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point encore ; vous l’obtenez par la prière. Pourquoi donc leur disiez-vous : « Vous serez assis sur douze trônes ? » (Mt. 19,28) Pourquoi leur avez-vous fait d’autres promesses et plus grandes et plus considérables ? Ne voyez-vous pas, mes frères, que Jésus-Christ dit toutes ces choses par condescendance, et pour s’accommoder à la portée de ses auditeurs ? Si cela n’était pas ainsi, comment aurait-il répondu affirmativement à Pierre : « Vous me suivrez après ? (Jn. 13,30) Mais, en un mot, le Sauveur n’a fait cette prière et cette réponse, que pour donner à Pierre et à tous ses disciples un plus grand et plus authentique témoignage de son amour[1].
« Afin qu’ils contemplent ma gloire que vous m’avez donnée (34) ». C’est encore ici une preuve de l’union du Fils avec son Père, et une preuve véritablement plus relevée et plus sublime que la première. « Vous m’avez aimé », dit-il, AVANT LA CRÉATION DU MONDE, mais néanmoins empreinte encore de condescendance, témoin ces mots : « Vous m’avez donnée ». Sinon, que nos adversaires, que les hérétiques qui prétendent le contraire, me répondent : Celui qui donne, donne certainement à quelqu’un qui préexistait ; donc le Père, ayant auparavant engendré son Fils, lui aurait donné ensuite la gloire, et l’aurait laissé sans gloire jusqu’alors, jusqu’au moment qu’il la lui a donnée ? Mais cela peut-il être ? Cela peut-il se soutenir ? Convenez donc que le mot : « Vous m’avez donnée », signifie : vous m’avez engendré.
3. Mais pourquoi le Sauveur n’a-t-il pas dit « Afin qu’ils participent » ; mais seulement : « Afin qu’ils voient ma gloire ? » C’est qu’il a voulu leur faire entendre que la félicité, que la gloire parfaite consiste à contempler le Fils de Dieu, et que c’est là ce qui rend illustre et heureux, comme le dit saint Paul. « Pour nous, n’ayant point de voile qui nous couvre le visage, et contemplant la gloire du Seigneur, nous sommes transformés en la même image ». (2Cor. 3,18) Comme ceux qui, dans un temps serein, contemplant la brillante lumière du soleil, ont du plaisir par les yeux, ainsi nous serons heureux dans l’autre vie : ou plutôt cette contemplation leur procurera un plaisir bien plus grand. Le Sauveur leur fait aussi connaître qu’il n’est pas ce qu’ils voient au-dehors, mais qu’il est une substance redoutable, une majesté qui fait trembler.
« Père juste, le monde ne vous a point connu (25) ». Que veut dire cela ? Quelle suite y a-t-il ici ? Le Sauveur déclare que nul ne connaît Dieu, sinon ceux qui connaissent le Fils ; c’est comme s’il disait : Je voudrais que tous vous connussent, mais ils ne vous ont point connu, quoiqu’ils ne vous puissent faire aucun reproche. Car c’est ce que signifie ce mot : « Père juste ». Et l’on voit qu’il dit cela avec peine, songeant qu’ils n’ont pas voulu connaître celui qui est si bon et si juste. Comme les Juifs disaient qu’ils connaissaient Dieu et que Jésus ne le connaissait point, le Sauveur les a en vue, en disant : « Vous m’avez aimé avant la création du monde » : et par là il se justifie de leurs accusations. Comment Jésus-Christ serait-il contraire au Père, lui qui en a reçu toute sa gloire, lui qui en a été aimé avant la création du monde, lui qui a voulu les rendre témoins et participants de cette même gloire ? Il n’est donc pas vrai, comme le prétendent les Juifs, que ce sont eux qui vous connaissent, et que je ne vous connais point ; mais c’est tout le contraire. je vous connais, et ils ne vous connaissent point mais « ceux-ci ont connu que vous m’avez envoyé ». Vous le voyez, mes frères : le Sauveur fait allusion ici à ceux qui disaient qu’il n’était point envoyé de Dieu, et il les a uniquement en vue dans tout ce qu’il dit ici.
« Je leur ai fait connaître votre nom, et je le leur ferai connaître (26) » encore. Vous avez pourtant dit que la parfaite connaissance vient du Saint-Esprit. Oui, mais tout ce qui est au Saint-Esprit est à moi. « Afin que l’amour

  1. Les apôtres, en disant : « Où allez-vous » ? voulaient savoir quel était le but des paroles de Jésus-Christ. Et saint Chrysostome veut prouver ici que, quoique le Sauveur désire que les apôtres soient avec lui où il sera lui-même, et qu’il semble l’ignorer en faisant cette prière pour eux, néanmoins il ne l’a fait que pour leur donner un témoignage plus authentique de son amour, sans qu’on puisse inférer de cette prière, qu’il ait ignoré que ses apôtres seraient avec lui, et pendant cette vie, et dans les siècles à venir. \fp En un mot, Jésus-Christ prie pour ses apôtres. À l’occasion de cette prière, le saint Docteur apostrophe Jésus-Christ, et fait voir que les hérétiques ne peuvent point se prévaloir de cette prière pour nier la divinité de Jésus-Christ ; puisqu’elle ne peut prouver que le témoignage de son amour à leur égard, et non qu’il ait rien ignoré ; au lieu que les apôtres, en demandant « Où allez-vous ? » faisaient voir le désir qu’ils avaient de connaître ce que Jésus-Christ leur disait mais en même temps ils montraient leur ignorance ; ce qu’on ne peut dire de Jésus-Christ. Et le saint Docteur répond par là à cet argument implicite ; la prière de Jésus-Christ suppose de l’ignorance en lui ; car pourquoi prierait-il, s’il savait que Dieu le Père mettra ses apôtres avec lui ? Saint Chrysostome répond : Cette prière ne suppose aucune ignorance, mais elle marque seulement l’amour de Jésus-Christ pour ses apôtres, et qu’il leur parle humainement et selon leur portée, etc.