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et cela ? Si l’on se trouve auprès d’un menuisier, qu’on le voie rompre et scier du bois, on ne va pas lui demander compte ni raison de ce qu’il fait ; ni les assistants ni le malade lui-même ne vont importuner ère questions le médecin qui porte le fer et le feu dans les plaies, qui enferme son client, qui lui impose le tourment de la faim : un pilote petit tendre ses cordages, déployer ses voiles, laisser l’eau pénétrer dans les flancs de son navire, sans être assiégé de questions oiseuses et fatigantes : on se tait, on reste en repos, quelques fautes que ces gens puissent commettre contre les règles de leur art : et cette sagesse ineffable, cette ineffable bonté, cette sollicitude infinie, il ne serait » pas absurde d’en scruter les desseins avec une indiscrète curiosité ? Quelle démence ! on ne se chargerait pas volontiers de porter secours aux opprimés, de sacrifier de l’argent pour les pauvres : mais on ne cesse de se demander pourquoi un tel est pauvre, pourquoi un tel mendie, pourquoi tel autre est riche. Mauvais esclave sans raison, au lieu de courber la tête, de t’accuser toi-même, de mettre un frein à ta langue, de maîtriser tes pensées, et de reporter sur un autre objet, sur ta propre vie, cette inquiétude de ton esprit ? Abaisse tes regards sur tes actions, sur l’océan de tes péchés : et si tu es curieux, si tu aimes à questionner, demande-toi compte à toi-même des paroles, des actions, dont ta conduite est souillée ! Mais non : tu renonces à t’examiner toi-même, en dépit du châtiment qui menace ton insouciance, du salut qui serait la récompense d’une pareille enquête, et tu préfères ajouter à tes péchés en citant Dieu devant ton tribunal ! N’entends-tu pas le prophète qui lui dit : « Le sceptre de votre royauté est un sceptre de droiture ? » Et cet autre qui parle ainsi : « Son jugement sortira comme une lumière. » (Os. 6,5) Si tu ne sais pas tous les secrets de ton maître, eh bien ! c’est une raison de plus pour toi de le glorifier, de l’adorer : il n’en est pas de plus forte que son ineffable grandeur, que l’incompréhensibilité de son essence, que l’inépuisable industrie de sa sollicitude. « Vous avez aimé la justice et haï l’iniquité. » Après avoir rappelé plus haut les succès, les victoires, les trophées, le salut donne au monde, la vérité, la mansuétude, la justice répandue, dans l’univers entier, voulant montrer que ces événements n’ont rien d’inexplicable, il se met à faire ressortir la grandeur du conquérant : c’est un Dieu, c’est un roi, un être immortel, un juge incorruptible, un ami zélé des hommes justes, un ennemi des méchants : et c’est parce qu’il est tel qu’il a remporté de pareils succès. Ainsi que personne ne se laisse aller à l’incrédulité. Tant de victoires témoignent et de la puissance et de la volonté du vainqueur. Après avoir énuméré les titres éminents de la divinité, il redescend à la chair et dit : « Aussi Dieu, votre Dieu vous a oint. » Un autre dit : « Vous a oint pour cela », c’est-à-dire pour remporter tous ces succès dont il a été question, bannir l’iniquité, implanter la justice, faire enfin ce que vous avez fait. Mais vous, n’allez pas vous déconcerter en entendant le Prophète attribuer ces œuvres au Père… Il ne s’exprime pas ainsi pour en ôter l’honneur au Fils, mais pour associer le Père à la gloire du Fils, de la même façon que l’Écriture attribue au Fils ce qui appartient à son Père : « Tout ce qui est à moi « est à toi, tout ce qui est à toi est à moi. » (Jn. 17,10) Paul dit en parlant de la résurrection : « Dieu l’a réveillé d’entre les morts (1Cor. 6,14) ; » et Jean : « Ouvrez ce temple et dans trois jours je le réveillerai. » (Jn. 2,19) Mais que signifie cette expression « Huile de joie ? » Le Christ n’a pas été oint d’huile, il l’a été par le Saint-Esprit. Voilà pourquoi le Psalmiste ajoute : « Entre ceux qui y ont eu part avec vous », faisant voir justement par là que l’onction n’a pas été la même. – Il y avait eu beaucoup d’oints avant lui, mais pas un seul n’avait été oint de la même manière : de même qu’il y avait eu beaucoup d’agneaux, mais aucun qui l’égalât, beaucoup de fils, avant qu’il fût le Fils unique. Tout en lui est exceptionnel, non pas seulement ce qui tient à la divinité, mais encore ce qui procède de l’Incarnation : car personne n’avait été oint par un pareil esprit. Que si l’huile est nommée ici, ne vous en étonnez pas : notre écrivain est un prophète, il parle un langage énigmatique. – Et ce mot de « Joie » vient ici à merveille : en effet « le fruit de l’Esprit est amour, joie, paix. » Un autre dit : « D’une huile de beauté. » Le texte hébreu porte « Sason », c’est-à-dire beauté, gloire, parure. D’ailleurs, s’il faut lire, « De joie », le sens n’est pas moins satisfaisant. Ainsi donc qu’en lisant les mots épée, traits, arc, vous n’allez point penser à une épée, à un arc, à des traits, mais à la puissance qui a opéré tant de merveilles, de même ce mot