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Dieu les abandonna lorsqu’ils s’étaient eux-mêmes soustraits les premiers à sa providence et à sa protection ; et les laissa se conduire à leur sens, et se précipiter à leur ruine, lorsque, tout d’une voix et d’un commun accord, ils l’eurent refusé pour leur roi.
Et certes, ce que venait de dire Pilate aurait dû étouffer toute leur colère : mais ils craignirent que si Jésus-Christ était renvoyé, il n’assemblât de nouveau le peuple, et ils n’épargnaient rien pour l’empêcher. L’amour du pouvoir est une dangereuse passion, et si dangereuse, qu’elle perd l’âme : et c’est cette passion qui a détourné les Juifs d’écouter Jésus-Christ. Pilate veut délivrer Jésus, mais où il devait agir par autorité, il n’emploie que des paroles ; de leur côté, les Juifs pressent et crient. « Crucifiez-le ». Et pourquoi s’acharnent-ils si âprement à poursuivre sa mort ? Parce que mourir sur une croix, c’était mourir d’une mort ignominieuse. Craignant donc qu’on ne conservât dans la suite la mémoire de Jésus, ils s’attachent à lui faire infliger ce honteux, cet infâme supplice, ne sachant point que la vérité franchit tous les obstacles qu’on lui oppose et ; s’élève au-dessus. Pour vous convaincre que c’est là ce qu’ils, pensaient et ce qu’ils craignaient, écoutez ce qu’ils disent : « Nous avons entendu dire à ce séducteur : Dans trois jours je ressusciterai ». (Mt. 27,63) Voilà pourquoi ils confondaient, ils renversaient tout afin de le diffamer, de noircir et d’éteindre sa mémoire à perpétuité. Voilà pourquoi, ils ne cessaient point de crier « Crucifiez-le » ; c’est-à-dire, la grossière populace que les princes des prêtres avaient gagnée et corrompue.
3. Mais nous, mes frères, ne nous contentons pas de lire l’histoire de la passion du Sauveur ; portons-la continuellement dans notre esprit et dans notre cœur ; ayons toujours présents à nos yeux la couronne d’épines, le manteau, le roseau, les soufflets, les coups qu’on lui a portés aux yeux, les crachats, les dérisions, les moqueries. La fréquente méditation de ces ignominies apaisera toute notre colère. Si l’on se moque de nous, si l’on nous maltraite injustement, disons alors : « Le serviteur n’est pas plus grand que le maître ». (Jn. 15,20) Et rappelons-nous les paroles des Juifs, lorsque ces furieux disaient à notre divin Maître : « Vous êtes possédé du démon », et : « Vous êtes un samaritain » (Jn. 8,48) ; et encore : « Cet homme chasse les démons par Belzébuth ». Si Jésus-Christ a souffert toutes ces choses, c’est afin que nous suivions ses pas (1Pi. 2,21) et que nous supportions avec fermeté les mots piquants et les railleries qui ont coutume de nous émouvoir et d’allumer le plus notre colère. Et non seulement notre divin Sauveur a souffert tous ces outrages, mais encore il a fait tout ce qu’il a pu, pour délivrer du supplice qui leur était préparé, ceux qui s’étaient rendus si coupables, car il a envoyé les apôtres pour leur salut. Voilà pourquoi vous entendez les apôtres dire ces peuples : « Nous savons que vous avez agi par ignorance » (Act. 3,17) ; et par ces ménagements et cette douceur, ils les engagent à faire pénitence.
Imitons ces exemples, mes frères ; rien n’est plus propre à apaiser la colère de Dieu que d’aimer nos ennemis et de faire du bien à, ceux qui non font du mal. Lorsque quelqu’un vous a causé du chagrin, ce n’est pas sur lui que vous devez porter vos regards, mais sur le démon, qui l’a ému et excité. Répandez toute votre colère sur le démon et ayez pitié de celui qu’il égare. Si le mensonge vient du diable, à plus forte raison est-ce aussi par son influence qu’on se met en colère sans sujet ; lorsque quelqu’un vous raille, pensez que c’est le diable qui l’animé ; ces sortes de paroles ne peuvent sortir de la bouche d’un chrétien. Un chrétien, à qui il est ordonné de pleurer et qui a entendu ces paroles : « Malheur à vous qui riez » (Lc. 6,25), s’il raille, s’il profère des outrages, s’il se met en colère, sûrement il ne mérite pas nos reprochés, mais il est digne de nos larmes. Jésus-Christ lui-même s’est troublé en pensant à Judas.
Méditons donc toutes ces choses, mes chers frères, mais méditons-les en les mettant en pratique. Si nous ne les pratiquons pas, nous sommes vainement et inutilement venus en ce monde, ou plutôt nous y sommes venus pour notre, perte. La foi toute seule ne nous peut pas faire entrer dans le ciel, mais elle ne servira même qu’à attirer une plus grande et plus rigoureuse condamnation à ceux qui vivent mal. « Car le serviteur qui aura su la volonté de son maître et n’aura pas fait ce qu’il désirait de lui, sera battu rudement » (Lc. 13,47) ; et encore : « Si je n’étais point venu et que je ne leur eusse point parlé, ils n’auraient point le péché » (Jn. 15,22) qu’ils ont.