paroles. Si l’impatience, qui n’est qu’une faiblesse de l’âme, vous expose à quelque fâcheux éclat, il faut dessécher cette racine, tenir la porte bien fermée, la garder avec soin ; il ne faut pas laisser naître les pensées mauvaises ; si elles naissent, il les faut étouffer à l’intérieur, il en faut dessécher la racine.
5. Cette garde, Job sut la faire ; aussi ne proféra-t-il aucune parole mal sonnante. Le plus souvent il gardait le silence, et, quand il lui fut nécessaire de parler avec sa femme, il fit entendre les paroles de la sagesse. Car, la seule raison de parler, c’est que les paroles sont plus utiles que le silence. Voilà pourquoi le Christ aussi disait : « Les hommes rendront compte au jour du jugement de toute parole inutile (Mt. 12,36) ; » et Paul : « Que des paroles impures ne sortent pas de votre bouche. » (Eph. 4,29) Et maintenant, le moyen de faire bonne garde à la porte, de n’avoir rien à se reprocher ? écoutez un autre texte : « Que toute explication, donnée par vous, soit selon la loi du Très-Haut. » (Sir. 9,15) Car, si vous avez pour habitude de ne faire entendre aucune parole inutile ; si votre pensée et votre bouche se retranchent toujours clans les récits de la sainte Écriture, ce sera pour vous une garde plus solide que le diamant. De la bouche, partent un grand nombre de chemins qui conduisent à la mort : telles sont les paroles honteuses, les basses plaisanteries, les discours de la vaine gloire, de la jactance, et de l’orgueil. Ainsi le Pharisien, pour n’avoir pas fermé la porte de sa bouche, perdit, par quelques paroles, tout ce qu’il avait chez lui. Il était comme un homme dont la maison n’a pas de porte : il y avait un trésor à l’intérieur, il n’a pas su le garder, et tout à coup il est devenu pauvre. Considérez encore ici un autre orgueilleux, qui s’est perdu de même, par des paroles superbes. C’est celui qui disait. « Au-dessus des astres du ciel, j’établirai mon trône. » (Is. 14,13) Et maintenant les Juifs, pour s’être réjouis des maux du prochain, s’entendent appliquer ces, paroles « Parce que tu as dit, c’est bien, Israël est devenu comme les autres nations. » Et maintenant ils sont couverts d’opprobre ; ce qui fait qu’ils murmurent, et disent : « Tous ceux qui font le mal, passent pour bons aux yeux du Seigneur, et ils lui sont agréables ; et nous, nous regardons les étrangers comme heureux ; et voici que l’on rétablit ceux qui font les crimes. Ne les voyez-vous pas inscrits dans le livre ? » (Mal. 2,17 ; 3, 15) D’autres se perdent pour leurs murmures, comme dit Paul : « Ne murmurons point, comme murmurèrent quelques-uns, qui ont été frappés de mort par l’ange exterminateur. » (1Cor. 10,10) Et quand donc murmurèrent-ils ? quand ils disaient : « Vous nous avez amenés ici, pour nous faire mourir dans la solitude, comme s’il n’y avait pas de sépulcres dans l’Égypte. » (Ex. 14,11) D’autres, par les frivoles plaisirs, comme dit l’Écriture : « Ils ont mangé, et ils ont bu, et ils se sont levés ensuite pour jouer. » (Ex. 32,6) D’autre, par leurs paroles de malédiction « Car quiconque dit à son frère, insensé, méritera d’être condamné par le jugement « (Mt. 5,22) ; » et d’autres encore, en bien plus grand nombre, par d’autres péchés, ont trouvé la mort ; ils n’avaient pas mis une garde à leurs lèvres.
Et maintenant voulez-vous la preuve que quelques-uns sont morts pour avoir gardé un silence intempestif ? la voici : « Si vous n’avertissez pas le peuple, il mourra dans son péché, mais je vous redemanderai son sang. » (Ez. 3,20) Un autre se perd parce que, sans aucune circonspection, il parle et révèle les secrets qui lui sont confiés : « Gardez-vous », dit le texte, « de donner les choses saintes aux chiens, et ne jetez point vos perles devant les pourceaux. » (Mt. 7,6) Un autre se perd par le rire ; de là ces paroles : « Malheur à vous qui riez, parce que vous pleurerez ! » (Lc. 6,25) Voyez-vous, comme la bouche vous perd ? voyez maintenant comment elle sauve, par des paroles contraires. Vous avez vu le pharisien perdu par sa bouche, voyez le publicain sauvé par sa bouche. Vous avez vu le châtiment du barbare orgueilleux et plein de jactance. Voyez l’homme juste, qui parle avec mesure et qui dit : « Je ne suis que poudre et que cendre (Gen. 18,27) ; » vous avez vu l’homme qui se réjouit du mal d’autrui, repris et puni, voyez celui qui compatit, sauvé. En effet, dit l’Écriture, « Mettez un signe sur le visage des hommes qui pleurent et qui gémissent. » (Ez. 9,4) Voilà pourquoi Paul aussi disait : « Se réjouir avec ceux qui se réjouissent, et pleurer avec ceux qui pleurent. » (Rom. 12,15) Si vous ne pouvez, faire plus, dit-il, vous n’apporterez pas une faible consolation à l’affligé, en vous affligeant
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