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à Jésus-Christ », dit l’Écriture, « il est devenu une nouvelle créature ». (2Cor. 5,17) Quelle est-elle cette nouvelle créature ? Écoutez le Fils de Dieu, il vous l’apprend lui-même : « Si un homme ne renaît », vous dit-il, « de l’eau et de l’Esprit ; il ne peut entrer, dans le royaume de Dieu ». (Jn. 3,5) Il nous avait confié la garde du paradis de délices (Gen. 2,15) ; nous nous sommes rendus indignes de l’habiter : il nous a élevés au ciel. Dans notre première demeure nous ne lui avons pas été fidèles, et cependant il nous a donné quelque chose de plus grand. Nous n’avons pu nous abstenir de manger du fruit d’un seul arbre (Gen. 2,17), et il nous a donné les délices célestes. Étant dans le paradis nous n’avons pas persévéré dans le bien, et il nous a ouvert les cieux. Saint Paul a donc eu raison de s’écrier : « O profondeur des trésors de la sagesse et de la science de Dieu ! » (Rom. 11,33)
Non, aujourd’hui il n’est plus besoin ni de mère, ni d’enfantement, ni de sommeil, ni de mariage, ni d’embrassements : l’ouvrage de notre nature s’opère enfin dans le ciel, et se forme de l’eau et de l’Esprit : c’est l’eau qui conçoit et produit l’enfant. Ce qu’est le ventre de la mère à l’embryon, l’eau l’est au fidèle, car il est conçu et enfanté dans l’eau. Au commencement Dieu avait dit : « Que les eaux produisent des poissons vivants ». (Gen. 1,20) Mais depuis que le Seigneur est entré dans le fleuve du Jourdain, ce ne sont plus des poissons vivants que l’eau produit : elle engendre des âmes raisonnables, qui portent le Saint-Esprit. Et ce qui a été dit du soleil, qu’ « il est comme un époux qui sort de sa chambre nuptiale » (Ps. 18,5) ; maintenant on, le peut dire des fidèles, qui jettent des rayons plus brillants que le soleil. Encore il faut du temps pour que ce qui est conçu dans le sein de la mère se forme et vienne à terme : mais il n’en arrive pas de même de ce qui se produit dans l’eau, tout s’y forme en un instant : quand il s’agit d’une vie périssable, résultat d’une corruption charnelle, le fruit tarde à voir le jour : car il est dans la nature des corps de n’arriver que peu à peu à la maturité : mais il n’en est pas ainsi des choses spirituelles : elles sont parfaites dès le commencement.
Comme Nicodème, en entendant dire ces choses, se troublait toujours, voyez comment Jésus-Christ lui découvre le secret de ce mystère, et lui éclaircit ce qui était auparavant obscur : « Ce qui est né de la chair est chair, et ce qui est né de l’Esprit est esprit ». Il l’éloigne par là de tout ce qui tombe sous les sens, et ne lui permet pas de sonder les mystères avec des yeux corporels. Nous ne parlons pas de la chair, ô Nicodème ! lui dit-il ; mais de l’Esprit. Ainsi il élève son esprit aux choses spirituelles : n’imaginez, lui dit-il, ne cherchez rien de sensible. Ce n’est pas avec ces yeux qu’on voit l’Esprit : ne pensez pas que l’Esprit produise la chair.
Comment donc, dira peut-être quelqu’un, la chair du Seigneur est-elle née ? Elle est née, non de l’Esprit seulement, mais encore de la chair, ce que saint Paul nous apprend par ces paroles : « Il est né d’une femme et assujetti à la loi » (Gal. 4,4) : le Saint-Esprit l’a ainsi formé, mais non pas tiré du néant : en effet, s’il l’avait tiré du néant, en quoi le sein d’une femme aurait-il été nécessaire ? l’Esprit l’a formé de la chair d’une vierge : mais coin ment ? je ne puis l’expliquer. Au reste, Jésus-Christ est né d’une femme, de peur qu’on ne crut qu’il n’avait rien de commun avec notre nature. Si, alors même que la chose s’est ainsi passée, il se trouve pourtant des gens qui ne croient pas à cette génération : à quel comble d’impiétés ne se serait-on pas porté, à supposer que cette chair n’eût pas été tirée de celle d’une vierge ?
« Ce qui est né de l’Esprit, est esprit » : Ne voyez-vous pas en cela la dignité et la puissance du Saint-Esprit ? il fait l’ouvrage de Dieu. L’évangéliste disait ci-dessus : « Ils sont nés de Dieu » ; maintenant il dit ici : ils sont engendrés de l’Esprit. « Ce qui est né de l’Esprit, est esprit » : c’est-à-dire celui qui est né de l’Esprit est spirituel. Jésus-Christ ne parle pas ici de la génération, quant à la substance, mais quant à la dignité et à la grâce. Si donc le Fils est né de cette manière, qu’aura-t-il de plus que le reste des hommes, qui sont nés de même ? comment est-il le Fils unique ? car, moi aussi, je suis né de Dieu, mais non pas de sa substance : si donc le Fils lui-même n’est pas né de sa substance, en quoi diffère-t-il de nous ? De cette manière il se trouvera aussi qu’il est au-dessous du Saint-Esprit. Car la génération dont nous parlons se fait par la grâce de l’Esprit-Saint. Est-ce que, pour rester le Fils, il a besoin du Saint-Esprit ?