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posséderont rien de plus que ce qu’ils ont actuellement. Ces paroles sont dites pour rassurer entièrement Achaz. En effet si le Prophète se fût contenté de dire : dans soixante-cinq ans vos ennemis périront, le roi peut-être se serait dit en lui-même : Mais quoi ! s’ils ne doivent périr qu’après nous avoir vaincus, quel avantage nous en reviendra-t-il ? Sois tranquille, dit Isaïe, même pour le moment présent ; plus tard ils périront entièrement, et pour le moment actuel ils ne pourront s’agrandir. Mais Samarie sera la capitale d’Ephraïm, c’est-à-dire des dix tribus (là était leur gouvernement), et ils ne s’étendront point au-delà ; et le roi d’Israël régnera dans Samarie : il répète ici ce qu’il a dit de Damas, pour montrer qu’ils ne posséderont rien de plus que ce qu’ils ont actuellement. Puis, comme les choses qu’il venait d’annoncer surpassaient toute intelligence humaine et toute espèce de raisonnement, il a raison d’ajouter. « Si vous ne croyez pas, vous ne comprendrez pas. » Ne cherche pas, veut-il dire, comment ni de quelle manière ces choses arriveront ; car c’est Dieu qui les fera, il ne faut que croire et penser à la puissance de celui qui agira : voilà toute la preuve de ce que j’ai annoncé. C’est aussi pour cela que le prophète David dit : « J’ai cru, c’est pourquoi j’ai parlé. » (Ps. 115,10) Et Paul s’emparant, non sans raison, de cette parole, lui donne encore une plus grande signification, en disant : « Ayant le même esprit de foi, comme il est écrit : J’ai cru, c’est pourquoi j’ai parlé, et nous aussi nous croyons et c’est « aussi pourquoi nous parlons. » (2Cor. 4,13) En effet, si la foi était nécessaire pour ces choses anciennes, aussi éloignées de celles du Nouveau Testament que la terre est éloignée du ciel, combien plus n’est-elle pas nécessaire pour ces vérités si élevées et qu’aucune intelligence n’a jamais comprises. C’est ce qu’indique l’Apôtre dans ce qui suit : « Ce que l’œil n’a point vu, ce que l’oreille n’a point entendu, ce qui n’est point monté dans le cœur de l’homme, voilà ce que Dieu a préparé à ceux qui l’aiment. » (1Cor. 2,9)
« Et le Seigneur parla encore à Achaz et il dit : Demandez au Seigneur votre Dieu qu’il vous fasse voir un prodige ou au fond de la terre ou au plus haut des cieux. Et Achaz dit : Je n’en demanderai point et je ne tenterai point le Seigneur. Et Isaïe dit : Écoutez donc, maison de David : Est-ce peu pour vous de lasser la patience des hommes, sans lasser celle de Dieu. Aussi le Seigneur vous donnera-t-il lui-même un signe. Voilà que la Vierge concevra et elle enfantera un fils qu’on appellera Emmanuel » (10-14) Grande est la condescendance de Dieu et grande aussi l’ingratitude du roi. Celui-ci devait, en entendant le Prophète, ne plus douter de ses paroles ; que s’il conservait du doute, il aurait dû, à la vue d’un miracle, le chasser comme firent beaucoup de Juifs. Car Dieu, dans son amour pour les hommes, n’a pas refusé des prodiges à ces hommes grossiers, rampants et attachés à la terre ; c’est ce qui arriva, par exemple, à Gédéon[1]. Comme Achaz était très-grossier, très-incrédule, voyez combien Dieu montre de condescendance. Lui – même l’attire et l’excite à lui demander un miracle ; certes ce n’était pas déjà un petit prodige que d’avoir révélé ses secrets, d’avoir dévoilé toutes ses pensées, d’avoir manifesté toute son hypocrisie. Quand le Prophète lui eut dit : Demande un miracle, cet impie fit le croyant et dit : Je n’en demanderai pas et je ne tenterai pas le Seigneur ; voyez avec quelle véhémence le Prophète le reprend ; et c’est à bon droit qu’après avoir montré son hypocrisie, il l’accuse avec plus de sévérité. C’est pourquoi il ne le juge même pas digne d’une réponse et s’adressant au peuple il dit : « Écoutez donc, maison de David : Est-ce peu pour vous de lasser la patience des hommes, sans lasser celle de Dieu ? » Et comment lassez-vous celle de Dieu ? Cela est obscur ; aussi faisons tous nos efforts pour éclaircir ce mot. Voici donc ce qu’il veut dire : sont-ce mes paroles ? Sont-ce mes pensées ? Si c’est une faute digne de blâme que de refuser sans aucun motif, sans aucune raison, de croire les hommes, combien plus de croire Dieu ! Lasser la patience, ce n’est donc pas autre chose qu’être incrédule. Est-ce là, dit-il, un faible crime ? Est-ce une légère faute que de refuser de croire les hommes ? Mais si cela est grave, combien plus de refuser de croire Dieu !
5. Le Prophète a parlé ainsi pour apprendre à tous qu’il n’avait pas été trompé, et qu’il jugeait non d’après les paroles qu’il avait entendues, mais d’après les pensées d’Achaz. C’est ce que le Christ a fait bien souvent aussi dans l’Évangile. Avant de se manifester par des miracles, il reproche aux Juifs leur méchanceté

  1. Il manque ici quelque chose très probablement.