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ils ne pouvaient pas alléguer que Jésus avait été contraire à son Père, la prière qu’il avait faite les en empêchait. Ils n’ont donc plus ici ce sujet d’accusation qu’ils faisaient tant et si souvent valoir ; mais le miracle éclate et fait grand bruit, c’est là une assez forte raison pour qu’ils se portent au meurtre : et ils auraient fait de même à l’égard de l’aveugle, s’ils n’avaient eu à reprendre la violation du sabbat. D’ailleurs, c’était un homme de rien, ils se contentèrent de le chasser du temple : mais Lazare était d’une famille distinguée, comme cela se voit par cette quantité de juifs qui étaient allés consoler ses sœurs, et le miracle de sa résurrection avait été fait aux yeux de tout le monde et d’une manière étonnante. Voilà pourquoi ils accouraient tous en foule. Ce qui les piquait et les irritait, c’est que la fête étant proche, tous quittassent la ville pour courir à Béthanie. Ils cherchèrent donc à le faire mourir, et ils ne croyaient faire aucun mal, tant ils étaient sanguinaires.
Voilà pourquoi la loi commence par ces paroles : « Vous ne tuerez point (Ex. 20,13), et néanmoins c’est de quoi le prophète les accuse. « Leurs mains », dit-il, « sont pleines de sang ». (Is. 1,15) Comment donc Jésus, qui ne se montrait plus en public parmi les Juifs (Jn. 11,54) et s’était retiré dans le désert, entre-t-il encore dans la ville avec assurance ? Ayant apaisé leur colère par sa fuite, maintenant qu’ils sont tranquilles, il va les trouver. De plus, le peuple qui marchait devant et après lui, pouvait leur inspirer de la crainte : car rien ne l’avait tant touché et plus attiré auprès de Jésus, que la merveilleuse résurrection de Lazare. Enfin un autre évangéliste rapporte « qu’ils étendirent leurs vêtements sous ses pieds (Lc. 19,36), et que toute la ville fut émue » (Mt. 21,10), de le voir entrer dans Jérusalem avec tant d’éclat et de pompe. Au reste, le Sauveur agissait de la sorte pour prédire une chose et en accomplir une autre et la même action fut le commencement d’une prédiction et la réalisation d’une autre. Ces paroles : « Réjouissez-vous, voici votre roi qui vient à vous plein de douceur » (Is. 62,11 ; Zac. 9,9), sont l’accomplissement d’une prophétie ; mais le fait d’être monté sur un ânon (Mt. 21,5), figurait et prédisait une chose qui devait arriver ; savoir, que Jésus-Christ se soumettrait les gentils qui étaient une nation immonde.
Mais sur quoi les autres évangélistes rapportent-ils que Jésus avait envoyé ses disciples et leur avait dit : « Déliez l’ânesse et l’ânon » (Mt. 21,2 ; Mc. 11,5) ; lorsque saint Jean ne dit rien de semblable, qu’il dit seulement : « qu’ayant trouvé un ânon, il monta dessus (14) ? » Il est à croire que l’un et l’autre arriva, et que les disciples amenant l’ânesse après l’avoir déliée, Jésus trouva un ânon sur lequel il monta. Ils prirent des branches de palmiers et d’oliviers, et ils étendirent leurs vêtements pour faire voir qu’ils avaient une plus grande et plus haute opinion de lui que d’un prophète. Et ils criaient : « Hosanna ! » Salut et gloire ! « Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur (13) ! » Faites-vous bien attention que ce qui chagrinait surtout les chefs et les sénateurs, c’était de voir tout le peuple persuadé que Jésus n’était point contraire à Dieu ? Et d’autre part, ce qui divisait le plus le peuple, c’était d’entendre dire à Jésus qu’il venait au nom de son Père.
Que signifient ces paroles : « Réjouissez-vous beaucoup, fille de Sion (15) ? » C’est que pour l’ordinaire tous leurs rois étaient méchants et ambitieux, et les livraient à leurs ennemis, ruinaient le peupla et le mettaient sous le joug de la servitude. « Ayez confiance », dit le prophète, celui-ci n’est pas de même, il est doux et débonnaire : vous le voyez bien, puisqu’il monte simplement sur une ânesse. Jésus n’entre point dans Jérusalem accompagné d’une armée, mais simplement monté sur une ânesse. « Ses disciples ne savaient pas[1] que ces choses avaient été écrites de lui (16) ». Remarquez-vous que les disciples ont ignoré bien des choses, parce que Jésus-Christ ne les leur avait pas encore découvertes ? Lorsqu’il dit : « Détruisez ce temple, et je le rétablirai en trois jours » (Jn. 2,19), les disciples ne comprirent point alors ce que cela voulait dire. Et un autre évangéliste rapporte que ce discours leur était caché (Lc. 18,34)[2], et qu’ils ne comprenaient point que Jésus devait ressusciter d’entre les morts. Mais il était juste que ces choses leur fussent cachées ; c’est pourquoi saint Matthieu dit, qu’entendant parler de la passion du Sauveur et de tout ce qui lui devait

  1. « Ne savaient pas », ce sont les paroles de mon texte ; pour dire selon le texte du Nouveau Testament, il faudrait : « Ils ne firent point d’abord attention : ils ne conçurent pas d’abord ».
  2. « Leur », aux sénateurs. Le texte grec et celui de mon auteur l’insinue ainsi. Notre Vulgate dit : « Les pharisiens dirent entre eux : Vous voyez que nous ne gagnons rien ».