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c’était un homme ; la grandeur de la récompense promise, puisque c’était la gloire du ciel ; la crainte des peines réservées, puisqu’on les menaçait de l’enfer ; la dignité de celui à qui ils faisaient part de leur bien, puisque c’était Dieu même qui le recevait par les mains des pauvres ; l’honneur qu’il avait bien voulu leur faire, puisqu’il abaissait sa grandeur jusqu’à implorer leur assistance ; enfin la justice qui les obligeait de ne pas le refuser, puisqu’il leur avait donné ce qu’il leur demandait, ce qui était plus à lui qu’à eux. Mais l’avarice les a aveuglés, et ils ont fermé les yeux à toutes ces considérations si pressantes. Ils n’ont point appréhendé les peines terribles dont Jésus-Christ menaçait les cœurs durs et impitoyables, jusqu’à leur déclarer qu’il leur ferait souffrir de plus grands supplices qu’à ceux de Sodome et de Gomorrhe. Et ils ont oublié que Jésus-Christ dit ici : « Quand vous avez refusé cette charité à un de ces petits, vous me l’avez refusée à moi-même ».
Mais comment Jésus-Christ, en les appelant « ses frères », dit-il en même temps qu’ils sont « petits » ? C’est précisément pour marquer qu’ils ne sont « ses frères » que parce qu’ils sont « petits », c’est-à-dire humbles, pauvres et méprisables. Car Jésus-Christ ne veut avoir pour frères que les humbles. Ce que je n’entends pas seulement des religieux et des solitaires qui habitent les déserts et les montagnes ; mais encore de chacun des fidèles qui vit dans l’Église. Quand vous voyez un chrétien qui, engagé dans le monde, y vit dans la pauvreté, et dans un entier dénuement de toutes choses, Jésus-Christ veut que vous le regardiez comme « son frère », et que vous ayez autant de soin de lui que vous en auriez pour votre Sauveur. Ces personnes, quelque viles et abjectes qu’elles paraissent, deviennent ses frères par le baptême, et par la participation de ses mystères.
2. Mais le Fils de Dieu voulant encore nous faire mieux voir avec quelle justice il condamnera ceux qui omettront ces devoirs de charité, commence par louer et par récompenser ceux qui les ont pratiqués : « Venez », dit-il, « vous, les bénis de mon Père, possédez comme votre héritage le royaume qui vous a été préparé dès le commencement du monde. Car j’ai eu faim et vous m’avez donné à manger, etc. » Il semble que, pour ôter toute excuse à ces cœurs endurcis, et pour les empêcher de dire qu’ils n’ont point trouvé l’occasion de pratiquer la charité, il ait voulu d’abord les confondre par la comparaison de leur conduite avec la conduite de ceux qui, dans les mêmes conditions qu’eux, ont su néanmoins la pratiquer.
C’est ainsi que, dans les paraboles précédentes, il confond les vierges folles en leur opposant les sages ; qu’il couvre de honte ce serviteur ivrogne et gourmand par la comparaison des autres qui étaient plus sobres et plus modérés que lui, et qu’il condamne ce lâche serviteur qui avait caché son talent en terre par l’exemple de ceux qui avaient si heureusement multiplié l’argent qui leur avait été confié. Il confondra de même un jour tous les pécheurs de la terre, en les comparant avec les justes.
Ces comparaisons concluent tantôt d’égal à égal, comme ici, comme dans la parabole des dix vierges ; tantôt du moins grand au plus grand ; par exemple : « Les hommes de Ninive s’élèveront au jour du jugement contre ce peuple, et ils le condamneront parce qu’ils ont fait pénitence à la prédication de Jonas : et cependant celui qui est ici est plus grand que Jonas. La reine du midi s’élèvera au jour du jugement contre ce peuple, et elle le condamnera, parce qu’elle est venue des extrémités de la terre pour entendre la sagesse de Salomon ; et cependant celui qui est ici est plus grand que Salomon ». (Mt. 12,41) Un autre exemple où l’on conclut d’égal à égal, c’est lorsque le Sauveur dit : « C’est pourquoi vos enfants seront vos juges » (Lc. 11,19) Voici tin exemple où la comparaison conclut du plus au moins, c’est lorsque saint Paul dit : « Ne savez-vous pas que nous jugerons les anges, combien donc plus jugerons-nous le siècle » ? (1Cor. 2,6) Et lorsque Jésus-Christ parle ici de son jugement, il fait des comparaisons d’égal à égal, puisqu’il compare le pauvre avec le pauvre, et le riche avec le riche, et qu’il confond ceux qui n’ont pas fait l’aumône par l’exemple de ceux qui l’ont faite. Mais il ne justifie pas seulement l’arrêt qu’il portera contre ces cœurs sans pitié et sans miséricorde, en leur faisant voir d’autres hommes qui, dans le même état qu’eux, auront pratiqué tous les devoirs de la charité chrétienne. Il le justifie encore beaucoup plus eu leur représentant avec quelle indifférence ils ont négligé d’obéir à toutes ses règles, et dans