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avait pourtant encore d’autres disciples ; mais ceux-ci, non seulement ne suivirent point Jésus, mais encore ils lui portaient envie, car ils disaient : « Maître, celui qui était avec vous au-delà du Jourdain, auquel vous avez rendu témoignage, baptise maintenant, et tous vont à lui ». (Jn. 3,26) Et de plus, ces mêmes disciples, faisant des reproches à Jésus, disaient : « Pourquoi jeûnons-nous, et vos disciples ne jeûnent point ? » (Mt. 9,14) Mais ceux qui étaient meilleurs que les autres n’étaient pas dans les mêmes sentiments, ni dans les mêmes dispositions ; aussi, dès qu’ils eurent entendu parler de Jésus, ils le suivirent. Et ils le suivirent, non par mépris pour leur premier maître, mais parce qu’ils lui étaient très-obéissants, et montrèrent par là que la droite raison, qu’un esprit de sagesse dictait leur docilité. Ce ne sont pas des exhortations qui les ont portés à suivre Jésus-Christ ; cela aurait été suspect ; ils l’ont suivi sur la seule annonce qu’il baptiserait dans le Saint-Esprit. Ils n’ont donc pas quitté leur maître, mais ils ont voulu savoir ce que Jésus apportait de plus que lui. Faites attention à leur prudente conduite et à leur retenue. Arrivés auprès de Jésus, ils ne l’interrogent pas tout aussitôt sur les choses importantes et nécessaires au salut, ni sur les grandes vérités qu’on leur avait annoncées ; ils ne l’interrogent pas publiquement en présence de tout le monde, ni comme en passant ; mais ils cherchent à conférer avec lui en particulier. Ils savaient bien que ce que leur maître leur avait dit de Jésus était véritable, et non pas seulement inspiré par l’humilité.
« André, frère de Simon Pierre, était l’un a des deux qui avaient entendu dire ceci à a Jean et qui avaient suivi Jésus (40) ». Pourquoi donc l’évangéliste ne nomme-t-il pas l’autre ? Quelques-uns disent que c’est celui-là même qui a écrit cet Évangile ; d’autres, au contraire, que ce disciple n’étant pas des plus remarquables, il importait peu de rapporter son nom, et que saint Jean avait cru ne devoir rien dire que de nécessaire. Quelle utilité en reviendrait-il de l’avoir nommé, puisqu’on ne rapporte pas les noms des soixante-douze disciples ? Observez aussi que saint Paul en a usé de même : « Nous avons », dit-il, « envoyé a aussi avec lui notre frère, qui est devenu célèbre par l’Évangile ». (2Cor. 8,18) Au reste, l’évangéliste nomme André pour une autre raison. Quelle est cette raison ? Afin qu’entendant que Simon, aussitôt qu’il avait ouï dire à Jésus : « Suivez-moi, et je vous ferai a devenir pêcheurs d’hommes » (Mt. 4,19), n’avait point douté d’une promesse si grande et si peu attendue, vous soyez avertis que son frère avait jeté depuis longtemps dans lui les fondements de la foi.
« Jésus se retourna, et voyant qu’ils le suivaient, il leur dit : Que cherchez-vous ? » Ceci nous apprend que Pieu ne prévient pas notre volonté de ses dors, mais que lorsque nous avons commencé et contribué de notre volonté, il nous donne alors un très-grand nombre de moyens de salut[1].

  1. Haec cum quadam exceptione intelligenda sunt, dit fort bien le R. P. Bern de Montf. Et nous disons de même qu’il ne faut pas prendre à la lettre ce que dit ici saint Chrysostome ; mais expliquer sa pensée par plusieurs autres endroits, où visiblement et conformément à la doctrine et à la foi de l’Église, il reconnaît et établit la nécessité de la grâce et du secours divin, comme on en pourra juger par ces témoignages que nous en apportons, auxquels il nous serait facule d’en joindre assez d’autres, pour composer un traité de la grâce très orthodoxe, et former un gros volume ; mais nous devons nous bornera ce court éclaircissement, qui excède même les bornes d’une note.
    Nécessité de la grâce : « Nous devons nous dégager de tout, dit le saint Docteur, pour pouvoir courir dans la voie de Dieu. ET NOUS NE LE POURRONS FAIRE A MOINS QUE D’ÊTRE SOULEVÉS SUR LES AILES DU SAINT ESPRIT. S’il faut donc que notre âme soit non seulement déchargée des soins du siècle, mais qu’ELLE SOIT ENCORE SOUTENUE DE LA GRACE DE DIEU POUR NOUS ÉLEVER EN HAUT. Comment le pourrons-nous faire, puisque bien loin de cette disposition nous nous engageons tous les jours dans une autre toute contraire ?, etc. In Mt. Hom. 2, VII, p. 24. a ».
    Et encore : « Que si les uns sont punis si rigoureusement, c’est par une grande justice, et ce sont leurs péchés qui les condamnent ; et si les autres sont si glorieusement récompensés, c’est par une GRANDE MISÉRICORDE, ET C’EST LA GRACE QUI LES COURONNE, QUI LES A PRÉVENUS DE SA BONTÉ. Car quand ils auraient fait mille actions de vertu, ce ne peut être que, L’OUVRAGE DE LA GRACE de rendre de et grands biens pour DES CHOSES SI PETITES, et de récompenser des actions si légères et d’un moment, d’un poids éternel de gloire et de tout le bonheur du Paradis. In Matth. Hom. 79, Tom. 7, p. 761, a ».
    Et derechef parlant de la chute de saint Pierre, il dit : « Ce fut cette chute dont nous parlons ici, qui fut comme le principe et la source de son humilité dans toute la suite de sa vie. Jusque-là c’était à ses propres forces qu’il attribuait tout ce qu’il était, comme lorsqu’il disait : « Quand vous seriez pour tous les autres un sujet de chute et de scandale, vous ne le serez jamais pour moi. Quand il me faudrait mourir avec vous, je ne vous renoncerai point. (Mt. 26,33, 35) AU LIEU QU’IL DEVAIT PRIER LE SAUVEUR DE L’ASSISTER DE SA GRACE, ET RECONNAÎTRE QUE SANS SON SECOURS IL NE POUVAIT RIEN… Nous apprenons d’ici cette grande vérité, que LA BONNE VOLONTÉ DE L’HOMME NE LUI SUFFIT PAS POUR LE BIEN, SI ELLE N’EST SOUTENUE ET ANIMÉE PAR LE SECOURS DE LA GRÂCE. Et que de même ce secours du ciel ne nous peut servir de rien, lorsque notre volonté lui résiste. Judas et saint Pierre sont deux preuves de l’une et de l’autre de ces vérités. In Matth. LXXXII. – Tom. 7, p. 787, a. Edit. Nov. B. »