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C’est à cause du miracle qu’il allait faire. Mais que les disciples y soient montés seuls, c’est la faute du peuple qui ne l’avait pas suivi. Au reste, Jésus-Christ n’est pas monté sur une montagne pour cette unique raison, mais encore pour nous apprendre à fuir la foule et le tumulte, et montrer que la solitude est propre à l’étude de la sagesse. Souvent aussi Jésus se retirait seul sur une montagne, et y passait toute la nuit en oraison (Lc. 6,12), pour nous enseigner que celui qui veut s’approcher de Dieu, doit avoir l’esprit libre, exempt de tout trouble et de toute dissipation ; et chercher un lieu paisible et tranquille.
« Or, le jour de Pâques, qui est là grande fête des Juifs, était proche ». Pourquoi, direz-vous, Jésus ne se rendit-il pas à cette fête, et lorsque tous allaient à Jérusalem, pourquoi fut-il en Galilée, non seul, mais accompagné de ses disciples ; et de là à Capharnaüm ? C’est qu’il prenait l’occasion de la méchanceté des Juifs, pour abolir peu à peu la loi.
« Jésus ayant levé les yeux, vit une grande foule de peuple (5) ». Ici Jésus-Christ nous fait connaître qu’il ne ; s’est jamais assis avec ses disciples, sans une raison particulière ; comme de leur parler, de les instruire avec plus d’attention, et de se les attacher : en, quoi nous voyons le grand, soin que sa divine Providence en avait, et combien il s’abaissait pour : se proportionner à leur faiblesse. Ils étaient assis tous ensemble, saris doute les yeux fixés les uns sur lés autres. Ensuite « Jésus regardant, vit une grande foule de peuple qui, venait à lui ». Les autres évangélistes, marquent que les disciples, s’approchant de Jésus, l’avaient prié et conjuré de ne les, pas renvoyer, à jeun. Saint Jean dit que Jésus-Christ s’adressa à Philippe. Je tiens pour vrais l’un et l’autre rapport, mais ces choses ne sont point arrivées dans le même temps ; l’une a précédé l’autre, et les faits relatés sont différents. Pourquoi donc s’est-il adressé à Philippe ? Jésus-Christ savait qui, de ses disciples avait lé plus besoin d’instruction : et c’est Philippe qui dit à Jésus : « Montrez-nous votre Père, et il nous suffit ». (Jn. 14,8) C’est pourquoi il l’instruit auparavant de ce qu’il va faire : s’il eût tout simplement opéré le miracle, et sans l’y préparer, il ne lui aurait pas paru si grand. Il a donc sain de lui faire d’abord avouer sa disette, afin qu’il connaisse mieux la grandeur du miracle. Faites attention à sa réponse : « Où trouverons-nous tout le pain qu’il faut pour donner à manger à tout ce monde ? » Le Seigneur fit de même, dans l’ancienne loi, à l’égard de Moïse, et, cela avant d’opérer le miracle qu’il voulait faire : « Que tenez-vous à la main ? » (Ex. 4,2), lui dit-il. Comme les miracles qui arrivent inopinément et tout à coup, font facilement oublier ce qui s’est passé auparavant, Jésus-Christ rend Philippe attentif en lui faisant premièrement sentir et confesser sa disette ; afin qu’ensuite son étonnement ne lui fasse pas perdre le souvenir de ce qu’ira lui-même reconnu et déclaré, et que la comparaison qu’il fera lui montre toute la grandeur du miracle. Voilà aussi ce qui arriva en cette occasion. Philippe, à la question que lui fait Jésus-Christ, répond : « Quand on aurait pour deux cents deniers de pain, cela ne suffirait pas pour en donner à chacun tant soit peu (7). Mais Jésus disait ceci pour le tenter, car il savait bien ce qu’il devait faire (6) ». Que signifie cette parole : « Pour le tenter » ? Jésus-Christ ignorait-il ce que répondrait Philippe ? Non, c’est ce qu’on ne peut dire.
2. Quel est donc le sens de cette parole ? Nous pouvons l’apprendre des livres de l’Ancien Testament, où on lit : « Après cela Dieu tenta Abraham, et lui dit : Prenez Isaac, votre fils unique, pour qui vous avez tant d’affection », (Gen. 22,1-2) Car Dieu ne dit point cela pour savoir si Abraham obéirait ou s’il n’obéirait pas, « lui qui connaît toutes choses avant même qu’elles soient faites ». (Dan. 13,42), Mais, en l’un et l’autre endroit, Dieu parle à la manière des hommes, comme lorsque l’Écriture dit : « Dieu pénètre le fond du cœur. ». (Rom. 8,27), elle n’attribue pas à Dieu une ignorance, mais une exacte et parfaite connaissance ; ainsi, lorsqu’elle dit : « Dieu tendre » ; cela ne signifie autre chose, sinon que le Seigneur connut exactement, ou bien on peut encore dire que Dieu les rendit plus fermes dans la foi, en donnant alors à Abraham, et maintenant à Philippe, une plus grande connaissance du miracle par la demande même qu’il leur fit. C’est pourquoi l’évangéliste, de crainte que, la simplicité de, ces paroles ne vous inspirât d’absurdes sentiments, a ajouté : « Car il savait bien ce qu’il « devait faire ». D’ailleurs, il faut partout remarquer le soin que prend l’évangéliste de réprimer tous les mauvais soupçons. De même qu’en cet endroit il a soin de prévenir la fausse