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fécondera et fera porter des fruits. Ne nous flattons donc pas d’avoir converti personne, quand même quelqu’un se serait converti à notre parole. – « Qui les retient captifs pour en faire ce qui lui plaît ». Ceci ne concerne pas seulement les dogmes, mais aussi la vie et la conduite. Dieu veut que notre vie soit droite. Il y en a de retenus dans les filets du diable à cause de leur vie. Il ne faut pas non plus désespérer d’eux, « dans l’espérance qu’ils reviendront à résipiscence, et qu’ils se dégageront des filets du diable où ils sont maintenant retenus captifs ». – « Dans l’espérance que… » indique assez la longanimité dont il faut user. Le filet du diable c’est de ne pas faire la volonté de Dieu.

3. Qu’un oiseau ne soit point pris par tout le corps dans un filet, mais seulement par un pied, il ne laisse d’être en la puissance de l’oiseleur qui l’a pris ; de même il n’est pas nécessaire pour que le démon nous tienne en son pouvoir que nous lui donnions prise partout à la fois, c’est-à-dire sur notre foi et sur notre vie, il suffit qu’il ait prise sur notre vie. « Celui qui me dira : Seigneur, Seigneur, n’entrera pas pour cela dans le royaume des cieux… Mais je leur dirai, je ne vous connais pas, retirez-vous de moi, vous qui opérez l’iniquité ». (Mat. 7,22) Voyez-vous que la foi ne sert à rien sans les œuvres, puisqu’elle ne fait pas que le Seigneur nous connaisse ? Cette même parole : « Je ne vous connais pas », il y aura même des vierges à qui le Seigneur la dira. (Id. 25,12) Quel profit retireront-elles donc de leur virginité et de leurs travaux, puisque le Seigneur ne les connaîtra même pas ? C’est partout que nous voyons des personnes irrépréhensibles quant à la foi, punies pour leur mauvaise vie seulement. Nous voyons aussi tout le contraire, c’est-à-dire, des personnes qui se perdent par le défaut de foi, quoique d’ailleurs leur vie soit irréprochable. Ce sont là deux choses qui se complètent l’une l’autre. Vous le voyez donc, nous tombons sous le filet du diable pour ne faire pas la volonté de Dieu. Pour nous jeter en enfer, il n’est pas même besoin de toute une vie passée dans le mal, il suffit d’un défaut s’il n’est pas racheté par un grand nombre de bonnes œuvres. On n’accuse point les vierges folles de fornication, d’adultère, d’envie, de jalousie, d’excès de vin, ni d’infidélité, on ne les accuse que d’avoir manqué d’huile, c’est-à-dire de n’avoir pas fait l’aumône, car c’est ce que signifie l’huile. On accuse aussi ceux qui seront condamnés au dernier jour et à qui l’on dira : « Allez, maudits, au feu éternel », de n’avoir pas donné à manger à Jésus-Christ ; on ne leur parle d’aucun autre crime.

Comprenez-vous donc assez, mes frères, que la seule omission de l’aumône vous fera condamner au feu de l’enfer ? En effet, à quoi pourrez-vous être utiles en ne faisant pas l’aumône ? – Vous jeûnez tous les jours ? – Mais de quoi servit aux vierges folles de l’avoir fait ? – Vous faites beaucoup de prières ? – Mais la prière est stérile sans l’aumône. Sans l’aumône tout est inutile, tout est impur, et tout le reste de la vertu est en pure perte. « Celui qui n’aime pas son frère ignore Dieu », dit l’Écriture. (Jn. 3,10) Et comment pourriez-vous dire que vous l’aimez, si vous ne voulez pas partager avec lui ce qu’il y a de plus vil et de plus commun ? Vous direz peut-être que vous vivez chastement. Par quelle raison le faites-vous ? Est-ce par la crainte du supplice, ou par votre heureux tempérament ? Si c’est la crainte du supplice qui vous rend chaste, et qui vous fait résister aux feux de l’intempérance, combien plus devrait-elle vous faire pratiquer l’aumône ! Il y a bien moins de peine à mépriser l’argent qu’à dompter la concupiscence. Celle-ci est innée en nous et profondément enracinée dans notre chair ; il n’en est pas de même de la passion de l’argent. Enfin il n’y a que l’aumône et la miséricorde qui nous rende semblables à Dieu. Si elle nous manque, tout nous manque. Jésus-Christ ne nous dit pas : Si vous jeûnez, si vous gardez la virginité, si vous priez, vous serez semblables à votre Père : car Dieu ne fait rien de semblable, et il ne le peut par sa nature ; mais : « Soyez miséricordieux », dit Jésus-Christ, « comme votre Père céleste est miséricordieux ».(Luc. 6,36) C’est là l’ouvrage de Dieu ; si cela vous manque, que vous reste-t-il ? « Je veux la miséricorde et non le sacrifice », dit encore Dieu. (Ose. 6,6) Dieu a fait le ciel, il a fait la terre et la mer. Cela est grand sans doute et digne de sa sagesse infinie : mais rien de tout cela n’a fait autant d’impression à l’homme que son amour infini et sa tendresse incompréhensible. L’univers est assurément une œuvre de sagesse, de puissance et de