leur aurons porté, nous fassent obtenir de Dieu une grande récompense, par la grâce et la bonté de Notre-Seigneur Jésus-Christ, à qui appartient la gloire ; l’empire, l’honneur, ainsi qu’au Père et au Saint-Esprit, maintenant et toujours, et dans tous les siècles des siècles ! Ainsi-soit-il.

  1. Ces paroles du saint Docteur paraissent d’abord un peu obscures, mais la suite les éclaircit. On doit les entendre des ministres, et de la vertu, et de l’efficace des sacrements de Jésus-Christ. Nos sacrements ne requièrent que les dispositions de celui qui les reçoit ; ils opèrent par eux-mêmes et indépendamment de la pureté et de l’intention du ministre.
  2. “Fait tout”, au lieu de “font tout”. Cette expression est grande et très-remarquable : elle montre parfaitement bien l’unité de substance, de puissance, de vertu et d’autorité ; car ces trois sont une même chose, comme l’Écriture nous l’enseigne si formellement. (Jn. 10,30 ; 17,22 et 1Jn. 5,7)
  3. Dans les symboles de notre salut, c’est-à-dire, dans les signes, dans l’administration des sacrements.