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seront remis », ils l’appellent possédé du démon (Mt. 9,2) ; et de même, lorsqu’il dit : Celui qui écoute ma parole ne mourra point ; quand il parle en ces termes : « Mon Père est en moi, et moi dans mon Père » (Jn. 10,28), ils le délaissent ; ils se choquent et s’offensent encore lorsqu’il dit « qu’il est descendu du ciel ». (Id. 6,38) Si donc les Juifs ne pouvaient souffrir ces paroles, quoique le Sauveur les eût rarement dans sa bouche, certainement ils auraient eu bien de la peine à l’écouter, s’il leur eût toujours dit des choses élevées et sublimes.
Lors donc que Jésus-Christ use de ces expressions : « Je dis ce que mon Père m’a enseigné » (Jn. 8,28) ; et : « Je ne suis pas venu de moi-même » (Id. 7,28) : alors les Juifs croient, comme le déclare ouvertement l’évangéliste, en disant : « Lorsque Jésus disait « ces choses, plusieurs crurent en lui ». (Jn. 8,30) Or, si les paroles basses et grossières attiraient à la foi ; si, au contraire, celles qui étaient sublimes et relevées en éloignaient ; ne serait-il pas d’une extrême folie de ne pas croire que Jésus ne se servait de ces expressions basses que pour s’accommoder à la portée de ses auditeurs ? Et cela est si vrai, qu’en une autre occasion le Sauveur, qui voulait dire quelque chose de grand, garda le silence, et qu’en expliquant la raison, il dit : « Afin que nous ne les scandalisions point, allez-vous-en à la mer, et jetez votre ligne ». (Mt. 17,26) Voilà ce qu’il fait encore ici ; car, après avoir dit : « Je savais que vous m’exaucez toujours », il a ajouté : « Mais je dis ceci pour ce peuple qui m’environne, afin qu’ils croient ». Est-ce de notre fonds, est-ce en vertu d’une conjecture purement humaine, que nous parlions tout à l’heure ? Ainsi, quand celui qui ne veut pas se persuader, sur la foi des textes, que les Juifs s’offensaient de paroles élevées, entend ensuite Jésus-Christ dire lui-même qu’il s’est servi d’expressions basses et grossières afin de ne les pas scandaliser (Jn. 12,28), peut-il en douter encore, peut-il penser que Jésus parlait ainsi naturellement, et non par condescendance ? C’est encore pour cette même raison qu’une voix s’étant fait entendre du ciel, Jésus dit : « Ce n’est pas pour moi que cette voix est venue, mais pour vous ». (Id. 30) Mais il est permis à un grand de dire modestement de soi bien des choses, et, au contraire, on ne supportera pas qu’un homme du commun et de basse naissance dise de soi rien de grand et d’élevé.
Revenons à ces sortes d’expressions basses et grossières ; le Sauveur s’en est servi, non par nécessité, mais par une sage condescendance, afin de se proportionner à la pontée et à la faiblesse de ses auditeurs, ou plutôt afin de les porter à l’humilité, de leur faire connaître qu’il s’est véritablement revêtu de la chair, de leur apprendre qu’il ne faut jamais rien dire de grand sur son propre compte ; et encore parce qu’ils le regardaient comme contraire à Dieu, qu’ils pensaient qu’il détruisait la loi, enfin parce qu’ils étaient animés d’envie et de jalousie contre lui, et qu’ils le haïssaient, attendu qu’il se disait égal à Dieu : mais un homme vulgaire ne peut avoir aucune juste raison de parler de soi en de grands termes, et, s’il l’ose faire, on ne doit l’imputer qu’à son insolence, à son impudence, et à une effronterie impardonnable.
Pourquoi donc Jésus-Christ, qui est engendré de cette ineffable et incomparable substance « du Père », parle-t-il de soi si modestement et si humblement ? C’est, et pour les raisons que nous venons de dire, et pour qu’on ne le crût pas non engendré. Il semble même que saint Paul ait eu cette crainte, et que c’est pour cela qu’ayant dit : « Tout lui est assujetti », il a aussitôt ajouté : « Il en faut excepter celui qui lui a assujetti toutes choses ». (1Cor. 15,27) En effet, ce serait une impiété de concevoir seulement une telle pensée : si Jésus-Christ était moins grand que le Père, et d’une autre substance, n’aurait-il pas fait toutes choses, pour qu’on ne le crût pas égal et de la même substance ; mais nous voyons maintenant qu’il fait tout le contraire, puisqu’il dit : « Si je ne fais pas les œuvres de mon Père, ne me croyez pas ». (Jean 10,37) Et encore, lorsqu’il dit : « Mon Père est en moi, et moi dans mon Père » (Id. 38), il nous insinue et nous déclare qu’il est égal au Père. Or, il aurait fallu que Jésus-Christ combattît avec force et détruisît cette opinion d’égalité, s’il avait été moins grand que le Père, et qu’il ne dît point : « Je suis dans mon Père, et mon Père est en moi » ; et : « Nous sommes une même chose » ; ou : « Celui qui me voit, voit » mon « Père ». (Jn. 14,9) Car quand il parlait de la vertu qui était en lui, il disait : « Mon Père et moi, nous sommes