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péché, comment avons-nous été délivrés de la malédiction ? (Gal. 3,13) Comment dit-il « Le prince de ce monde va venir, et il n’a rien en moi » (Jn. 14,30) qui lui appartienne[1]? car voilà ce qui marque son impeccabilité. Ainsi donc, selon ces hérétiques, ou Jésus-Christ n’a point ressuscité, ou, pour qu’il ait ressuscité, il faut qu’il ait péché avant sa résurrection ; mais il a ressuscité et il n’a commis aucun péché ; c’est donc une vérité constante que Jésus-Christ est ressuscité, et la mauvaise doctrine de ces hérétiques n’est qu’un fruit de leur vanité.
Évitons donc ces hommes empestés, car « les mauvais entretiens gâtent les bonnes mœurs[2] ». (1Cor. 15,33) Ce ne sont point là les dogmes des apôtres. Marcion et Valentin, voilà les inventeurs de ces nouveautés impies. Fuyons donc ces erreurs, mes bien-aimés, la bonne vie ne sert de rien sans la bonne doctrine, comme la bonne doctrine est inutile sans la bonne vie. Les gentils ont inventé et semé les premiers ces erreurs ; les hérétiques les ayant reçues des philosophes païens, les ont accrues et répandues, soutenant également avec eux que la matière est incréée, et bien d’autres semblables extravagances. Comme donc ayant enseigné que la matière était incréée, ils en ont conclu qu’il n’y avait point de créateur ; de même, voyant la mort et la corruption des corps, ils ont dit qu’il n’y avait point de résurrection.
Mais nous, mes frères, nous qui connaissons l’immense et souveraine puissance de Dieu, n’écoutons point leurs rêveries ; gardons-nous de leurs entretiens, c’est pour vous que je le dis. Car pour moi je ne refuserai point d’entrer en lice avec eux. Mais un homme nu et sans armes, encore qu’il soit en soi plus fort que ceux qui l’attaquent, sera facilement vaincu et terrassé. Si vous faisiez votre étude et votre méditation des saintes Écritures, si vous vous prépariez tous les jours au combat, je n’aurais garde de vous détourner de combattre contre eux ; au contraire, je vous conseillerais de leur livrer bataille, parce que la vérité est forte et puissante. Mais comme vous ne savez pas vous servir des Écritures, je crains le combat, je crains que, vous trouvant sans armes et sans défense, ils ne vous renversent. Rien, en effet, rien n’est plus faible que ceux qui sont dénués du secours de l’Esprit-Saint.
Que si ces faux sages affectent de faire paraître au-dehors de la sagesse et de la gravité, vous ne devez point vous en étonner, mais plutôt vous devez rire de les voir suivre des docteurs fous et insensés ; car leurs docteurs n’ont rien su penser de grand, de raisonnable, ni sur Dieu ni sur la créature ; ce que chez nous la moindre femme sait, Pythagore l’a parfaitement ignoré[3]. Mais ces philosophes débitent fastueusement que l’âme est changée en arbrisseau, en poisson, en chair. Ne leur prêtez point l’oreille, je vous prie, et serait-ce raisonnable ? Ils sont ici de grands personnages, ils laissent croître leurs cheveux, les frisent, les ajustent et se parent d’un manteau ; voilà en quoi consiste toute leur philosophie. Si vous les regardez de près, ils ne sont que cendre et que poussière, il n’y a rien de sain chez eux, mais « leur gosier est comme un sépulcre ouvert » (Ps. 5,11) ; en eux tout est ordure et corruption, et leurs dogmes, tels qu’un bois pourri, fourmillent de vers. Le premier de leurs philosophes a enseigné que Dieu était l’eau, celui qui est venu après lui a dit que c’était le feu, un autre que c’était l’air, et tous n’ont eu de Dieu que des idées corporelles. N’admirez donc pas, je vous prie, ces docteurs qui n’ont pas pu s’élever à la connaissance d’un Dieu incorporel. Que si dans la suite ils en ont eu quelque connaissance, ils la doivent aux entretiens qu’ils ont eus dans l’Égypte avec les nôtres. Mais, pour ne pas causer ici trop de désordre, finissons ce discours. Si nous voulions bien nous donner la peine de vous exposer leur doctrine, ce qu’ils ont dit de Dieu, de la matière, de l’âme et du corps, vous ne pourriez vous empêcher d’éclater de rire. D’ailleurs ils ne méritent pas qu’on les réfute, car ils se détruisent réciproquement eux-mêmes.
Le philosophe qui a écrit contre nous un livre sur la matière, se réfute lui-même. Ainsi donc, pour ne pas occuper inutilement votre temps, et ne nous pas embarquer dans un discours sales fin, laissons toutes ces choses, et disons qu’il faut s’appliquer à la lecture de l’Écriture sainte, au lieu de se jeter dans des disputes de paroles dont on ne retire aucun

  1. Parce que le diable n’a droit que sur les pécheurs.
  2. Selon la plupart des auteurs, ces paroles sont de Ménandre, quoique Socrate l’historien et Nicéphore les donnent à Euripide. Saint Paul a quelquefois cité les auteurs profanes. Saint Cyprien a dit de même : Les mauvais entretiens corrompent les bonnes inclinations ». ( De Testim. 53, chap. 95)
  3. Savoir : que l’âme est spirituelle et immortelle.