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quand il est dit du Fils et de nous, parce qu’alors, entre les deux natures mêmes, il y a une infinie distance. En effet, « Jésus-Christ n’ayant point commis d’iniquités, et le mensonge n’ayant jamais été dans sa bouche » (Is. 53,9), comment lui pourrait-on comparer les apôtres ? Que veut donc dire ceci : « Ils ne sont point du monde ? » Ils ont d’antres vues, d’autres désirs, ils n’ont rien de commun avec la terre, ils sont devenus citoyens du ciel. Le Sauveur louant ainsi ses disciples devant son Père, et les lui recommandant, leur témoigne son amour.
Mais quand il dit : « Conservez-les », il ne prie pas seulement son Père de les délivrer des périls et du mal, il demande encore qu’ils demeurent fermes dans la foi ; c’est pourquoi il a ajouté : « Sanctifiez-les dans votre vérité (27) », rendez-les saints par l’infusion du Saint-Esprit et par la vérité de l’Évangile et la certitude de votre parole. Comme il a dit : « Vous êtes purs à cause des instructions que je vous ai données » (Jn. 15,3), maintenant il dit de même : instruisez-les, enseignez-leur la vérité. Mais Jésus-Christ avait déjà dit que le Saint-Esprit le ferait ; pourquoi prie-t-il donc son Père de le faire ? Pour vous montrer encore l’égalité des personnes. Jésus-Christ dit enseignez-leur la vérité, parce que la saine doctrine et les justes sentiments qu’on a de Dieu sanctifient l’âme. Ne vous étonnez donc point qu’il dise qu’on est sanctifié par la parole. Au reste, que ce soit de la doctrine qu’il parle ici, on n’en peut douter, ce qui suit l’insinue : « Votre parole est la vérité » ; c’est-à-dire, il n’y a point de mensonge en elle, la parole de Dieu ne passe point, elle s’accomplit infailliblement. Le Sauveur montre encore qu’il n’y a en elle rien de figuré ou de corporel, ainsi que saint Paul dit de l’Église : « Le Seigneur l’a sanctifiée par la parole ». (Eph. 5,26) Car la parole de Dieu a coutume de purifier.
Pour moi, il me semble que ce mot : « Sanctifiez-les », signifie encore une autre chose, à savoir : séparez-les et préparez-les pour l’œuvre de la parole et de la prédication. Ce qui se voit clairement par ce qui suit : « Car comme vous m’avez envoyé dans le monde », dit-il, « je les ai aussi envoyés dans le monde (18) ». Saint Paul le dit de même. « C’est lui qui a mis en nous la parole de réconciliation ». (2Cor. 5,19) C’est pour cette parole que Jésus-Christ a quitté la terre et est monté au ciel ; c’est aussi pour cette même parole que les apôtres ont parcouru toute la terre. Mais ce mot « comme » ne marque pas une égalité entre Jésus-Christ et les apôtres ; autrement, comment aurait-il pu les envoyer ? Jésus-Christ a coutume de parler de ce qui doit arriver comme d’un fait déjà accompli.
« Et je me sanctifie moi-même pour eux, afin qu’ils soient aussi sanctifiés dans la vérité (19) ». Que veut dire : « Je me sanctifie ? » Je vous offre un sacrifice. Or, tous les sacrifices sont appelés saints, les choses saintes étant proprement celles qui sont consacrées à Dieu. Et comme, dans l’Ancien Testament, les hommes étaient sanctifiés en figure par l’immolation d’une brebis, maintenant dans le Nouveau ils ne le sont plus en figure, mais en réalité ; c’est pourquoi le Sauveur dit : « Afin qu’ils soient sanctifiés dans votre vérité ». Je vous les consacre, dit-il, et je vous en fais une oblation ; soit qu’il entende cela de l’oblation du chef ou de celle des membres, car ils devaient aussi s’immoler. « Offrez vos corps à Dieu », dit l’Écriture, « comme une hostie vivante, sainte ». (Rom. 12,1) Et : « Nous sommes regardés comme des brebis destinées à la boucherie ». (Ps. 43,24) Ainsi le Seigneur fait des siens une hostie et une oblation, sans les immoler. La suite montre évidemment que Jésus-Christ parlait de son immolation et de sa mort, en disant : « Je me sanctifie. Je ne prie pas seulement pour eux, mais encore pour ceux qui doivent croire en moi par leur parole ». En effet, comme c’était pour eux qu’il mourait, il a dit : « Je me sanctifie moi-même pour eux » ; de peur qu’on ne crût qu’il mourait seulement pour les apôtres, il a ajouté : « Je ne prie pas seulement pour eux, mais encore pour ceux qui doivent croire en moi par leurs paroles (20) ».
2. Jésus-Christ faisant ainsi connaître à ses apôtres que beaucoup se convertiraient et deviendraient ses disciples, relève encore leur esprit et les encourage. Car en cela même qu’il rend commun ce qui leur était particulier, il leur donne un nouveau sujet de consolation, leur montrant qu’ils seront eux-mêmes la cause du salut des autres. Et après leur avoir parlé de leur salut, leur avoir appris qu’ils se sanctifieraient par la foi, par les souffrances et par l’immolation de leurs corps, il les entretient enfin de l’union qui doit être entre eux,