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entière de l’âme et la parfaite attention de la pensée. Ajoutez, en outre, qu’il nous marque expressément que c’est sa voix à lui. Tous en effet, ne font pas entendre une voix ; tous ne l’élèvent pas vers Dieu, et tous ne s’adressent pas à lui, avec leur propre voix. Or, il faut que toutes ces circonstances se réunissent dans la prière. Celui qui crie contre ses ennemis, ne fait pas entendre la voix d’un homme, mais d’une bête féroce, d’un serpent ; celui qui se laisse aller à la négligence, et qui n’écoute pas ce qu’il dit lui-même, ne crie pas vers Dieu ; il parle inutilement et au hasard ; celui dont la pensée n’est pas éveillée, a beau crier de toutes ses forces, celui-là ne crie pas. Le mot « voix », en effet, comme je l’ai souvent dit, ne marque pas ici la force des poumons, mais l’attention de l’esprit. Le Psalmiste, ne ressemble pas à celui que je viens de dire ; il réunit les trois circonstances ; il montre qu’il crie avec la voix, et qu’il s’adresse à Dieu, et qu’il se sert de sa voix propre. Voilà, pourquoi, à deux reprises, il nous dit : « J’ai élevé ma voix, j’ai élevé ma voix. Je répands ma prière en sa présence et j’exposerai devant lui mon affliction (2). » Voyez-vous l’âme dégagée de toutes les choses de la vie présente ? Il ne cherche pas un refuge auprès des hommes ; ce n’est pas à eux qu’il demande du secours ; ce qu’il lui faut, c’est le secours invincible, l’assistance d’en haut. Il montre ensuite toute la force de son attention, toute l’ardeur de son désir, désir caché dans les profondeurs de son âme, mais qu’il veut manifester par ces paroles : « Je répands ; » ce qui marque l’abondance et la richesse.
Nous apprenons encore par là, que les afflictions ne sont pas d’une médiocre utilité pour la sagesse. Voici, en effet, le fruit de l’affliction, et, par conséquent, que personne ne songe à s’y soustraire. Elle a deux avantages que voici : le premier, de nous rendre plus zélés, plus attentifs ; le second, et c’est aussi un précieux privilège qu’elle nous confère, elle nous rend plus dignes d’être écoutés. Aussi, le Psalmiste ne dit pas : ma justice, ni mes bonnes œuvres, mais, « mon affliction. » C’est que cette affliction est pour lui une puissante recommandation. Voilà pourquoi Isaïe fait entendre ces paroles : « Consolez mon peuple, dit Dieu ; ô prêtres, parlez au cœur de Jérusalem ; car elle a reçu le double de la main du Seigneur pour les afflictions endurées en expiation de ses péchés. » (Is. 40,1-2) Et Paul : « Livrez cet homme à Satan, pour mortifier sa chair, afin que son âme soit sauvée. » (1Cor. 5,5) Et, en écrivant aux Corinthiens, il leur disait : « C’est pour cette raison qu’il y a parmi vous beaucoup de malades et de languissants, et qu’un grand nombre dorment ; si nous nous jugions nous-mêmes, nous ne serions pas jugés de Dieu. Mais lorsque nous sommes jugés par le Seigneur, il nous châtie afin que nous ne soyons pas condamnés avec le monde. » (1Cor. 11,30, 32) Et maintenant Abraham disait au riche : « Vous avez reçu vos biens dans votre vie, et Lazare ses maux. C’est pourquoi il reçoit à cette heure la consolation, et vous êtes dans les tourments. » (Lc. 16,25) Écoutons maintenant David, quand Séméï le maudissait : « Laissez-le me maudire, puisque le Seigneur le lui a commandé, afin qu’il vît mon affliction. » (2Sa. 16,11, 12) Et partout l’Écriture nous montre ceux qui se plaisent dans les afflictions, et les supportent avec patience, non seulement, se purifiant d’un grand nombre de péchés, mais encore obtenant, auprès de Dieu, une grande confiance, un grand crédit. « Lorsque mon âme est toute prête à me quitter, et vous connaissez mes voies (2). » Les cœurs pusillanimes succombent alors, et font entendre, de plus, de mauvaises paroles ; le sage, au contraire, montre, alors surtout, sa sagesse, parce que l’affliction redouble ; son zèle.
Donc lorsqu’il vous arrivera de voir un homme qui désespère dans l’affliction, ou qui fait entendre quelques paroles amères, n’en accusez pas l’affliction, mais la pusillanimité. En effet, le propre de l’affliction, c’est de produire les effets contraires : l’application de l’âme, la contrition du cœur, l’attention de ta pensée, un accroissement de piété. Aussi Paul disait : « L’affliction produit la patience, la patience produit l’épreuve. » (Rom. 5,3) Si les Juifs murmuraient dans l’affliction, ce n’est pas à l’affliction, mais au délire de leur âme qu’il faut attribuer ces murmures, puisque l’on voit les saints, dans l’affliction, se couvrir de plus de gloire, s’appliquer avec plus d’ardeur à la sagesse. Aussi le Psalmiste lui-même disait-il encore : « Il m’est bon, Seigneur, que vous m’ayez humilié, afin que j’apprenne vos ordonnances pleines de justice. » (Ps. 118,71) Et Paul : « De peur que la grandeur