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« dans les ténèbres, et dans l’ombre de la mort (Lc. 1,79) ; » et Paul : « Nous ne sommes point enfants des ténèbres (1Thes. 5,5) ; » et encore : « Ils se sont évanouis dans leurs pensées, et leur cœur insensé a été rempli de ténèbres. » (Rom. 1,21)
Et de même que ceux qui sont dans les ténèbres, ignorent la nature des choses, de même encore ceux qui vivent dans le péché, ne distinguent pas les choses ; ils courent vers ales ombres comme à la réalité, poursuivant les richesses, les délices, la puissance, et ils ne connaissent ni amis ni ennemis. Avec leurs ennemis, ils sont aussi confiants qu’avec des amis ; et, à voir comme ils traitent leurs amis, on croirait que ce sont des ennemis. Ne voyez-vous pas les pauvres, criant tous les jours et faisant retentir leurs plaintes ? et nul pourtant ne les écoute. Pourquoi ne les écoute-t-on pas ? C’est que le démon a placé les indifférents, les insensibles dans les ténèbres comme ceux qui sont morts depuis des siècles. Car ce que sont les ténèbres et la nécessité de mourir, tel est pour eux l’endurcissement du cœur. Ceux qui sont assis dans les ténèbres, ne voient pas les maux qui fondent sur eux ; c’est encore ce qui arrive à ceux qui ne voient pas, tout près d’eux, les malheurs, et qui tombent clans les gouffres et les précipices. Ceux qui sont assis clans les ténèbres, ne craignent pas de commettre avec aine pleine assurance des actions honteuses ; c’est ce que font ceux qui vivent dans la perversité ; ils sont comme assis, dans les ténèbres, et, comme si aucun œil humain ne les voyait, ils font tout avec sécurité ; an milieu même des villes, ils commettent leurs crimes aussi librement que dans la solitude.
4. « Ceux qui sont assis dans les ténèbres », éprouvent une frayeur continuelle ; c’est ce qui arrive aux pécheurs ; ni le ravisseur, ni l’avare, ne peut être sans crainte, quelque insolence qu’il étale, quel que soit l’extérieur triomphant qu’il oppose aux regards. Car voilà ce que fait une mauvaise conscience ; et certes tous ces pécheurs étaient depuis longtemps privés de tout pardon, mais ils le sont bien davantage aujourd’hui, que le Soleil de justice a brillé, et qu’ils demeurent encore assis dans les ténèbres. Et comment, après que le soleil a brillé, demeurent-ils encore assis dans les ténèbres ? c’est parce qu’ils ont la vue faible. Ils se sont enterrés dans les repaires, les cavernes, les gouffres de la perversité et ils ne peuvent pas regarde : la lumière, parce qu’ils ont la vue faible. « Mon âme a été toute remplie d’angoisse, mon cœur a été tout troublé au dedans de moi (4). » Un autre texte : « Et mon âme s’agitait en tous sens, en moi. » C’est l’excès de l’affliction, qu’exprime le trouble de la pensée. Que signifie, « Au dedans de moi ? » Je n’avais personne à qui parler, qui put me consoler. Telles sont en effet les âmes des méchants, toujours bouleversées, non seulement parle présent, mais encore par l’attente des maux, jamais pour eux de tranquillité, jamais de sécurité pour leur âme ; ils sont plus bouleversés qu’aucune mer ; ni la nuit, ni le jour ne leur apporte l’apaisement de la tempête ; mais ils sont tourmentés de toutes parts, même en l’absence de tout persécuteur ; guerre domestique, guerre intestine, et, sans pouvoir jouir de ce qu’ils ont acquis, ils sont, par l’inquiétude de ce qu’ils ne tiennent pas encore, déchirés de mille manières ; toujours inquiets des affaires des autres, attachant sur la fortune d’autrui des regards curieux ; sans cesse préoccupés de persuader quelque chose à celui-ci, d’effrayer celui-là, de séduire un tel par des paroles flatteuses, de faire violence à tel autre ; en voici un autre qu’ils vont entourer de leurs soins ; et les calomnies, les achats, les ventes, les testaments, les fidéi-commis, les usures, les capitaux, toute cette lie de malheurs, ils s’en inondent, et c’est lorsque tout leur vient à flots, qu’ils sont surtout bouleversés. Voyez ce riche tout hors de lui : pourquoi ? parce que son champ a été de la plus grande fertilité ; et il ne sait que résoudre, et le voilà dans la perplexité, et il dit : que ferai-je ? j’abattrai mes greniers et j’en bâtirai de plus grands. (Lc. 12,18) Le pauvre, au contraire n’a aucun embarras de ce genre.
« Je me suis souvenu des jours anciens, j’ai médité sur toutes vos œuvres (5). » Ce n’est pas une petite consolation que de connaître le passé et le présent. En effet, comme Dieu, soit dit sans y insister, Dieu administre par les mêmes lois les affaires d’aujourd’hui et celles du temps passé, la plus grande consolation du présent, c’est le souvenir des temps qui ne sont plus. Voilà pourquoi, dans un antre psaume, nous voyons : « Nous privera-t-il de sa miséricorde dans toute la suite des siècles ? » (Ps. 76,8-9) Et un autre texte : « Regardez les anciennes générations, et voyez qui a espéré dans le Seigneur et a été abandonné ? » (Sir. 2,10) Et Paul : « Or toutes ces choses qui leur arrivaient, étaient des figures, et elles ont été écrites pour nous servir d’instruction, à nous autres qui nous trouvons à la fin des temps. » (1Cor. 10,11)