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et ailleurs : « Soyez miséricordieux comme votre Père qui est dans le ciel ». (Lc. 6,36)
Paul ne suit pas une autre méthode. Pour décider les Philippiens à la pratique de l’humilité, il met en scène Jésus-Christ ; et ce n’est pas seulement pour cette vertu, c’est aussi pour expliquer la charité envers les pauvres, qu’il rappelle ce grand modèle en ces termes « Vous connaissez la grâce de Notre-Seigneur Jésus-Christ, qui pour nous s’est fait pauvre, lorsqu’il était si riche ! » (2Cor. 8,9) Il n’est rien, en effet, qui excite une âme grande et sage à la pratique du bien, comme de lui faire comprendre que ses œuvres la rendront semblable à Dieu. Quel motif vaudra jamais celui-là pour décider une volonté ? Paul le savait, aussi pour amener ses lecteurs à l’humilité, il a commencé par les prier et par les conjurer ; puis il a employé les paroles encourageantes : « Vous persévérez », disait-il, « dans un seul esprit » ; et encore : « Ce qui est une preuve de leur perdition, et de votre salut ». (Phil. 1,27) Mais il arrive enfin à son grand moyen de persuasion : « Soyez dans la même disposition et dans le même sentiment où a été Jésus-Christ, qui étant dans la forme de Dieu, n’a point cru que ce fût pour lui une rapine et une usurpation d’être l’égal de Dieu, mais qui cependant s’est anéanti, prenant la forme de l’esclave (5, 6) ».
Mes frères, appliquez-vous, je vous en prie, élevez vos âmes. Comme un glaive à double tranchant, de quelque côté qu’il frappe, au milieu même d’innombrables bataillons, les rompt facilement et les détruit, parce que, tranchant des deux côtés, il présente d’ailleurs sa pointe à qui rien ne résiste : ainsi en est-il des paroles du Saint-Esprit. Oui, par la force de ces paroles, les sectateurs d’Arius d’Alexandrie, de Paul de Samosate, de Marcel le Galate, de Sabellius l’Africain, de Marcion le Pontique, de Valentin, de Manès, d’Apollinaire le Laodicéen, de Photin, de Sophronius, tous les hérétiques, sans exception, sont tombés sous les coups de Paul.
Invités à ce noble spectacle de leur défaite, conviés à voir toutes leurs phalanges abîmées d’un seul coup, réveillez-vous, pour ne pas perdre un seul trait de ce spectacle divin. Car enfin, si dans les courses des chevaux et des chars, le plus beau coup de théâtre pour vous est de voir un des vaillants écuyers vaincre d’un élan triomphal tous les chars et tous les écuyers ses rivaux, et parmi ces véhicules renversés, et au milieu de ses adversaires encore sur le siège, arriver seul jusqu’à la borne, jusqu’à la barrière du combat, alors que de toutes parts éclatent les applaudissements, et que les clameurs s’élèvent jusqu’aux cieux ; alors que le vainqueur, à qui la joie et les applaudissements semblent donner des ailes, achève avec ses coursiers de parcourir le stade : combien plus n’éprouverez-vous pas de bonheur, après qu’aidés de la grâce de Dieu, nous aurons culbuté les bataillons des hérésies et les machines de guerre du démon avec leurs écuyers eux-mêmes, qui ne seront plus ensemble qu’un monceau de ruines ?
Mais, s’il vous plaît, plaçons en ordre toutes ces hérésies. Quel ordre adopterons-nous, celui de leur impiété, ou celui des temps ? Suivons plutôt celui des temps ; car, au point de vue de l’impiété, il serait difficile de les classer.
Vienne d’abord Sabellius l’Africain. Que dit-il ? « Père, Fils, Esprit-Saint, trois noms et rien de plus, désignant une seule personne ».
Marcion le Pontique nie la bonté de ce Dieu qui a créé toutes choses ; il ne veut pas qu’il soit père du Christ, qui est bon ; il en imagine un autre qui est juste, selon lui ; quant au Fils, il ne s’est pas incarné pour nous.
Marcel, Photin, Sophronius prétendent que le Verbe est une « énergie », et que cette énergie habite dans cet homme qui est né de la race de David, mais que ce n’est pas une substance hypostatique. Arius le reconnaît comme Fils, mais de nom seulement. C’est une créature, dit-il, et bien inférieure au Père. Les autres hérétiques refusent une âme à Jésus-Christ. Voyez-vous tous les chars en ligne ? Considérez aussi leur ruine complète ; voyez bien comment Paul les choque et les renverse, mais tous, vous dis-je, d’un seul coup, d’un seul élan ! Et comment les a-t-il renversés ? « Prenez en vous », dit-il, « les sentiments de Jésus-Christ, qui étant dans la forme de Dieu a cru, sans usurpation aucune, être l’égal de Dieu ». C’est assez pour briser Paul de Samosate, et Marcel ; et Sabellius. Car il le déclare : « Jésus-Christ était dans la forme de Dieu ». S’il était dans cette forme, comment donc, impie, oses-tu dire qu’il a commencé en Marie, et qu’auparavant il n’était pas ? Comment encore ne serait-il qu’une « énergie ? » Car s’il dit :