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Ici, mes frères, considérez combien Jésus-Christ est éloigné de toute ostentation et de toute vanité, comment il s’absente et se cache après avoir opéré une guérison, comment il ne cherchait point la gloire ni les applaudissements du peuple. Observez avec quelle vérité l’aveugle répond à toutes les questions qu’on lui fait. Les Juifs cherchaient donc Jésus-Christ pour l’amener aux prêtres, et, ne le trouvant point, ils conduisirent l’aveugle aux pharisiens, afin qu’ils l’interrogeassent plus rigoureusement. L’évangéliste marque que c’était le jour du sabbat ; pour faire connaître leur méchant esprit, et qu’ils saisissaient l’occasion et le vain prétexte de le calomnier, parce qu’il semblait avoir transgressé la loi. Cela résulte de ce qu’au moment où ils virent l’aveugle, ils ne lui firent que cette seule question : « Comment a-t-il ouvert vos yeux ? » Et remarquez qu’ils ne dirent point : comment avez-vous recouvré la vue, mais : « Comment a-t-il ouvert vos yeux ? » afin de lui donner occasion de calomnier Jésus, pour l’œuvre qu’il venait de faire. Mais l’aveugle leur répond en peu de mots, comme à des gens qui n’ignoraient pas ce qui s’était passé : il ne nomme point Jésus, il ne dit pas : il m’a dit : « Allez vous laver » ; mais sans biaiser, il répond sur-le-champ : « Il a oint de boue mes yeux, et je me suis lavé, et je vois (15)». Les pharisiens savaient parfaitement ce qui s’était passé, puisqu’ils l’avaient déjà vivement accusé, et qu’ils avaient dit : Voyez quelles œuvres fait Jésus le jour du sabbat, il oint avec de la boue. Mais pour vous, mon cher auditeur, observez que l’aveugle ne se trouble point ; qu’à la première interrogation il ait confessé la vérité, alors qu’il n’avait rien à craindre, cela se conçoit plus aisément, mais ce qui est admirable, ce qui est étonnant, c’est que les pharisiens l’ayant intimidé, lui ayant donné lieu de tout craindre, il persiste à soutenir cette vérité, et qu’il ne se dédit pas de ce qu’il a d’abord avancé. Que firent donc les pharisiens, ou même les autres aussi qui se trouvèrent là ? Ils l’amenèrent avec eux, espérant lui faire rétracter ce qu’il avait dit ; mais vainement ils s’en étaient flattés, il en fut tout autrement. Ils apprirent encore d’une manière plus exacte comme la chose s’était passée, et c’est ce qui leur est toujours arrivé dans les miracles. Nous le ferons plus clairement voir par la suite.
Que dirent donc les pharisiens ? « Quelques-uns », non tous, mais les plus insolents, dirent : « Cet homme n’est point » envoyé « de Dieu, puisqu’il ne garde point le sabbat ; d’autres disaient : Comment un méchant homme pourrait-il faire de tels prodiges (16) ? » Remarquez-vous que ces Juifs étaient attirés et gagnés par les miracles ? Faites attention à ce que répondent maintenant ceux qui avaient envoyé chercher l’aveugle, du moins quelques-uns d’eux ; en tant que sénateurs, le désir de la gloire avait fait tomber les autres dans l’incrédulité. Néanmoins la plupart des sénateurs mêmes crurent en lui, mais ils n’osaient le reconnaître publiquement. (Jn. 12,42) Le peuple était dans le mépris pour lui, parce qu’il ne contribuait pas beaucoup à la gloire de la synagogue. Les sénateurs, qui étaient plus en vue, avaient plus de peine à se déclarer ouvertement ; retenus, les uns, par l’amour de l’autorité, les autres, par la crainte de l’opinion générale. C’est pourquoi Jésus-Christ leur disait : « Comment pouvez-vous croire, vous qui recherchez la gloire des hommes ? » (Jn. 5,44)
Eux qui cherchaient injustement à faire mourir Jésus-Christ, ils se vantaient d’agir pour la gloire de Dieu ; et ils disaient que celui qui guérissait les aveugles ne pouvait pas être envoyé de Dieu, parce qu’il ne gardait pas le sabbat : à quoi d’autres opposaient qu’un méchant homme n’aurait pas su faire de tels prodiges. Ceux-là, cachant perfidement le miracle, publiaient ce qu’ils appelaient une transgression de la loi. Ils ne disaient pas : Il guérit le jour du sabbat ; mais il ne garde pas le sabbat. Ceux-ci montrent encore une grande faiblesse d’esprit ; lorsqu’il fallait montrer que le sabbat n’était nullement violé, ils n’objectent que les miracles, et cela se conçoit, car ils le prenaient encore pour un homme, autrement ils auraient pu le défendre d’une autre manière, et répondre que celui qui a fait le sabbat est maître du sabbat (Mc. 2,28) ; mais ils n’avaient pas encore cette juste opinion de lui. D’ailleurs aucun d’eux n’osait ouvertement déclarer sa pensée ; mais ils s’exprimaient tous sous forme de doute, les uns étant arrêtés par la crainte, les autres par l’amour des dignités. « Il y avait donc de la division entre eux » : et cette division, qui s’était premièrement élevée parmi le peuple, se répandit ensuite parmi les sénateurs. « Les