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doctrine ? Quand bien même on croirait parfaitement au Père, et au Fils, et au Saint-Esprit, si l’on ne vit bien, la foi seule ne servira de rien pour le salut. Lors donc que Jésus-Christ dit : « La vie éternelle consiste à « vous connaître, vous qui êtes le seul Dieu « véritable » (Jn. 18,3) ; ne pensons pas que cette créance nous suffise pour le salut, mais nous avons besoin encore d’une bonne vie et d’une conduite bien réglée. Quoique Jean-Baptiste ait dit ici : « Celui qui croit au Fils, a la vie éternelle », il insiste davantage sur ce qui suit. Car dans son discours il joint et lie ensemble le bien et le mal, et voyez comment, à sa première proposition, il ajoute celle-ci : « Celui qui ne croit pas au Fils, ne verra point la vie, mais la colère de Dieu demeure sur lui ». Mais néanmoins nous ne concluons pas de là que la foi suffise seule pour le salut ; ce qui se prouve par une infinité d’autres endroits de l’Évangile, où il est parlé de la bonne vie. Voilà pourquoi Jésus-Christ n’a point dit : La vie éternelle consiste seulement à vous connaître ; ni : Celui qui croit seulement au Fils, a la vie éternelle ; mais il marque, à propos de ces deux choses, que la vie y est attachée : certes, si la bonne vie n’accompagne pas la foi, la foi ne nous sauvera pas d’un grand supplice. Car il n’a pas dit La colère l’attend ; mais la colère demeure sur lui ; par où il déclare que la colère ne se retirera jamais de lui.
Mais de peur que ce mot : « Il ne verra point la vie », ne vous induisît en erreur, et ne vous donnât lieu de penser qu’il ne s’agit que de cette vie présente ; et afin que d’autre part vous soyez persuadé que le supplice est éternel, il a dit : « La colère demeure », pour montrer qu’elle demeure éternellement, et qu’elle séjourne sur l’incrédule. Au reste, l’intention de Jean-Baptiste est d’exciter ses disciples par toutes ces paroles, et de les pousser vers Jésus-Christ. C’est pourquoi il ne leur adresse pas la parole à eux seuls et en particulier ; mais il l’adresse à tous en général, et de la manière qui pouvait mieux les attirer et les gagner. Car il n’a point dit : Si vous croyez, si vous ne croyez pas ; mais il parle en général, pour ne leur pas donner de la défiance, et il le fait avec plus de force que Jésus-Christ. Le Sauveur dit : « Celui qui ne croit pas est déjà condamné » ; mais Jean-Baptiste s’exprime ainsi « Il ne verra point la vie, mais la colère de Dieu demeure sur lui ». Et certes il a raison. Jésus-Christ ne pouvait parler de soi comme un autre en pouvait parler. S’il avait parlé de même, on aurait cru que souvent il revenait sur ce sujet par amour-propre et par vanité ; mais Jean n’était pas exposé à ce soupçon. Que si, dans la suite, Jésus-Christ s’est lui-même servi d’expressions plus fortes, c’est lorsque sa réputation s’étant établie, on avait de lui une grande opinion.
« Jésus ayant donc su que les pharisiens avaient appris qu’il faisait plus de disciples et baptisait plus de personnes que Jean quoique Jésus ne baptisât pas lui-même, mais ses disciples, il quitta la Judée et s’en alla en Galilée ». (Chap. 4,1-3)
Véritablement Jésus ne baptisait pas lui-même, mais, pour exciter plus d’envie contre lui, on le rapportait ainsi. Pourquoi, direz-vous, se retira-t-il ? ce ne fut pas par crainte, mais pour ôter tout sujet d’envie et adoucir la jalousie. Il pouvait contenir ceux qui l’attaquaient, mais il ne voulait pas trop souvent le faire, de peur de détruire la foi à l’incarnation. Si étant pris, il se fût souvent échappé miraculeusement de leurs mains, plusieurs auraient tenu cette vérité pour suspecte. Voilà pourquoi il faisait bien des choses humainement : voulant qu’on le crût Dieu, il voulait aussi qu’on crût qu’il s’était revêtu de notre chair. Voilà pourquoi, après sa résurrection, il disait à un de ses disciples : « Touchez et considérez qu’un esprit n’a ni chair ni os ». (Lc. 24,39) Voilà pourquoi il reprit Pierre, qui lui disait : « Ayez soin de vous, cela ne vous arrivera point ». (Mt. 16,22) Tant il a pris soin d’établir cette créance.
2. En effet, entre les dogmes de l’Église, celui de l’incarnation n’est pas le moins important, ou plutôt il est le principal ; puisque l’incarnation est l’origine et le principe de notre salut, puisque c’est par elle que tout a été fait, que tout a été consommé. C’est elle qui a détruit la mort, qui a ôté le péché, qui a annulé la malédiction, qui nous a apporté une infinité de grâces. Voilà pourquoi Jésus-Christ voulait qu’on crût principalement à l’incarnation, qui a été pour nous la racine et la source de toutes sortes de biens. Mais tout en agissant comme un homme, il ne laissait pas la divinité s’obscurcir en lui. Ayant donc quitté la Judée, il continuait de faire ce qu’il avait fait auparavant. Car ce n’était pas sans