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insu, au milieu de la bergerie, prêt à ravir la brebis qui, ou par négligence, ou par malice, s’est séparée du troupeau. Encore si les blessures étaient visibles, ou si c’était le corps qui reçût les plaies, il ne serait pas nécessaire de nous tant prémunir contre les embûches que nous dresse notre ennemi : mais comme l’âme est invisible, comme c’est à elle que sont portés les coups, nous avons besoin d’une grande vigilance à nous examiner, « car nul homme ne connaît ce qui est en l’homme, sinon l’esprit de l’homme qui est en lui ». (1Cor. 2,11)
Ma voix se fait entendre de vous tous, mon discours vous présente des remèdes communs à tous ; mais c’est à chacun de mes auditeurs de prendre ce qui est propre à guérir et à chasser sa maladie. Je ne connais ni ceux qui sont malades, ni ceux qui sont en santé : voilà pourquoi je parle de tout, je dis ce qui convient à chacune des maladies de l’âme : je parle tantôt de l’avarice, tantôt des délices de la table, tantôt de l’incontinence : ensuite je loue l’aumône, et je vous exhorte à la faire ; de là je passe à d’autres sortes de bonnes œuvres. Car j’appréhenderais, si je m’attachais à un seul point, que le remède proposé ne convînt point à vos maux : Si je n’avais ici qu’une seule personne qui m’écoutât, je ne me croirais pas obligé d’embrasser tant de sujets différents ; mais comme il y a toute apparence que, parmi une si grande foule d’auditeurs, il se trouve aussi beaucoup de maladies différentes, nous n’avons pas tort de diversifier nos instructions et de parler sur différents sujets : la parole se répandant sur tous, trouvera certainement à qui être utile. C’est pour cette raison que l’Écriture, adressant la parole universellement à tous les hommes, varie les sujets et traite d’une infinité de matières. Au reste, il ne se peut pas que toutes sortes de maladies ne se rencontrent dans une si grande multitude, quoiqu’elles ne se trouvent pas toutes dans chacun en particulier. Songeons donc à nous en purifier, et puis prêtons l’oreille à la parole divine ; aujourd’hui, écoutons avec un esprit extrêmement attentif l’explication du texte qui vient d’être lu.
Quel est ce texte ? « Ce fut là le premier des miracles de Jésus, qui fut fait à Cana en Galilée ». Dernièrement je dis que quelques-uns croient que ce n’est point là le premier miracle. Oui, disent-ils, le premier miracle, si l’on ne parle que de Cana en Galilée. Pour moi, je ne voulus pas m’arrêter à disputer curieusement là-dessus, mais je dis que Jésus-Christ n’a commencé à faire des miracles qu’après son baptême : nous avons déjà fait connaître qu’il n’en a fait aucun auparavant. Or, que ce soit là le premier miracle que Jésus a fait après son baptême, ou qu’il en ait fait quelqu’autre, c’est ce que je ne crois pas qu’il soit nécessaire de rechercher et d’examiner.
« Et par là il fit connaître sa gloire ». Comment, et de quelle manière ? car peu de gens firent attention à ce qui se passait ; les serviteurs, le maître d’hôtel et l’époux seuls y prirent garde : comment donc fit-il connaître sa gloire ? Il y contribue du moins pour sa juste part. Que si alors ce miracle ne fut pas connu, sûrement dans la suite tous en ont ouï parler ; car jusqu’à ce temps encore tout le monde en parle, loin qu’il soit demeuré caché. Mais la suite fait voir que le jour même tous ne l’ont pas connu. Saint Jean après avoir dit : « Il fit connaître sa gloire », ajoute : « Et ses disciples crurent en lui », ses disciples qui déjà l’admiraient. Ne voyez-vous pas qu’il était surtout nécessaire de faire des miracles, lorsqu’il se trouvait là des hommes sages et attentifs ? car de tels hommes devaient être particulièrement disposés à croire et à prêter une exacte attention à ce qui se passait. Et comment Jésus aurait-il été connu sans les miracles ? certainement la doctrine, et la prophétie jointe au miracle, suffisaient pour inculquer les choses dans l’esprit des auditeurs ; afin qu’y étant déjà faits et accoutumés ils fussent plus soigneusement attentifs aux œuvres qu’ils voyaient. Voilà pourquoi souvent les évangélistes disent de certains lieux que Jésus n’y avait point fait de miracles, à cause de la corruption et de la méchanceté des habitants.
« Après cela il alla à Capharnaüm avec sa mère, ses frères et ses disciples, mais ils y demeurèrent peu de jours (12) ». Pourquoi alla-t-il à Capharnaüm avec sa mère ? car il n’y fit aucun miracle, et les habitants de cette ville ne lui étaient point affectionnés, c’étaient des gens très corrompus. Jésus-Christ lui-même l’a fait connaître, en disant : « Et toi, Capharnaüm, qui t’es élevée jusqu’au ciel, tu seras précipitée dans le fond des enfers ». (Lc. 10,15) Pourquoi donc y alla-t-il ? Il y fut, à ce qu’il me le paraît, parce qu’il devait aller