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LASCARIS.

écrivains grecs ; mais à peine put-on extorquer de lui la traduction de quelques traités de Polybe sur l’art militaire [1]. Je vois dans le Catalogue d’Oxford son livre de veris Græcarum litterarum formis ac causis apud Antiquos, imprimé à Paris, l’an 1536, in-8°., et ses harangues imprimées à Francfort, l’an 1573. Gesner [2] marque que l’on imprima à Bâle en 1573, ses épigrammes latines et ses épigrammes grecques.

(E) Il entendait bien le latin, et n’avait pas dédaigné d’être correcteur d’imprimerie. ] Le passage d’Érasme que je cite ailleurs [3] témoigne que Jean Lascaris possédait fort bien la langue latine. Paul Jove lui donne la même louange. Valebat latinâ facundiâ, ita ut versus, qui extant, perscriberet [4]. Je pourrais joindre d’autres témoignages à ces deux-là, et à celui de Tusan [5], si cela était nécessaire. Notez que Lascaris ne fut pas content, de l’éloge qui lui fut donné par Érasme dans le dialogue intitulé Ciceronianus. Il se joignit aux mécontens qui firent des vers satiriques à Paris contre l’auteur du dialogue [6]. Il était trop délicat et se fâchait sans raison, car voici les termes d’Érasme : de Jano (Lascare) quoniam adhuc superest, dicendum est parciùs. Morum comitate generis nobilitatem præ se fert, acri judicio vir, multæ in epigrammatibus argutiæ, poterat inter Ciceroniani cognominis candidatos numerari, nî crebræ legationes ac regum negotia revocâssent hominem à musis [7].

Quant à la fonction de correcteur d’imprimerie, lisez ces paroles de Henri Étienne [8] : Quid verò dicturos M. illum Musurum et Janum Lascarin putamus, in quibus primis Græcia reviviscere cœpit, et qui principes in pandendo nobis ad linguæ græcæ adyta itinere fuerunt ? quid, inquam, dicturos remur, si, quùm ipsi tantùm honoris arti typographicæ detulerint, ut non indignam existimarint cui suam operam navarent, fungentes munere correctorum (liceat enim de rebus typographicis typographicè loqui) eò rem devenisse videant, ut si quis, etc. Ajoutez à cela ces paroles de M. Chevillier [9] : « Je crois que ce fut Lascaris qui servit de correcteur à l’Avicenne imprimé à Lyon en trois volumes in-fol., avec les Commentaires de Jacques de Partibus par Jean Trechsel et Jean Cleym, l’année 1498, comme je conjecture de l’épître dédicatoire adressée au médecin du roi, Jean Ponceau, qu’il mit à la tête de ce livre. »

(F) Il faudra examiner la narration du Giraldi. ] Elle porte que les Médicis ayant été chassés de Florence, Janus Lascaris erra quelque temps jusques à ce que Léon X l’attira à Rome ; qu’après la mort de ce pape, il fut attiré en France par François Ier., qui s’étant servi de lui pour la fondation d’un collége et d’une bibliothéque, le députa à Venise ; qu’il y demeura long-temps ; et qu’enfin, après la mort de Clément VII, il fut attiré à Rome par plusieurs promesses de Paul III, et qu’au bout d’un peu de temps il y mourut [* 1] laissant un fils qui se nommait Ange [10]. Remarquez d’abord un grand péché d’omission : le Giraldi ne dit rien de l’ambassade de Venise sous Louis XII. Remarquez après cela qu’il suppose que François Ier. envoya Lascaris à Venise, en qualité de legatus. Je crois qu’il se trompe. Notez enfin qu’il ignore que ce docte Grec était à Rome l’an 1532, sous le pontificat de Clément VII. Voyez la XXVIIIe. lettre de Bunel, où il raconte qu’il vit à Rome Jean Lascaris cette année-là [11].

  1. * Leclerc et Joly adoptent le récit de Giraldi quant à la date de la mort de Lascaris, en ajoutant que la Monnoie la place en 1535.
  1. Paulus Jovius, in Elog., cap. XXXI, pag. 74.
  2. Gesn., Bibl., folio 39 verso.
  3. Dans la remarque (A) de l’article Musurus, tom. X.
  4. Jovius, in Elog., cap. XXXI, pag. 74.
  5. Ci-dessus, dans la remarque (C), citation (15).
  6. Voyez les Lettres d’Érasme, pag. 1030, 1039, 1044 et alibi, edit. Londin.
  7. Erasm., in Ciceroniano, pag. m. 70.
  8. Henr. Stephan., in Artis typogr. Querimoniâ, apud Almelovenium, de Vitis Stephan., pag. 140.
  9. Chevillier, Origine de l’imprimerie, pag. 194.
  10. Tiré de Lilius Gregorius Gyraldus, de Poët. suor. temp., dial. I, pag. m. 552.
  11. Bunell., epist XXVIII, pag. 108, edit. Tolos., 1687.