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à démontrer. Car s’il a été prouvé qu’il existe avant tous les anges, il s’ensuit que toutes les œuvres des anges sont ses œuvres, et ont eu lieu par son ordre. Chose étonnante, saint Paul tend à nous montrer le Christ comme le premier partout même dans sa seconde naissance. Ailleurs il nous montre, dans Adam, le premier homme, et il a raison. Mais ici il entend par l’Église toute la réunion des hommes, tout le genre humain ; et le Christ est le chef, le premier de l’Église, et il est le premier de la création, selon la chair. Voilà pourquoi l’apôtre emploie ici le mot de « premier-né ». Que veut dire ici le « premier-né ? » Cela veut dire le « premier créé », ou celui qui est ressuscité le premier de tous, comme ailleurs, qui est avant tous. Ici saint Paul se sert du mot de « prémices », en disant : « Qui est comme les prémices et le premier-né d’entre les morts, afin qu’il soit le premier en tout », montrant par là aussi qu’il s’est fait semblable à nous. Ailleurs il ne s’est pas servi de ces expressions ; il a dit que le Christ est l’image du Dieu invisible, tandis qu’ici c’est « le premier-né d’entre les morts ».
« Parce qu’il a plu au Père que toute plénitude résidât en lui, et de réconcilier toutes choses avec soi par lui ; pacifiant, par le sang qu’il a répandu sur la croix, tant ce qui est sur la terre que ce qui est dans le ciel ». Tout ce qui est au Père est aussi au Fils, et plus même en quelque sorte, puisqu’il est mort pour nous et s’est uni à nous. Il se sert du mot « prémices », comme s’il parlait d’un fruit. Il ne parle pas expressément de la résurrection ; il emploie ici le mot « prémices », pour montrer dans le Christ le pontife qui nous a tous sanctifiés et qui a offert pour nous le sacrifice. Le mot de « plénitude » s’applique à sa divinité. C’est ainsi que saint Jean disait : « Nous avons tous reçu de sa plénitude ». (Jn. 1,16). Fils ou Verbe de Dieu, il est ainsi par essence et non par une opération quelconque. Saint Paul ne peut attribuer cette manière d’être et ces bienfaits qu’à la volonté du Père. Tel a été le bon plaisir du Père ; « il lui a plu aussi de réconcilier toutes choses avec soi par lui ».
Ne pensez pas que le Christ ait joué là le rôle d’un serviteur. « Avec soi », dit-il. Et ailleurs, dans l’épître aux Corinthiens, par exemple, il est dit que le Christ a réconcilié les hommes avec Dieu. Il a raison de dire : « réconciliés par lui ». (2Cor. 15) Cette réconciliation avait déjà commencé ; mais il fallait qu’elle fût parfaite, pour qu’ils ne fussent plus les ennemis de Dieu. Comment s’opère-t-elle ? C’est ce qu’il dit ensuite. Il parle non seulement de la réconciliation, mais du mode de réconciliation. « Pacifiant par le sang répandu sur la croix ». Nous étions des ennemis pour Dieu ; – il nous a réconciliés. Il y avait guerre ; – il a ramené la paix. « Pacifiant », dit-il, « par le sang qu’il a répandu sur la croix, tant ce qui est sur la terre que ce qui est au ciel ». C’est déjà beaucoup que cette réconciliation ; c’est un bienfait plus grand encore quand elle s’opère par l’intermédiaire de Dieu ; c’est plus encore, quand elle est scellée de son sang. Et par son sang versé sur une croix. Il y a donc là cinq choses admirables : une réconciliation, un Dieu qui l’accepte, un Dieu qui se sacrifie, la mort de ce Dieu, la mort sur une croix. Voyez comme il a rassemblé toutes ces merveilles. Pour que l’on n’aille pas confondre, pour que l’attention ne s’arrête point en particulier sur cette croix qui n’a rien de grand par elle-même, il dit : « Son sang qu’il a répandu « lui-même ». Qu’est-ce qui fait ici la grandeur du sacrifice ? C’est que Dieu opère le miracle, non par sa parole, mais en s’offrant lui-même, par sa réconciliation. Mais que veut dire ce mot : « Ce qui est dans le ciel ? » Car, pour ce qui appartient à la terre, cette pacification se conçoit. Elle était inondée de haines et de divisions, et chacun de nous était en guerre avec lui-même et avec une foule d’ennemis. Mais le ciel qu’avait-il besoin d’être pacifié ? Est-ce que là aussi il y avait guerre et combat ? Et cette prière : « Que votre volonté soit faite sur la terre, comme au ciel », que signifie-t-elle donc ? C’est qu’il y avait scission entre la terre et le ciel ; c’est que les anges faisaient la guerre aux hommes, en voyant Dieu abreuvé d’opprobres et d’outrages. Saint Paul dit que la paix est rétablie par le Christ ; dans le ciel et sur la terre. (Eph. 1,19) Et comment ? Voici ce qui se passa dans le ciel. Le Christ y transporta l’homme, il fit monter dans le ciel l’ennemi des anges, celui qu’ils abhorraient. non seulement il rendit la paix à la terre, mais il fit asseoir auprès des anges leur ennemi particulier, leur ennemi déclaré. De là une paix profonde. Les anges reparaissent sur la terre, depuis que l’homme à son tour a fait dans le ciel son apparition. C’est pour cela que Paul a été