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ont été amenés par là à croire qu’il y avait probablement un autre Dieu qui leur était inconnu, et, pour être pieux envers lui, ils lui ont élevé un autel avec cette inscription : « Au Dieu inconnu », comme s’ils avaient voulu dire qu’il y avait peut-être un autre Dieu qu’ils ne connaissaient pas. L’apôtre leur dit donc : Le Dieu que vous avez reconnu d’avance, je viens vous l’annoncer. Quant à ces mots : « Car nous sommes aussi sa race », c’est Aratus qui s’était ainsi exprimé, en parlant de Jupiter. Après avoir dit d’abord : La terre est pleine de Jupiter, la mer en est pleine, il ajoute : « Car nous sommes aussi sa race » ; il veut montrer par là, selon moi, que c’est Dieu qui nous a créés. Comment donc saint Paul a-t-il appliqué au Dieu, qui gouverne toutes choses, ce qui avait été dit de Jupiter ? Il n’applique pas à Dieu ce qui a été dit de Jupiter ; mais ce qui appartenait à Dieu, ce qu’on ne pouvait pas attribuer raisonnablement à Jupiter, il l’a rendu à Dieu. Ainsi le nom de Dieu n’appartient qu’à Dieu lui-même, et il est injustement donné aux idoles. Du reste sur qui se serait-il appuyé pour leur parler ? Sur les prophètes ? Mais ils ne l’auraient pas cru. C’est ainsi que même en s’adressant aux juifs, il ne leur dit rien qu’il tire des Évangiles, il emprunte tout aux prophètes : « Je me suis fait juif avec les juifs, avec ceux qui sont sans la loi, comme si j’étais sans la loi ; avec ceux qui vivent sous la loi, comme si j’étais sous la loi ». (1Cor. 9,11)
2. C’est ainsi que Dieu agit lui-même, comme par exemple dans l’histoire des mages. Car ce n’est point par un ange qu’il les guida, ni par un prophète, ni par un apôtre, ni par un évangéliste. Par quoi donc ? Par une étoile. Comme ils étaient versés dans l’astronomie, c’est par cet art qu’il les prend. C’est ce que nous montrent encore les vaches qui traînent l’arche. Si elles suivent ce chemin, disent les devins, l’indignation de Dieu contre nous est véritable. (1Sa. 6,9) Les devins disent-ils donc vrai ? Il s’en faut de beaucoup, mais Dieu les réfute et les confond par leurs propres paroles. Il en est de même pour la pythonisse : car comme Saül avait eu foi en elle, Dieu lui fit annoncer par sa bouche le sort qui l’attendait. (1Sa. 28,8) Pourquoi donc saint Paul impose-t-il silence au démon qui disait : « Ces hommes sont les serviteurs du Dieu souverain et ils vous annoncent la voie du salut ? » Pourquoi Jésus-Christ lui-même empêche-t-il les démons de parler ? (Act. 16,17 ; Mc. 1,25) C’est parce que saint Paul avait déjà fait des miracles qui avaient témoigné pour lui ; quant à Jésus-Christ ce n’était plus une étoile qui l’annonçait, mais lui-même qui se révélait au monde. Or les démons ne l’adoraient pas, et il ne devait pas souffrir qu’une idole parlât de manière à entraver son action. Mais Dieu laissa parler Balaam sans l’en empêcher c’est ainsi que toujours il condescend à nos besoins. Vous en étonnez-vous ? Il a souffert qu’on se fit de lui une idée grossière et indigne, par exemple, qu’il était matériel, qu’il était visible. Mais il combat cette opinion par ces paroles : « Dieu est esprit ». (Jn. 4,24) C’est ainsi encore qu’il se réjouissait des sacrifices, ce qui ne peut convenir à sa nature, et qu’il aurait proféré des paroles qui ne peuvent s’accorder entre elles, et mille autres choses semblables. C’est que ce n’est jamais sa dignité, mais toujours notre utilité qu’il considère. Un père tient-il compte de sa dignité ? il balbutie avec ses petits enfants, il ne désigne pas les mets, les plats, les coupes par leurs noms grecs, il se sert d’un langage enfantin et barbare, c’est ce que Dieu fait d’une manière plus complète encore. Dans les reproches qu’il adresse par la bouche du Prophète, il se sert de mots que nous puissions comprendre : « Si une nation change de dieux », dit-il. (Jérémie, 2,11) Partout dans les Écritures, les choses mêmes aussi bien que les mots sont mis à notre portée.
C’est pourquoi reprends-les vivement, afin « qu’ils soient sains en la foi ». Si l’apôtre parle en ces termes, c’est que dans leurs mœurs ils étaient impudents, fourbes, incorrigibles. Ils étaient rongés de mille vices. Aussi comme ils étaient prompts au mensonge, accoutumés à la fourberie, adonnés à leur ventre, plongés dans la paresse, il était besoin de paroles fortes et frappantes. Un tel caractère en effet ne peut pas être mené par la douceur. « C’est pourquoi reprends-les ». Il ne s’agit pas ici de ceux qui sont étrangers à la foi, mais bien des fidèles. « Vivement », ajoute-t-il, c’est-à-dire frappe-les de coups qui fassent des blessures profondes. Il faut se comporter en effet, non pas de la même façon avec tous, mais de différentes manières,