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leur Maître leur promet qu’ils auront le pouvoir de faire à d’autres les mêmes choses qu’il a faites lui-même, qu’il aura toujours soin d’eux ; il leur fait connaître qu’il demeure toujours, et que non seulement il demeure, mais encore qu’il leur donnera des marques sensibles d’une plus grande vertu et d’un plus grand pouvoir.
3. Suivons donc Jésus-Christ et portons sa croix. Encore qu’aujourd’hui il n’y ait point de persécution, nous avons en perspective un autre genre de mort. « Faites mourir », dit l’apôtre, « les membres de l’homme terrestre qui est en vous ». (Col. 3,5) Faisons donc mourir la concupiscence, la colère, l’envie. C’est là le vivant sacrifice : et un sacrifice qui ne se réduit point en cendres, qui ne se dissipe point en fumée, qui n’a besoin ni de bois, ni de feu, ni d’épée : le feu et l’épée, il les a en soi ; et c’est le Saint-Esprit. Servez-vous de cette épée pour couper, pour retrancher tout ce qu’il y a d’étranger et de superflu dans votre cœur, et pour ouvrir vos oreilles qui sont bouchées. Les maladies de l’âme, les passions et les mauvais désirs ferment l’entrée à la divine parole. Le désir des, richesses ne nous permet pas d’entendre la parole qui nous excite à faire l’aumône, l’envie étouffe la parole qui nous exhorte à la charité : d’autres maladies encore rendent notre âme lâche et paresseuse en tout. Arrachons donc de nos cœurs les mauvais désirs : il suffit de vouloir, et tout s’éteint.
En effet, ne considérons pas, je vous prie, que l’amour des richesses est un tyran : n’imputons cette tyrannie qu’à notre lâcheté. Bien des gens disent qu’ils ne savent pas ce que c’est que l’argent. Ce désir ne nous est pas naturel : les désirs naturels sont nés avec nous dès le commencement, et on a longtemps ignoré ce que sont l’or et l’argent. D’où s’est-il donc produit en nous ce désir des richesses ? De la vaine gloire et de notre extrême paresse. Parmi les désirs qui se trouvent dans l’homme, les uns sont nécessaires, d’autres sont naturels : et il y en a qui ne sont ni l’un ni l’autre. Par exemple : il y a des désirs qui, s’ils ne sont remplis, font mourir l’animal, et ceux-là sont naturels et nécessaires, comme le désir de manger, de boire, de dormir. La concupiscence de la chair est naturelle, mais n’est point nécessaire : plusieurs l’ont maîtrisée et domptée et n’en sont point morts. L’amour des richesses n’est ni naturel, ni nécessaire, mais superflu. Si nous le voulons, nous secouerons le joug de sa tyrannie. Et certes, Jésus-Christ, parlant de la virginité, dit : « Qui peut comprendre ceci, le comprenne ». (Mt. 19,12) Mais sur les richesses, il ne parle pas de même ; et que dit-il ? « Quiconque d’entre vous ne renonce pas à tout ce qu’il a, ne peut être mon disciple ». (Lc. 14,33) À l’égard de ce qui est facile, le Sauveur use d’exhortation tout en laissant à la volonté ce qui surpasse les forces de plusieurs. Pourquoi nous rendons-nous donc inexcusables ? Celui qui est attaqué d’une forte et violente maladie, ne sera pas rigoureusement puni ; mais celui qui n’est atteint que d’une faible et légère infirmité, reste sans excuse. Qu’aurons-nous à répondre à Jésus-Christ, quand il nous dira : « Vous m’avez vu avoir faim, et vous ne m’avez pas donné à manger ? » (Mt. 25,42) Quelle excuse aurons-nous ? Prétexterons-nous notre pauvreté ? Mais nous ne sommes pas plus pauvres que cette veuve de l’Évangile, qui, pour avoir donné deux oboles (Mc. 12,42), surpassa tout le monde. Dieu n’exige pas de nous de grandes offrandes ni de grandes aumônes ; il ne mesure que notre bonne volonté. Et en cela même éclate sa providence. Admirons donc cette infinie bonté du Seigneur, et offrons-lui ce que nous pouvons, afin que dans cette vie et dans l’autre, nous puissions attirer sur nous sa grande miséricorde, et obtenir les biens qu’il nous a promis, par la grâce et la bonté de Notre-Seigneur Jésus-Christ, à qui appartient la gloire, dans tous les siècles des siècles ! Ainsi soit-il.