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que ce que veut le Père. Mais il ne l’a pas expliqué si clairement, parce que s’il l’avait ouvertement déclaré, les Juifs auraient été incapables encore d’ajouter foi à ses paroles.
Mais de quelle manière s’énonce-t-il ? En des termes très-simples et très-humains : « Je juge selon ce que j’entends », il ne fait pas mention d’enseignement de la doctrine ; il ne dit pas : selon ce qu’on m’enseigne, mais : « selon ce que j’entends ». Et encore ce n’est pas qu’il ait besoin d’entendre ; car non seulement il n’avait pas besoin d’être instruit, mais pas même d’entendre. Par ces paroles donc, il ne montre autre chose, sinon la parfaite union qui est entre le Père et le Fils, et l’identité de leur jugement ; c’est comme s’il disait : je juge de même que si c’était le Père qui jugeât. Après quoi Jésus-Christ ajoute : « Et je sais que mon jugement est juste, parce que je ne cherche pas ma volonté, mais la volonté de celui qui m’a envoyé (30) ». Que dites-vous, Seigneur ? Avez-vous une autre volonté que la volonté du Père ? Ailleurs, vous avez dit : « Comme vous et moi nous sommes un ». (Jn. 17,21-22) Et encore, parlant de la volonté et de l’union : « Comme vous, mon Père, vous êtes en moi, et moi en vous ; qu’ils soient de même un en nous (Id) », c’est-à-dire, par la foi en nous.
Ne remarquez-vous pas, mes frères, que ce qui paraît le plus simple, renferme sous cette écorce un sens sublime et très-élevé ? Voici ce que Jésus-Christ nous apprend : il nous fait connaître que la volonté du Père n’est point différente de la sienne : la volonté du Père ; dit-il, et la mienne sont aussi bien une que celle d’une seule âme est une. Et ne vous étonnez pas s’il dit que cette union est étroite à ce point, puisque saint Paul, parlant du Saint-Esprit, se sert du même exemple, et dit : « Qui des hommes connaît ce qui est en l’homme, sinon l’esprit de l’homme qui est en lui ? Ainsi nul ne tonnait ce qui est en Dieu, que l’Esprit de Dieu ». (1Cor. 2,11) Jésus-Christ ne veut donc dire autre chose, sinon ceci : Je n’ai point de volonté propre, ni d’autre volonté que la volonté du Père mais s’il veut quelque chose, je le veux aussi, et si je veux quelque chose, il le veut de même. Comme donc personne ne peut blâmer le Père dans ses jugements, personne ne peut me blâmer dans les miens : la même pensée forme et produit l’un et l’autre jugement. Que si, en disant ces choses, Jésus-Christ emprunte la manière de parler des hommes, n’en soyez pas surpris ; c’est parce que les Juifs le prenaient pour un homme ordinaire. C’est pourquoi, dans ces endroits, il ne faut pas seulement faire attention aux paroles, mais encore à l’opinion des hommes, et regarder la réponse comme étant donnée en conformité de cette opinion : autrement il s’ensuivrait bien des absurdités.
Observez ceci, je vous prie. Le Sauveur a dit : « Je ne cherche point ma volonté ». Il a donc une autre volonté, et de beaucoup inférieure ; et non seulement inférieure, mais aussi moins utile. Si cette volonté est salutaire et conforme à celle du Père, pourquoi ne la cherchez-vous pas ? Les hommes peuvent dire cela avec justice, eux qui ont plusieurs volontés contraires à la volonté de Dieu : mais vous, pourquoi parlez-vous de la sorte, vous qui êtes en tout égal et semblable au Père ? Ce langage ne convient pas même à un homme parfait, à un crucifié. Saint Paul se lie et s’unit si étroitement à la volonté de Dieu, qu’il dit : « Je vis, « ou plutôt ce n’est plus moi qui vis ; mais « c’est Jésus-Christ qui vit en moi ».(Gal. 2,20) ; comment le Maître de tout le monde a-t-il pu dire : « Je ne cherche pas ma volonté, mais la volonté de celui qui m’a envoyé », comme s’il s’agissait d’une autre volonté ? Quelle explication donc faut-il donner à ces paroles ? Celle-ci : Jésus-Christ parle comme homme, et selon l’opinion de ses auditeurs. Comme il a parlé ci-dessus tantôt comme Dieu, et tantôt comme homme, il dit encore ici, comme homme : « Mon jugement est juste ». Et d’où cela parait-il ? De ce qu’il dit : « Parce que je ne cherche pas ma volonté, mais la volonté de celui qui m’a envoyé ». En effet, comme on ne peut justement accuser un homme qui est exempt de passion d’avoir jugé contre les règles de la justice ; de même à présent vous ne pouvez nie faire aucun reproche. Que celui qui veut établir sa fortune, on le soupçonne d’avoir foulé aux pieds la justice, peut-être y a-t-il quelque raison, quelque fondement ? mais celui qui ne cherche pas ses propres intérêts, quelle raison mirait-il de juger injustement ? Servez-vous donc de ce raisonnement pour juger de ma doctrine et de mes œuvres. Encore si je disais que je n’ai pas été envoyé par le Père, et si je ne lui rapportais pas la gloire de mes actions, peut-être quelqu’un de