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sommes à l’épreuve du jeûne, et – bientôt après nous raisonnons autrement. Quand nous ne sommes pas enclins à l’ivrognerie, nous croyons pouvoir surmonter la passion du vin ; cette passion s’empare-t-elle de nous, nos idées changent. Ne, dites pas : Pourquoi n’ai-je pas reçu le don d’enseigner ? Si je l’avais, j’aurais édifié bien du monde. Si vous l’aviez eu, on vous en aurait peut-être fait un crime ; l’envie et la paresse vous auraient peut-être forcé à enfouir votre talent. Vous êtes maintenant à l’abri de leurs attaques, et si vous ne donnez pas votre mesure de froment, on ne vous fera pas de reproche. Si vous n’étiez pas dans la situation où vous êtes, vous auriez mille comptes à rendre. D’ailleurs, vous n’êtes pas absolument dépourvu des grâces, du Seigneur. Montrez, dans votre humble situation, ce que vous sériez dans une position plus élevée. Si, « quand vous avez un petit dépôt à conserver », est-il dit, « vous ne vous montrez pas fidèle, que sera-ce quand vous serez dépositaire « d’un trésor ? » (Lc. 16,11) Faites comme la veuve. Elle n’avait que deux oboles et elle a donné tout ce qu’elle possédait. Sont-ce les richesses que vous recherchez ? Montrez que de faibles sommes n’excitent pas votre convoitise, pour que je vous en confie de plus grandes. Si vous n’êtes pas au-dessus de quelques deniers, vous serez encore bien plus faible devant une masse d’or. Dans vos discours, montrez que vous savez adresser à propos une exhortation ou un conseil. Manquez-vous d’éloquence ? manquez-vous d’abondance ? vous pouvez faire cependant ce que fait le commun des hommes. Vous avez un enfant, un voisin, un ami, an frère, des proches ; si vous ne pouvez parler en public et développer un sujet devant une grande assemblée, vous avez des auditeurs auxquels vous pouvez donner un bon conseil en z particulier. Il n’y a besoin pour cela ni d’éloquence ni de longs développements. Montrez devant un auditoire restreint que, si vous aviez reçu le don de la parole, vous sauriez le cultiver. Si, quand votre couvre est peu de chose, vous ne déployez aucun zèle, comment vous confierais-je une couvre importante ? Ce que je vous dis là, chacun est en état de le faire. Écoutez plutôt saint Paul s’adressant aux laïques : « Édifiez-vous », dit-il, « les uns les autres, comme vous le faites » ; et ailleurs : « Consolez-vous les uns les autres, dans vos entretiens ». (1Thes. 5,11 et 4, 17) Valez-vous mieux que Moïse ? Écoutez-le et voyez comme il se décourage : « Est-ce que je puis les porter », dit-il, « pour que vous me disiez : Porte-les, comme une nourrice porte son nourrisson ? » (Nb. 11,12) Que fait Dieu alors ? Il lui retire son esprit pour le donner aux autres, montrant par là que lorsqu’il leur servait de soutien, ce n’était point par lui-même, mais parla grâce du Saint-Esprit. Si vous aviez les dons de la grâce, souvent vous vous élèveriez, souvent vous seriez abattu ; vous ne vous connaissez pas vous-même, comme Dieu vous tonnait. Ne disons pas : A quoi bon ceci ? Pourquoi cela ? Quand c’est Dieu qui ordonne toutes choses, n’allons pas lui demander des comptes ; car 'ce serait le comble de l’impiété et de la folie. Nous sommes des esclaves, et il y a entre notre maître et nous, esclaves que nous, sommes, un intervalle immense ; nous ne voyons même pas à nos pieds. N’allons donc pas scruter les desseins de Dieu ; conservons précieusement ses moindres dons, ses dons les plus infirmes et nous serons considérés. Mais que dis-je ? Parmi les dons du Seigneur il n’y en a pas un qui n’ait son prix. Vous vous plaignez de n’avoir pas le don d’enseigner. Dites-moi, je vous prie, lequel préférez-vous du don d’enseignement ou du don de guérison ? Le don de guérison assurément. Et le don de guérir les maladies, n’est-il pas, selon vous, inférieur au pouvoir de rendre la vue aux aveugles, inférieur au don de résurrection ? Et maintenant dites-moi. Ressusciter un mort avec sa parole, n’est-ce pas moins encore que de le ressusciter avec son ombre par le simple contact d’un morceau de linge ? Qu’aimez-vous mieux, dites-moi : ressusciter les morts avec votre ombre, par le « simple contact » d’un morceau de linge, ou avoir le don d’enseigner ? Assurément, répondrez-vous, je préfère avoir le don de ressusciter les morts.
6. Si donc je parviens à vous démontrer que ce dernier don est bien inférieur à l’autre, et qu’en négligeant d’acquérir ce don le plus grand de tous, vous méritez d’être privé de tous les autres, que direz-vous ? Et le don auquel je fais allusion, ce n’est pas à un ou deux hommes, c’est à toit, le monde qu’il est permis de l’acquérir. Vous voilà tous ébahis, je le vois, vous voilà frappés de stupeur ! Quoi ! vous pourriez acquérir un don encore plus grand que le pouvoir de rendre la vie aux morts et la vue aux aveugles ! Vous pourriez faire ce qui s’est fait au temps des apôtres ! Voilà qui vous parait peut-être incroyable ! quel est ce don enfin ? C’est la charité. Mais croyez-moi bien. Car ce n’est pas moi qui parle ; c’est le Christ par la bouche de saint Paul. Que dit-il ? « Entre tous les dons, empressez-vous de choisir les meilleurs, et je vais vous montrer une voie qui est encore au-dessus de tout ». (1Cor. 12,31) Qu’est-ce à dire : « Encore au-dessus de tout ? » Voici le sens de ces paroles. Les Corinthiens, à cette époque, se faisaient gloire de posséder les dons de la grâce, et ceux qui avaient le don des langues qui est le dernier de tous, étaient gonflés d’orgueil, et se mettaient au-dessus de tout le monde. Paul dit donc : Vous voulez absolument posséder, les dons de la grâce. Eh bien ! je vais vous montrer une voie pour y parvenir, et cette voie n’est pas seulement supérieure aux autres ; elle est au-dessus de tout. Puis il ajoute : « Quand je parlerais le langage des anges, si je n’ai point, la charité, je ne suis rien. Et quand j’aurais cette foi vive qui transporte les montagnes, si je n’ai pas la charité, je ne suis rien ». (1Cor. 13,1-2) Voilà ce qui s’appelle un don précieux ! Soyez donc jaloux de l’acquérir. Cela vaut mieux que de ressusciter les morts ! Ce don est de beaucoup au-dessus de tous les dons. Écoutez plutôt ce que dit le Christ à ses disciples, en s’entretenant avec eux : « À quoi tout le monde reconnaîtra-t-il que vous