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produit point ces malheurs ; n’en accusons que notre lâcheté. Si nous sommes sobres et vigilants, si nous prions Dieu de ne pas permettre que nous soyons tentés au-delà de nos forces ; si nous nous tenons toujours étroitement attachés à lui, nous serons toujours debout, nous ferons face à l’ennemi. Tant que nous aurons Dieu pour auxiliaire, en vain les tentations souffleront plus impétueuses que tous les vents à la fois, elles ne seront pour nous que pailles et feuilles légères, qu’un rien dissipe au hasard. Écoutez la parole de Paul : « En tous ces combats nous sommes vainqueurs ». Et ailleurs : « J’estime que toutes les souffrances de ce siècle ne sont point dignes d’être comparées avec la gloire à venir qui sera manifestée en nous ». (Rom. 8,37 et 18) Et ailleurs « Notre tribulation présente, légère en elle-même, et purement momentanée, nous produira un excès incroyable, un poids ineffable de gloire éternelle ». (2Cor. 4,16) Remarquez quels périls affreux, quels naufrages, quelles afflictions sans nombre il qualifie de maux légers. Soyez l’émule de ce cœur de diamant enveloppé d’un corps fragile et souffreteux.
Vous êtes dans la pauvreté, peut-être ! Mais non toutefois dans une misère comme celle de Paul, qui luttait avec la faim, la soif et la nudité. Car il ne souffrit point tous ces maux seulement un jour par rencontre, mais continuellement il les endura. Et la preuve ? Vous la trouverez dans sa parole « Jusqu’à ce jour nous ne cessons de subir la « faim, la soif, la nudité ». (1Cor. 4,11) Et cependant quelle gloire il avait déjà acquise dans la prédication, lorsqu’il était encore réduit à toujours ainsi souffrir ! car il avait dépensé vingt années déjà dans l’enseignement de l’Évangile, quand il écrivait ces mots : « Je connais », en effet, dit-il, « un homme qui fût ravi au paradis il y a quatorze ans, est-ce avec ou sans son corps, je ne sais ». (2Cor. 12,2) Et ailleurs : « Trois ans après je montai à Jérusalem » (Gal. 1,18) ; et dans un autre passage : « Il me serait plus avantageux de mourir, que de permettre à personne d’atténuer ma gloire ». Et ce texte se lie à celui-ci : « Nous sommes devenus comme les balayures de ce monde ». (1Cor. 9,15 ; 4, 13)
Quoi de plus pénible que la faim, que le froid, que les complots imaginés même par des frères, qu’il appelle de faux frères ? N’osait-on pas l’appeler la peste du monde, un imposteur, un démolisseur ? N’était-il pas déchiré par les fouets cruels ? Appliquons à ces exemples, mes frères, nos méditations, nos pensées, nos souvenirs, et jamais nous n’éprouverons de découragement, d’abattement, quand même l’injustice nous opprimerait, quand tous nos biens nous seraient volés et qu’on nous ferait subir des maux à l’infini. Qu’il nous soit donné seulement de trouver au ciel une moisson d’estime et d’honneur, et tout devient supportable. Puissions-nous faire dignement nos affaires d’outre-tombe, et celles d’ici – bas nous paraîtront sans valeur ; quelles qu’elles soient, elles ne sont que des ombres et des rêves.
Car ce qu’on peut attendre ou redouter sur la terre n’a rien de sérieux ni en soi, ni dans la durée. Que voulez-vous comparer, en effet, avec ces terreurs si légitimes et si effrayantes de l’avenir ; avec ce feu qui ne peut s’éteindre ; avec ce ver qui ne peut mourir ? Est-il un mal du siècle qui égale le grincement des dents, les chaînes, les ténèbres extérieures, les fureurs, la désolation, les angoisses de ces supplices ? Mais vous comparez la durée, peut-être ? – Eh ! que font dix mille ans auprès des siècles infinis et interminables ? Ce qu’est une petite goutte d’eau, n’est-ce pas, en présence du grand abîme.
Préférez-vous comparer bonheur avec bonheur ? Celui du ciel est infiniment supérieur. « L’œil de l’homme n’a point vu », dit l’Écriture, « son oreille n’a point entendu, son cœur ne pourra jamais comprendre cette félicité souveraine ». (1Cor. 2,9) Et sa durée se prolongera dans l’infinité des siècles. Pour elle, par conséquent, ne serait-il pas avantageux d’être mille fois déchirés vivants, tués, brûlés, de subir mille morts enfin, de supporter en paroles et en faits tout ce qu’il y a de plus rude et de plus affreux ? Devrions-nous passer, si c’était possible, toute la vie présente dans les flammes dévorantes, qu’il faudrait ainsi fout accepter pour gagner les biens que Dieu nous garde.
Mais que parlé-je ainsi à des hommes qui loin de consentir à mépriser l’argent, le poursuivent et s’y attachent comme à la seule richesse immortelle, à des hommes qui, pour avoir donné quelque petite chose sur une fortune immense, croient avoir tout fait ? Non, ce n’est pas là l’aumône. L’aumône vraie, c’est le fait de cette veuve qui verse tout généreusement, jusqu’à sa dernière obole. Si vous n’avez pas le cœur de donner autant qu’une pauvre veuve, donnez du moins votre superflu, gardez le nécessaire, et rien au delà : mais personne ne sait faire le sacrifice même du superflu. J’appelle superfluité ce nombreux personnel qui vous sert, ces vêtements de soie qui vous couvrent. Rien n’est moins nécessaire, rien moins utile même que ce dont nous pouvons nous passer pour vivre ; voilà, oui, des superfluités, et pour le dire une fois, de véritables excès.
Voyons toutefois, s’il vous plaît, quel est l’indispensable nécessaire de la vie. Avec deux serviteurs seulement, nous pouvons vivre. Car puisque plusieurs personnes, à nos côtés, vivent sans serviteur aucun, quelle excuse avons-nous, si deux domestiques ne peuvent nous suffire ? Nous pouvons très-bien nous loger dans une maison de briques, pourvu qu’elle ait trois appartements voilà le suffisant assurément. Car n’y a-t-il pas des pères de famille, ayant femme et enfants, qui se contentent d’une seule habitation ? Or, si vous le voulez absolument, on vous accorde des domestiques.
Mais, dira une grande dame, n’est-il pas honteux pour une personne d’un certain rang, de paraître en public avec deux domestiques seulement ? – Arrière cette honte. Non, une femme de haut rang n’a pas à rougir de paraître avec deux domestiques seulement ; mais elle devrait rougir de se montrer avec plus nombreuse escorte. Vous riez peut-être en m’écoutant ici ; eh bien ! je répète,