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ajouté ce qui suit : « Ce Jésus que vous avez crucifié ». Ignorez-vous que de ces paroles, les unes se rapportent à la nature immortelle, et les autres à l’Incarnation. Si cela n’est point ainsi, et si vous appliquez tout à, la divinité, vous conclurez et vous nous prouverez que Dieu est passible ; mais s’il n’est point passible, il s’ensuit aussi qu’il n’a point été fait. Car si c’est de la nature divine et ineffable qu’a coulé le sang qui a été répandu, et si c’est elle qui, au lieu de la chair, a été déchirée et percée de clous sur la croix, le sophisme que vous me faites est appuyé sur la raison. Mais si le diable même n’a point blasphémé de la sorte, toi, pourquoi feins-tu une ignorance impardonnable, dont jamais les démons mêmes ne se sont avisés ?
Mais de plus, ces noms : Seigneur et Christ, sont des noms de dignité, et ne désignent point la substance. L’un marque la puissance, l’autre l’onction. Que diras-tu donc du Fils de Dieu ? S’il est créé, comme tu le dis, tout ce qui est écrit de lui tombe et n’a plus de lieu. En effet, il n’a pas été créé auparavant, afin qu’alors Dieu lui tendît la main pour marquer son choix et l’élever : il n’a pas non plus une origine, un commencement vil et abject ; mais ce qu’il est, il l’est par sa nature et par sa substance. Quand on lui demanda s’il était roi, il répondit : « C’est pour cela que je suis né ». (Jn. 18,37) Saint Pierre parle donc comme de quelqu’un qui a été choisi et destiné, parce que c’est de l’homme qu’il parle.
4. Pourquoi vous étonner de ces paroles de saint Pierre ? Saint Paul, prêchant aux Athéniens, qualifie le Fils seulement d’homme, disant : « Par un homme qu’il a destiné pour être le juge, et il en a donné des preuves à tout le monde lorsqu’il l’a ressuscité ». (Act. 17,31) Il ne dit point qu’il a la forme de Dieu, ni qu’il est égal à Dieu, ni qu’il est la splendeur de sa gloire, et c’est avec raison. Il n’était pas encore temps de le dire, et c’était alors assez pour eux de croire qu’il était homme et qu’il était ressuscité. Jésus-Christ lui-même l’a ainsi pratiqué ; saint Paul, qui avait appris de lui, dispensait de même la parole de l’Évangile. Car Jésus-Christ ne nous a pas d’abord révélé sa divinité ; mais auparavant le Prophète, et le Christ était simplement regardé comme un homme ; et ensuite, par ses paroles et par ses œuvres, il a fait connaître ce qu’il était véritablement : voilà pourquoi saint Pierre en use de la sorte au commencement les paroles que vous m’avez alléguées sont du premier sermon qu’il a prêché aux Juifs. Comme ils n’étaient point capables encore de rien apprendre de la divinité de Jésus-Christ, il leur parle de sa nature humaine, afin que leurs oreilles y étant accoutumées, fussent après plus propres et plus disposées à recevoir toute la suite de la doctrine. Que si quelqu’un veut reprendre de plus haut cette prédication de l’Apôtre, il y trouvera la preuve évidente de ce que je dis, il verra que saint Pierre appelle Jésus-Christ homme, et qu’il parle fort au long de sa passion, de sa, résurrection et de sa génération selon la chair. Quant à ce que dit saint Paul du Fils de Dieu, qu’« il lui est né selon la chair, du sang et de la race de David (Rom. 1,3) », il ne nous apprend rien autre chose, sinon que par ce mot : « il est né », il a en vue l’incarnation, et il ne fait en cela que confirmer notre sentiment.
Mais l’enfant du tonnerre nous parle maintenant de son ineffable existence, qui est avant tous les siècles. C’est pourquoi il ne dit point « il a été fait » ; mais « il était ». Et c’est ce qu’il fallait expressément marquer ici, s’il eût été créé. Saint Paul a pu craindre que quelque insensé ne pensât que le Fils était plus grand que le Père, et que le Père était assujetti au Fils ; car c’est cette crainte qui lui fait dire aux Corinthiens : « Quand l’Écriture dit que tout lui est assujetti, il est indubitable « qu’il en faut excepter celui qui lui a assujetti toutes choses ». (1Cor. 15,26, 27) Et qui pourrait penser que le Père fût assujetti au Fils avec toutes choses ? Et néanmoins saint Paul a craint qu’il n’y eût des hommes capables de concevoir des pensées si absurdes, et a dit pour cela, même : « Excepté celui qui lui a assujetti toutes choses », saint Jean avait bien plus de raison de craindre, si le Fils eût été créé, que quelqu’un ne crût qu’il était incréé, et de nous l’apprendre préférablement à toute autre chose. Mais comme il est engendré, ni saint Jean ni aucun autre, ou apôtre ou prophète, ne disent comme de juste qu’il ait été créé. Bien plus, le Fils unique lui-même n’aurait pas manqué de le dire, si véritablement il eût été créé. Celui qui dit de soi tant de choses basses par condescendance, aurait encore beaucoup moins-tu qu’il n’était qu’une créature : je crois même qu’il est plus vraisemblable