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faire, s’ils avaient vu beaucoup de miracles et des plus grands. Et pourquoi les évangélistes ne rapportent-ils pas ce que Jésus-Christ a dit, et ne font-ils pas mention de ces discours admirables ? C’est afin que vous sachiez que, parmi les grandes choses qu’il a dites et qu’il a faites, ils en passent beaucoup sous silence ; mais néanmoins, en rapportant l’issue, ils indiquent suffisamment tout le reste. En effet, Jésus-Christ a converti par sa parole tout le peuple et toute la ville. C’est quand les auditeurs n’ont été ni dociles, ni soumis, qu’ils sont dans la nécessité de rapporter ce qu’a dit Jésus-Christ, de peur qu’on ne rejette sur le prédicateur ce qui n’est imputable qu’à l’aveuglement des auditeurs. « Deux jours après, il sortit de ce lieu, et s’en alla en Galilée. Car Jésus témoigna lui-même qu’un prophète n’est point honoré dans son pays (44) ». Pourquoi l’évangéliste ajoute-t-il cela ? Parce qu’il ne fut pas à Capharnaüm, mais en Galilée, et de là à Cana. Et afin que vous ne demandiez pas pourquoi il ne demeura pas chez les siens, mais chez les Samaritains, il vous en donne la raison, en disant que c’est parce qu’ils ne l’écoutaient point : il n’y alla donc pas, pour ne les pas rendre plus coupables, et dignes d’un jugement plus rigoureux.
2. Au reste, par sa patrie, je crois que l’évangéliste entend ici Capharnaüm : Jésus-Christ nous apprend lui-même qu’il n’y a point été honoré ; écoutez ce qu’il dit : « Et toi, Capharnaüm, qui as été élevée jusqu’au ciel, tu seras précipitée jusque dans le fond des enfers ». (Lc. 10,15) Il l’appelle sa patrie dans le langage de l’incarnation, comme y résidant habituellement. Quoi donc ! direz-vous, ne voyons-nous pas bien des personnes fort estimées et honorées de leurs compatriotes ? D’abord, de ces exceptions, il n’y a rien à conclure. De plus, si quelques-uns se sont fait une réputation dans leur patrie, ils en avaient une bien plus grande au-dehors : l’habitude de vivre ensemble engendre souvent le mépris.
« Étant donc revenu en Galilée, les Galiléens le reçurent » avec joie, « ayant vu tout ce qu’il avait fait à Jérusalem au jour de la fête, à laquelle ils avaient été aussi (45) ». Ne remarquez-vous pas que ceux dont on parlait mal sont ceux-là mêmes qui accoururent à lui plus promptement ? Qu’on en parlât mal, ce que rapporte l’évangéliste ne nous permet pas d’en douter : « Peut-il venir quelque chose de bon de Nazareth ? » (Jn. 1,46) Et d’autres : « Lisez avec soin les Écritures, et apprenez qu’il ne sort point de prophète de Galilée ». (Jn. 7,52) Les Juifs tenaient ce langage pour insulter Jésus-Christ, car plusieurs le croyaient de Nazareth. Ils lui faisaient encore ce reproche, comme s’il eût été samaritain : « Vous êtes un samaritain, et vous êtes possédé du démon » (Jn. 8,48) : Mais voilà, dit l’Écriture, que les Samaritains et les Galiléens croient, pour la honte des Juifs : et même les Samaritains se montrent meilleurs que les Galiléens. En effet, ils ont reçu Jésus-Christ sur le seul témoignage d’une femme, mais les Galiléens n’ont cru en lui qu’après avoir vu les miracles qu’il avait faits.
« Jésus vient donc de nouveau à Cana en Galilée, où il avait changé l’eau en vin (46) ». L’évangéliste rapporte ici le miracle à la louange des Samaritains. Les Galiléens crurent en Jésus-Christ, mais après avoir vu les miracles qu’il avait opérés et à Jérusalem et chez eux ; les Samaritains, au contraire, le reçurent pour sa doctrine seulement. Saint Jean rapporte que Jésus vint en Galilée pour mortifier la jalousie des Juifs ; mais pourquoi alla-t-il à Cana ? Il y fut la première fois parce qu’il était invité aux noces ; mais, maintenant pourquoi y va-t-il ? Pour moi, il me semble véritablement qu’il y fut pour confirmer, par sa présence, la foi au miracle qu’il y avait opéré, et aussi pour s’attacher plus sûrement ces hommes, en allant chez eux de son propre mouvement, sans qu’ils l’en eussent prié, et en quittant même sa patrie pour leur donner la préférence sur les siens.
« Or, il y avait un seigneur de la cour dont le fils était malade à Capharnaüm, lequel ayant appris que Jésus venait de Judée, en Galilée, l’alla trouver, et le pria de vouloir venir chez lui, pour guérir son fils (47) » ainsi qualifié seigneur de la cour[1], ou comme étant de la race royale, ou comme exerçant quelque dignité. Quelques-uns croient que c’est le même que celui dont parle saint Matthieu, mais on prouve visiblement que c’est un autre, et par sa dignité et par sa foi ; celui-là, quoique Jésus-Christ voulût bien aller chez

  1. « Seigneur de la cour ». C’est ce que signifie le mot βασιλιχὁς dans le grec, et celui de Regulus dans la Vulgate, qui a la même signification que Regius, ou, comme l’explique saint Jérôme, Palatinus. i e. un officier de la cour du prince, ou d’Hérode, que les Galiléens appelaient roi, quoique les Romains ne lui donnassent que le nom de Tétrarque.