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puissance. Jésus-Christ ne révèle pas dès le commencement toute la puissance future de Pierre ; il ménage d’abord ses termes. Mais après qu’il a dévoilé et manifesté sa divinité, il parle alors avec plus d’autorité, disant : « Tu es bienheureux, Simon, parce que c’est mon Père qui t’a révélé ceci » (Mt. 16,47), et encore : « Et moi aussi je te dis que tu es Pierre, et que sur cette pierre je bâtirai mon Église ». (Id. 18) Il lui donna donc ce nom, mais Jacques et son frère, il les appela enfants du tonnerre. (Mc. 3,17) Pourquoi ? Afin de montrer qu’il était celui même qui a donné l’Ancien Testament, qui a changé les noms et a appelé Abram Abraham, Sara Sarra, Jacob Israël. II donna aussi les noms à plusieurs à leur naissance ; comme à Isaac, à Samson et à d’autres dont font mention Isaïe et Osée ; il a même changé à plusieurs le nom que leurs parents leur avaient donné, comme à ceux que je viens de remarquer ci-dessus, et à Jésus, fils de Navé. Les anciens avaient la coutume de donner des noms tirés des faits ainsi fit Élie lui-même. Et ce n’était pas sans raison ; ils en usaient de la sorte, afin que le nom même fût un monument du bienfait de Dieu, ou qu’en exprimant une prophétie il en réveillât le souvenir dans l’esprit des auditeurs : ainsi Dieu a donné à Jean son nom dès le sein de sa mère. Car ceux qui dès l’enfance devaient être célèbres pour leurs vertus, prenaient de là leur nom (Is. 49,1) : mais ceux qui ne devaient se rendre illustres que dans la suite, dans la suite aussi recevaient le nom qui leur était propre.
3. Dans ces temps on donnait donc à chacun plusieurs noms. Maintenant nous n’avons tous qu’un seul et même nom ; mais c’est un nom qui est plus grand que tous ceux-là, puisque nous sommes appelés chrétiens et enfants de Dieu, et amis de Dieu et son corps. Ce nom nous excite et nous encourage plus que tous les autres ; il nous rend plus attentifs et plus diligents à exercer la vertu. Ne faisons donc rien qui soit indigne d’un nom si grand et si honorable : pensons à l’incomparable honneur que nous avons de porter le nom de Jésus-Christ ; car c’est de ce nom que saint Paul nous a appelés chrétiens. Contemplons et respectons la grandeur de ce nom. Si celui qu’on dit fils de quelque grand capitaine ou d’un illustre personnage, conçoit de hauts sentiments quand il entend dire qu’il appartient ou à celui-là ou à celui-ci, se fait un très-grand honneur de porter un si beau nom, et n’omet rien pour ne le pas déshonorer par sa lâcheté nous qui tirons notre nom, non d’un capitaine, non d’un prince de la terre, non d’un ange, ou d’un archange, ou d’un séraphin, mais de leur Roi, n’exposerons-nous pas notre vie, ne la perdrons-nous pas plutôt que de déshonorer celui qui nous a honorés de son nom ? Ne connaissez-vous pas la maison de l’empereur, ses compagnies des gardes, ses soldats armés de boucliers, ses piquiers qui l’accompagnent et gardent sa personne ; ne savez-vous pas de quels honneurs et de quels privilèges ils jouissent ? Ainsi nous qui approchons de beaucoup plus près notre R. et qui en sommes d’autant plus proches que la tête l’est plus du corps, nous devons tout faire et tout mettre en œuvre pour imiter Jésus-Christ.
Que dit donc Jésus-Christ ? « Les renards ont leurs tanières, et les oiseaux du ciel leurs nids ; mais le Fils de l’homme n’a pas où reposer sa tête ». (Lc. 9,58) Si nous exigeons de vous la même chose, peut-être plusieurs trouveront-ils le précepte dur et rigoureux ? C’est pourquoi je ne demanderai pas une imitation si parfaite, pour épargner votre faiblesse. Mais je vous prierai de ne vous pas attacher trop à l’argent, et si, à cause de votre faiblesse, je n’exige de vous qu’une vertu bornée, vous, de votre côté, et à plus forte raison, fuyez l’excès de la perversité. Je ne vous blâme point d’avoir des maisons, des terres, des richesses, des serviteurs ; mais je désire que vous sachiez posséder toutes ces choses comme il convient, et sans péril pour vous. Que veux-je dire par là ? que vous devez en être les maîtres et non pas les esclaves ; les posséder sans qu’elles vous possèdent ; en user et n’en point abuser. Les richesses s’appellent dans la langue grecque d’un mot qui signifie « se servir », pour nous faire entendre que nous devons les faire servir à nos besoins et non pas les renfermer et les garder. L’un est d’un serviteur, l’autre d’un maître ; les garder, c’est la fonction d’un serviteur : s’en servir, les dépenser, c’est agir en maître, c’est montrer son autorité. Vous ne les avez pas reçues pour les enfouir dans la terre, mais pour les distribuer. Si Dieu avait voulu qu’on les gardât, il ne les aurait pas données aux hommes, mais il les aurait laissées cachées dans la terre :