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point vous empêcher d’entrer dans la maison de mon Père. Mais de plus, « si je suis la voie », vous n’aurez pas besoin de conducteur ; si je suis la vérité, je ne dis rien de faux ; si je suis la vie, encore que vous mouriez, vous posséderez les biens que je vous ai promis. Ce que Jésus disait de la voie, les disciples l’ont compris et l’ont confessé ; mais les autres choses, ils ne les comprenaient point ; cependant ils ne lui en ont pas osé demander l’explication, et néanmoins ils ont reçu beaucoup de consolation de l’intelligence de cette parole : « Je suis la voie ». Puis donc qu’il est en mon pouvoir de mener au Père, sûrement vous y viendrez ; car il n’y a point d’autre voie qui vous y puisse mener. Jésus-Christ ayant donc dit auparavant : et Personne ne peut venir à moi, si mon Père ne l’attire » (Jn. 6,44) ; et encore : « Pour moi, quand j’aurai été élevé de terre, j’attirerai tous les hommes à moi » (Id. 12,32) ; et derechef maintenant : « Personne ne vient au Père que par moi » ; il montre qu’il est égal au Père.
Comment donc Jésus-Christ, après avoir dit « Vous savez où j’irai, et vous en savez la voie (4) », ajoute-t-il : « Si vous m’aviez connu, vous auriez aussi connu mon. Père, et vous le connaîtrez bientôt, et vous l’avez déjà vu (7) ? » Dans ces paroles le Sauveur ne se contredit point : les disciples le connaissaient, mais non pas comme il fallait le connaître. Ils connaissaient Dieu, mais ils ne connaissaient point encore le Père. Ils ne l’ont connu que dans la suite, lorsque le Saint-Esprit, descendant sur eux, leur en a donné toute la connaissance. Au reste, voici ce que veut dire Jésus-Christ : Si vous connaissiez mon essence et ma dignité, vous connaîtriez aussi celle de mon Père. « Et vous le connaîtrez bientôt, et vous l’avez déjà vu » ; c’est-à-dire : « Vous le connaîtrez » dans la suite, « vous l’avez vu », vous le voyez par moi, en me voyant.
Jésus-Christ appelle ici vision la connaissance intérieure et spirituelle de l’âme, car ceux que l’on voit « extérieurement », nous pouvons en même temps les voir et ne les pas connaître, mais ceux que l’on connaît, nous ne pouvons pas les connaître et ne pas savoir ce qu’ils sont. C’est pourquoi le Sauveur dit : « Et vous l’avez vu », comme, dit-il, il a été vu des anges mêmes ; mais nul n’a vu sa propre substance, et néanmoins Jésus-Christ dit que les disciples l’ont vue ; entendez ; au degré où ils pouvaient la voir. Il a parlé de la sorte pour vous apprendre que celui qui l’a vu, connaît aussi le Père. En un mot, les disciples le voyaient, non à la vérité dans sa substance pure et simple, mais revêtu de la chair. Ailleurs encore Jésus-Christ appelle la vision la connaissance, comme lorsqu’il dit : « Bienheureux ceux qui ont le cœur pur, parce qu’ils verront Dieu ! » (Mt. 5,8) Or, le Sauveur appelle purs, non ceux qui s’abstiennent seulement de la fornication, mais ceux qui s’abstiennent de tous péchés, car tout péché souille l’âme.
3. Faisons donc tout ce que nous pouvons pour laver nos souillures. En premier lieu, le baptême les efface, ensuite, beaucoup d’autres différents moyens. Dieu, qui est la clémence et la bonté mêmes, nous a ouvert bien ries différentes voies pour nous purifier. L’aumône est la première. « La foi et l’aumône », dit l’Écriture, « expient les péchés[1] » (Sir. 3,33) ; je dis l’aumône qui n’est point faite d’un bien mal acquis, car celle-ci n’est point une aumône, mais une inhumanité et une cruauté. En effet, que peut-on gagner à dépouiller l’un pour vêtir l’autre ? Il faut commencer par la miséricorde, et c’est là de l’inhumanité. Quand même nous donnerions tout le bien d’autrui, nous n’en retirerions aucun fruit. Zachée nous l’apprend, il dit qu’il apaise la colère de Dieu en restituant au quadruple tout le bien qu’il a pris. (Lc. 19,8) Mais nous, qui commettons mille rapines, nous croyons, par quelques aumônes, apaiser la colère de Dieu, et nous ne voyons pas que nous l’irritons davantage.
Dites-moi, je vous prie, si, prenant dans un carrefour un âne mort et puant, vous le traîniez à l’autel pour en faire un sacrifice, tout le monde ne vous lapiderait-il pas comme un impie et un sacrilège ? Eh bien ! si je prouve qu’un sacrifice fait d’un bien volé est plus exécrable, quelle excuse aurons-nous ? Supposons un bijou, un meuble dérobé n’est-il pas plus infect que cet âne mort ? Voulez-vous l’apprendre, combien est grande l’infection du péché ? Écoutez ce que dit le prophète : « Mes plaies ont été remplies de corruption et de pourriture ». (Ps. 27,5) Pour vous, vous priez Dieu des lèvres d’oublier

  1. Ce passage n’est pas tout à fait de même, ni dans les Septante ni dans la Vulgate. Saint Chrysostome en a seulement pris le sens.