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vous laisserai point orphelins, je viens[1] à vous (18) ». Ne craignez point, dit-il, ne vous abattez point : je ne vous ai pas dit que je vous enverrai un autre consolateur pour vous laisser toujours. Je ne vous ai pas dit : Il demeure avec vous pour ne vous plus voir sûrement, je viens aussi à vous, « je ne vous laisserai point orphelins ». Les ayant d’abord appelés : « Mes petits enfants », il leur dit maintenant : « Je ne vous laisserai point orphelins ».

2. Au commencement donc, Jésus-Christ a dit à ses disciples : « Vous viendrez où je vais » ; et : « Il y a plusieurs demeures dans la maison de mon Père ». Mais comme il y avait longtemps à attendre, maintenant il leur donne le Saint-Esprit. Et comme ils ne comprirent point ce qu’il leur disait, ils n’en reçurent pas une assez grande consolation ; c’est pourquoi le Sauveur ajoute : « Je ne vous laisserai point orphelins : » et c’est là ce qu’ils désiraient le plus. Mais encore ce mot : « Je viens à vous », marquant sa présence, de peur qu’ils ne demandent encore une présence sensible, telle qu’ils l’avaient eue auparavant, Jésus-Christ, à la vérité, ne leur explique pas clairement de quelle manière il leur sera présent, mais il le leur insinue. Après avoir dit : « Encore un peu de temps, et le monde ne me verra plus (19) », il ajoute : Mais pour vous, vous me verrez ». C’est comme s’il disait : véritablement, je viens à vous, mais non pour demeurer toujours avec vous comme auparavant. Et de peur qu’ils ne lui fissent cette objection : Pourquoi donc avez-vous dit aux Juifs : « Vous ne me verrez plus ? » il la prévient et la résout, en disant : « Je viens à vous » seulement. L’Esprit-Saint sera aussi de même.

« Parce que je vis, et que vous vivrez aussi ». La croix, ma mort ne nous séparera pas pour toujours, mais elle ne me cachera que pour un temps fort court. Il me semble que le Sauveur ne parle pas seulement ici de la vie présente, mais encore de la vie future. « En ce jour-là vous connaîtrez que je suis en mon Père, et vous en moi, et moi en vous ». En mon Père, par ma substance ; en vous, par mon union avec vous et par le secours que vous recevrez d’en haut. Comment, et de quelle manière, je vous prie, Jésus-Christ sera-t-il avec ses disciples ? Comment et de quelle manière dès choses contraires peuvent-elles convenir et s’allier ensemble ? Car il y a une grande, ou plutôt une infinie distance entre Jésus-Christ et ses disciples. Ne vous étonnez pas d’entendre les mêmes paroles et les mêmes expressions. L’Écriture, en parlant de Dieu et des hommes, a coutume de se servir des mêmes paroles et des mêmes termes, mais elle en fait une application très-différente ; elle nous donne le nom de dieux et d’enfants de Dieu[2], mais ces noms et ces titres n’ont pas, quand on nous les applique, la même force et le même sens que quand on les donne à Dieu. L’Écriture appelle aussi le Fils image et gloire comme nous, mais il y a une grande différence entre l’une et l’autre. Et elle dit encore : « Et vous, vous êtes à Jésus-Christ, et Jésus-Christ est à Dieu ». (1Cor. 3,23) Mais toutefois Jésus-Christ n’est pas de même à Dieu que nous sommes à Jésus-Christ.

Enfin, quel est le sens de ces paroles ? Le voici : Lorsque je serai ressuscité, alors vous saurez que je ne suis jamais séparé de mon Père, et que j’ai la même vertu et le même pouvoir ; vous connaîtrez que je suis toujours avec vous, les œuvres mêmes que vous ferez rendront un témoignage public et de mon secours, et de mon assistance continuelle vous le connaîtrez, que je suis toujours avec vous, parce que vous verrez vos ennemis renversés et humiliés ; parce que vous agirez avec confiance et parlerez avec liberté, parce que je vous délivrerai de ceux qui vous chagrineront et vous affligeront ; vous le connaîtrez, que je suis avec vous, parce que vous verrez la prédication tous les jours plus florissante et que tout le monde se soumettra à la sainte et pieuse doctrine que vous répandez. « Comme mon Père m’a envoyé, je vous ai aussi envoyés ». (Jn. 17,18) Ne remarquez vous pas encore ici, mes frères, que la même expression n’a pas, dans ces deux membres, la même force ni la même signification ? Si nous la prenions dans le même sens, il n’y aurait point de différence entre les apôtres et Jésus-Christ. Et enfin, pourquoi le Sauveur dit-il : « Vous connaîtrez alors ? » C’est parce qu’alors ils ont vu que leur Maître était ressuscité, et qu’il demeurait avec eux c’est parce qu’alors ils ont reçu la plénitude de la foi, ils ont appris la véritable doctrine,

  1. Je viens, texte grec. Le latin dit : Je viendrai.
  2. J’ai dit : Vous êtes des Dieux, et vous êtes tous enfants du Très-Haut. (Ps. 81,6)