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quand êtes-vous venu ici ? » Jésus-Christ, pour montrer qu’il méprise les hommages des hommes, et qu’il n’a en vue que leur salut, leur répond avec sévérité, non seulement afin de les corriger, mais aussi pour leur découvrir leur pensée et la produire en public. Et que leur dit-il ? « En vérité, en vérité je vous le dis », termes qu’à coutume d’employer celui qui veut insister fortement sur ce qu’il avance, « vous me cherchez non à cause des miracles que vous avez vus, mais parce que je vous ai donné du pain à manger, et que vous avez été rassasiés ». S’il les censure, s’il les réprimande, ce n’est pas avec rudesse, mais avec beaucoup de ménagement. Il ne leur dit pas : O gourmands ! hommes esclaves de vos estomacs, j’ai fait. cent miracles et vous ne m’avez pas suivi, et vous n’avez pas admiré les prodiges que j’ai opérés ! Il leur dit avec beaucoup de douceur et de bonté : « Vous me cherchez, non à cause des miracles que : vous avez vus, mais parce que je vous ai donné du pain à manger ; et que vous avez été rassasiés » ; parlant non seulement des miracles passés, mais encore de celui qu’il venait de faire. C’est comme s’il disait : le miracle que j’ai fait ne vous a 'point touchés ; vous venez parce que vous avez été rassasiés. En effet, ils firent bientôt voir eux-mêmes que Jésus-Christ ne leur disait pas cela par conjecture, puisqu’ils vinrent encore le chercher pour qu’il les rassasiât une seconde fois. C’est pour cette raison qu’ils disaient. « Nos pères ont mangé la manne dans le désert (31) » ; ils redemandent encore la nourriture charnelle, ce qui était certainement très-répréhensible. Mais Jésus-Christ ne s’arrête point à leur faire des réprimandes, il s’attache à les instruire, leur disant : « Travaillez » pour avoir, « non la nourriture qui périt, mais celle qui demeure pour la vie éternelle, et que le Fils de l’homme vous donne, parce que c’est en lui que Dieu le Père a imprimé son sceau et son caractère ». Ne vous inquiétez pas de cette sorte de nourriture, mais de la nourriture spirituelle.
Quelques-uns, pour vivre mollement dans l’oisiveté, abusent de ces paroles, comme si Jésus-Christ avait interdit le travail des mains l’occasion est bonne pour leur répondre, car ils discréditent pour ainsi dire tout le christianisme, et sont cause qu’on le tourne en ridicule comme encourageant la paresse. Mais écoutons auparavant ce que dit saint Paul. Quoi ? « Il y a plus de bonheur à donner qu’à recevoir ». (Act. 20,35) Or, celui qui n’a rien, comment donnera-t-il ? Pourquoi donc Jésus dit-il à Marthe : « Vous vous empressez et vous vous troublez dans le soin de beaucoup de choses : cependant une seule chose est nécessaire : Marie a choisi la meilleure part qui ne lui sera point ôtée ». (Lc. 10,41-42) Et encore : « Ne soyez point en inquiétude pour le lendemain ». (Mt. 6,34) C’est à quoi, dis-je, il faut absolument répondre, non seulement pour exciter les paresseux, si toutefois ils veulent bien nous écouter, mais encore de peur que les divines Écritures ne paraissent se contredire. En effet, l’apôtre dit ailleurs : « Mais je vous exhorte de vous avancer et de vous rendre parfaits, de vous étudier, à vivre en repos, de vous appliquer chacun à ce que vous avez à faire ; de travailler de vos propres mains, afin que vous vous conduisiez honnêtement envers ceux qui sont hors de l’Église ». (1Thes. 4,10-12) Et derechef : « Que celui qui dérobait ne dérobe plus, mais qu’il s’occupe, en travaillant des mains, à quelque ouvragé bon et utile, pour avoir de quoi donner à ceux qui sont dans l’indigence ». (Eph. 4,28) Ici saint Paul n’ordonne pas de travailler simplement pour s’occuper, mais de si bien travailler qu’on puisse gagner de quoi donner à ceux qui sont dans l’indigence. Le même apôtre dit encore ailleurs : « Ces mains que vous voyez ont fourni à tout ce qui m’était nécessaire et à ceux qui étaient avec moi ». (Act. 20,34) Et aux Corinthiens : « En quoi trouverai-je donc un sujet de récompense : en prêchant de telle sorte l’Évangile que je le prêche gratuitement ? » (1Cor. 9,18) Et : « Étant arrivé dans cette ville, il demeura chez Aquila et Priscille, et il y travaillait parce que leur « métier était de faire des tentes ». (Act. 18,2-3) Ce sont ces dernières paroles du saint apôtre qui paraissent le plus combattre les premières, si l’on s’en tient à la lettre. Il est donc nécessaire de résoudre cette difficulté.
Que répondrons-nous donc ? Ne point s’inquiéter ne veut pas dire qu’il faut cesser de travailler, mais qu’il ne faut point s’attacher aux choses de ce monde, c’est-à-dire n’être point en inquiétude pour le repos du lendemain