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sujet qu’il s’en était allé en Galilée, il préparait les grandes œuvres qu’il voulait opérer parmi les Samaritains, et il ne les dispensait pas indifféremment, mais avec cette sagesse qui lui était convenable ; afin de ne pas laisser le moindre sujet d’excuse au juif le plus impudent. L’évangéliste nous l’insinue par ce qu’il ajoute : « Et comme il fallait qu’il passât par la Samarie (4) », en quoi il montre que c’était comme en passant qu’il avait été dans la Samarie. Les apôtres faisaient de même lorsque les Juifs les persécutaient, ils s’en allaient vers les gentils ; Jésus-Christ, de même (Mc. 7,26), chassé par les uns, s’en allait vers les autres, comme il le fit à l’égard de la Syrophénicienne.
Or cela s’est fait ainsi pour ôter aux Juifs tout prétexte, tout sujet de dire : il nous a quittés pour passer vers les incirconcis. C’est pour cette raison que les apôtres, voulant se justifier, disaient : « Vous étiez les premiers à qui il fallait annoncer la parole de Dieu ; « mais puisque vous vous en jugez vous-mêmes indignes, nous nous en allons présentement vers les gentils ». (Act. 17,46) Et Jésus-Christ : « Je n’ai été envoyé qu’aux brebis de la maison d’Israël qui se sont perdues ». (Mt. 15,24) Et : « Il n’est pas juste de prendre le pain des enfants, et de le donner aux chiens ». (Id. 26) Mais lorsque les Juifs le rejetèrent, ils ouvrirent dès lors la porte aux gentils. Et néanmoins il n’allait pas exprès chez eux, mais seulement en passant c’est donc en passant, et « qu’il vint en une ville de la Samarie, nommée Sichar, près de l’héritage que Jacob donna à son fils Joseph (5). Or il y avait là un puits », qu’on appelait la fontaine de Jacob (6) ». Pourquoi l’évangéliste parle-t-il du lieu avec tant d’exactitude ? C’est afin qu’en entendant une femme dire : « Notre père Jacob nous a donné ce « puits » ; vous ne vous en étonniez pas. C’était la ville où Lévi et Siméon, transportés de colère, pour l’outrage fait à Dina leur sœur, firent ce cruel massacre que vous savez.
Mais il ne sera pas hors de propos de rapporter ici l’origine des Samaritains. Car tout ce pays s’appelait Samarie. D’où ont-ils donc pris ce nom ? La montagne qui était auprès s’appelait Somor, d’un homme de ce nom qui l’avait possédée, comme dit Isaïe : « Ephraïm sera la capitale de Somoron » (Is. 7,9) ; ceux qui l’habitaient alors ne s’appelaient pas Samaritains, mais Israélites. Dans la suite des temps ces hommes offensèrent le Seigneur. Phaceïa régnait, lorsque Theglathphalassar entra dans le royaume, se rendit maître de plusieurs places, attaqua Ela, le tua, et donna le royaume à Os. (2R. XV) Salmanasar fit la guerre à ce dernier, prit d’autres villes et se les rendit tributaires. Osée se soumit au commencement, il se révolta ensuite et envoya chercher du secours dans l’Éthiopie[1]. Le roi d’Assyrie, l’ayant appris, marcha contre lui, et enleva Samarie, où il ne laissa aucun des précédents habitants, de peur qu’ils ne se révoltassent une seconde fois. II les transféra à Babylone et dans la Médie ; il envoya d’autres peuples tirés de différents endroits de ces pays, habiter Samarie, afin d’y affermir pour toujours son empire, en donnant tout le pays à des nations dévouées. (2R. 17,1 ss)
Les choses s’étant ainsi passées, Dieu, pour manifester sa puissance et faire voir que ce n’était pas par faiblesse qu’il avait livré les Juifs, mais pour les punir de leurs péchés, envoya contre ces barbares des lions qui exercèrent partout les plus grands ravages : on en porta la nouvelle au roi : il fit retourner à Samarie un des prêtres qu’on avait emmené captif, avec ordre d’apprendre à ces peuples le culte qui doit être rendu à Dieu. (2R. 17,26, 27) Mais ils ne renoncèrent qu’à moitié à leur impiété. Cependant, ayant dans la suite rejeté le culte des idoles, ils adorèrent le vrai Dieu. Tel était l’état de ce pays, lorsque les Juifs y revinrent : ils eurent une grande aversion contre les habitants, qu’ils regardaient comme des étrangers et des ennemis, et ils les appelaient Samaritains, du nom du mont Somorou. Les Samaritains ne recevaient pas toutes les Écritures, ce qui donnait lieu à de nouvelles contestations entre eux et les Juifs. Ils ne recevaient que les livres de Moïse, et faisaient peu de cas des prophètes. Au reste, ils prétendaient s’arroger la noblesse des Juifs et faisaient remonter leur origine jusqu’à Abraham, qu’ils disaient être le chef de leur race, en tant que Chaldéen ; ils appelaient Jacob leur père, comme descendant d’Abraham. Mais les Juifs les avaient autant en horreur et en abomination que tous les autres peuples. Voilà pourquoi, voulant injurier et outrager Jésus-Christ, ils lui disaient : « Vous êtes un samaritain, vous êtes possédé du démon ». (Jn. 8,48).

  1. « Dans l’Éthiopie », c’est une méprise, il faut dire l’Égypte.