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uns disaient : c’est un homme de bien ; les « autres disaient : non, mais il séduit le peuple », (Jn. 7,12) Remarquez-vous que les sénateurs, dont la division suivit celle du peuple, montrèrent plus de déraison que lui ? Mais, ce qu’il y a d’étonnant, c’est, qu’après s’être ainsi partagés, ils ne firent paraître ni fermeté, ni courage, en présence de l’acharnement des pharisiens. Si leur division avait été parfaite, ils auraient aussitôt connu la vérité : car il y a une division juste et salutaire. C’est pourquoi Jésus-Christ disait : « Je ne suis pas venu apporter la paix sur la terre, mais l’épée ». (Mt. 10,34) En effet, il y a une paix mauvaise et une guerre qui est bonne et avantageuse. Par exemple, les enfants d’Adam qui bâtissaient une tour, s’étaient unis ensemble pour leur perte, et ils furent divisés, quoique malgré eux, pour leur bien et leur avantage. (Gen. 11) Coré et sa troupe s’étaient unis pour le mal : leur division fut donc heureuse. (Ex. 13) Judas aussi fit très-mal de s’accorder avec les Juifs. (Mt. 26) Il peut donc y avoir une guerre bonne et une paix mauvaise. Voilà pourquoi Jésus-Christ dit : « Si votre œil vous scandalise, arrachez-le ; et si votre pied vous est un sujet de scandale, coupez-le ». (Mt. 5,29 ; 18,9) S’il faut retrancher les membres funestes au corps dont ils font partie, à plus forte raison faut-il se séparer des amis dont la société peut perdre l’âme ? La paix n’est donc pas toujours bonne ; de même que la guerre n’est pas toujours mauvaise.
3. Je dis ces choses, mon cher auditeur, afin que vous fuyiez les méchants et que vous vous attachiez aux gens de bien. Si nous coupons les membres gangrenés qui sont incurables, de peur qu’ils ne gâtent le reste du corps, si nous retranchons quelques-uns de nos membres, non par mépris, mais dans l’intérêt des autres, à combien plus forte raison devons-nous en user de même à l’égard de ceux dont la société nous est nuisible ? Que si nous les pouvons corriger sans courir aucun risque, nous devons faire tous nos efforts pour cela. Mais s’ils sont incorrigibles, et s’ils nous sont une occasion de chute, il faut les retrancher et les jeter loin de nous. Souvent ce sera tout profit. C’est pour cette raison que saint Paul donne cet avis aux Corinthiens : « Ôtez le mal du milieu de vous ». (1Cor. 5,13) Et encore : « Pour faire retrancher du milieu de vous celui qui a commis une action si honteuse ». (Id. 2) Car la compagnie des méchants est dangereuse et fatale. La peste ne fait pas de si grands ravages, et la gale ne corrompt pas si promptement ceux qui en sont infectés, que l’iniquité des méchants ne devient promptement funeste à leurs amis : en effet, « les mauvais entretiens gâtent les bonnes mœurs ». (1Cor. 15,33) Un prophète dit encore : « Fuyez du milieu d’eux et éloignez-vous-en ». (Jer. 51,6) Que personne donc ne se fasse un ami de celui qui est méchant. Si, lorsque nos enfants sont méchants, nous les déshéritons, sans avoir alors égard ni à la nature, ni à ses lois, ni au lien qu’elle forme ; nous devons bien, à plus forte raison, fuir nos connaissances et nos amis, s’ils sont vicieux ; car, quand même ils ne nous feraient aucun préjudice, néanmoins nous ne pourrons éviter qu’ils ne nous donnent une mauvaise réputation, parce que les étrangers n’examinent pas notre vie, mais jugent de nous par ceux que nous fréquentons.
J’y invite également et les femmes et les filles, et je vous dis à tous avec l’apôtre : « Ayez soin de faire le bien, non seulement devant Dieu, mais aussi devant les hommes ». (Rom. 12,17) Faisons donc tout notre possible pour n’être pas un sujet de scandale et de chute à notre prochain. Quelque pure et sainte que soit notre vie, si nous scandalisons les autres, tout est perdu pour nous. Et comment, en vivant saintement, pouvons-nous être une occasion de scandale ? C’est lorsque la fréquentation des méchants nous donne une mauvaise réputation. En effet, si l’on nous voit sûrs de nous, au point de ne pas craindre leur commerce, encore qu’il ne nous en arrive à nous nul dommage, nous sommes alors aux autres une pierre d’achoppement. Mon discours vous regarde tous, hommes, femmes et filles, et je laisse à votre conscience à examiner combien de maux naissent de ces sociétés. Pour aloi, à la vérité, je ne soupçonne aucun mal, peut-être aussi les personnes, les plus éclairées : mais votre perfection même peut blesser la conscience de votre frère qui est plus simple et plus faible, et vous êtes obligés d’avoir égard à sa faiblesse. Et quand il n’en serait point blessé, ce gentil qui vous voit s’en scandalisera[1]. Or, saint Paul ordonne

  1. Voyez de chap. VIII de saint Paul, de la première aux Corinthiens, il est aisé d’en faire l’application.