Dictionnaire historique et critique/11e éd., 1820/Lascaris 2


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LASCARIS (Jean) [* 1] se surnommait Rhyndacénus [a], et était de la maison de Lascaris, qui a donné des empereurs de Constantinople. Il se réfugia en Italie après la destruction de l’empire d’orient au XVe. siècle, et fut reçu par Laurent de Médicis avec beaucoup de bonté. Ce grand fauteur des savans le jugea propre à rassembler les meilleurs livres qui fussent en Grèce, et pour cet effet il le députa au sultan (A). Cette députation fut suivie d’un heureux succès ; car le grand-seigneur permit à Lascaris de fouiller dans toutes les bibliothéques, et par ce moyen une infinité de rares trésors de littérature furent transportés en Italie. Après cela Lascaris passa en France [* 2], et s’y fit estimer de Louis XII, qui l’envoya à Venise, en qualité d’ambassadeur (B). Il s’en alla à Rome sous le pontificat de Léon X, et fit encore un voyage en Grèce, d’où il amena quelques jeunes gentilshommes pour être élevés dans le collége que l’on fonda au mont Quirinal, afin de conserver la bonne prononciation de la langue grecque [b]. Il retourna en France sous le règne de François Ier. (C), et après s’y être arrêté quelque temps, il repassa en Italie, et mourut à Rome, perdu de goutte, à l’âge d’environ quatre-vingt-dix ans. Il fut enterré dans l’église de Sainte-Agathe. Quoiqu’il n’eût pas un revenu fixe, il eut toujours de quoi fournir à ses dépenses, et cependant il n’était point attentif à ses affaires domestiques, et il se plaisait à vivre somptueusement. Sa paresse ne lui permit pas de composer beaucoup de livres [c] (D). Il entendait bien le latin, et n’avait pas dédaigné d’être correcteur d’imprimerie (E). Il faudra examiner la relation du Giraldi (F).

J’ai oublié, je ne sais comment, une chose qui méritait d’être rapportée, c’est qu’il « a le premier trouvé, ou au moins rétabli et remis en usage, les grandes lettres, ou pour mieux dire majuscules et capitales de l’alphabet grec, esquelles il fit imprimer, l’an 1494, des sentences morales, et autres vers qu’il dédia à Pierre de Médicis, avec une fort longue épître liminaire, où il l’informe de son dessein, et de la peine qu’il avait eue à rechercher la vraie figure de ces grandes lettres parmi les plus vieilles médailles et monumens de l’antiquité [d].

  1. * Leclerc observe qu’il s’appelait André-Jean, quoiqu’il ne prît communément que le nom de Janus.
  2. * Leclerc observe que Lascaris était en France plusieurs années avant la mort de Charles VIII, et que ce fut vers l’an 1495, qu’il donna des leçons de grec à Budé.
  1. Peut-être à cause d’une ville nommée Rhyndacus, entre l’Hellespont et la Phrygie. [La Monnoie confirme la conjecture de Bayle.]
  2. Tiré de Paul Jove, in Elog. cap. XXXI.
  3. Ex eodem, ibid.
  4. Naudé, Addit. à l’Hist. de Louis XI, pag. 303, 304.

(A) Laurent de Médicis... le députa au sultan. ] Deux fois, si nous en croyons Paul Jove, qui ajoute que ce sultan aimait la philosophie, et avait une estime particulière pour Laurent de Médicis. Il est nécessaire de rapporter les paroles de cet historien ; car il faut que je les compare avec celles de M. Varillas. C’est une matière de critique. Is ( Laurentius Medices) tum absolvendæ bibliothecæ studio tenebatur. Ob id Lascarem, ad conquirenda volumina Byzantium cum legatione ad Baiazetem bis misit : nec defuit honesta petenti, nusquam barbarus imperator, quippe qui erat totius philosophiæ studiosus, Averroisque sectator eximius, et de Laurentio privatim tanquam de illustri cultore virtutis, optimè sentiret, quùm paulò antè Bandinum percussorem fratris, fugâ in Asiam elapsum in catenis ad supplicium tradidisset [1] ; singulari quidem religionis, atque justitiæ exemplo ; quod ille immane scelus in templo ausus, meritâ pœnâ plectendus censeretur. Itaque Lascares, tuto abdita Græciæ perscrutatus, quùm patriæ opes victoribus cessissent, nobiliora divitis antiquæ dignitatis volumina collegit, ut in Italiâ servarentur [2]. M. Varillas a trouvé trop sèche cette narration de Paul Jove ; c’est pourquoi il l’a embellie de quantité de circonstances, comme si au lieu de traduire fidèlement le travail d’autrui, on l’eût chargé de le travestir en roman. Voici son narré [3] : Laurent de Médicis reçut Lascaris à bras ouverts, et lui commit le soin de sa bibliothéque. Un jour qu’ils discouraient des moyens de l’embellir, il vint en pensée à Lascaris, que Bajazet, deuxième empereur des Turcs avait de l’inclination pour la philosophie, et que s’étant fait expliquer les commentaires d’Averroës sur Aristote, il ne serait pas fâché que l’on sauvât les péripatéticiens du naufrage des belles-lettres. Laurent de Médicis promit de lui fournir les choses nécessaires pour un voyage de Constantinople, s’il y voulait aller à ce dessein. Lascaris le prit au mot, et s’embarqua sans autre lettre de créance que celle que Laurent de Médicis lui donna pour ses facteurs. Il ne laissa pas néanmoins de trouver accès à la porte du grand-seigneur, ni de se faire présenter à sa hautesse, qui le reçut encore mieux qu’il ne s’était imaginé. Ils eurent une assez longue conversation, et Bajazet lui témoigna toute l’estime dont un infidèle était capable pour la vertu de Laurent de Médicis, et lui permit (à sa considération) d’acheter tous les manuscrits qui se trouveraient à vendre dans son empire. Sa hautesse lui donna des gens pour le conduire, et l’escorter aux lieux où il savait qu’il y avait eu des bibliothéques, et pour empêcher que ceux qui les avaient pillées, ne vendissent les livres plus qu’ils ne valaient. Ainsi Lascaris eut la commodité d’aller par toute la Grèce, et d’assembler ces rares volumes qui subsistent encore dans la bibliothèque du roi. Il n’en apporta toutefois que la moitié dans le premier voyage qu’il fit, parce que la joie de faire voir à son patron les auteurs qu’il avait recouvrés quoiqu’on les tînt pour perdus, le fit retourner à Florence au bout de deux ans qu’il en était parti. Mais Laurent de Médicis le renvoya trois mois après, et le pria de continuer sa recherche partout où il y avait eu des savans. Lascaris revit Bajazet, et en reçut de nouvelles civilités. Il parcourut tout le Péloponèse, et revint comme en triomphe dans un vaisseau chargé du reste des dépouilles de la langue grecque. Mais il n’avait pas encore rangé ses manuscrits dans le superbe lieu qui leur était destiné, lorsque Laurent de Médicis mourut, et laissa l’Italie dans un calme qui ne dura guère. L’armée française entra dans Florence, et dissipa les livres aussi-bien que les autres meubles de la maison de Médicis. Non-seulement il y a là plusieurs circonstances que M. Varillas a forgées pour embellir son récit, et pour le rendre plus plein, mais aussi quelques falsifications des faits ; car il suppose, 1°. que Lascaris n’avait point de lettre de créance pour le grand-seigneur. Que veulent donc dire ces paroles de Paul Jove, Byzantium cum legatione ad Bajazetem misit ? 2°. que les rares volumes que Lascaris rassembla sont dans la bibliothéque du roi de France, l’armée française ayant pillé les livres et les autres meubles de la maison de Médicis au temps de Charles VIII. Pour réfuter là-dessus cet historien, il ne faut que le faire souvenir qu’il a dit lui-même dans un autre ouvrage [4], que la maison de Médicis fut pillée par les Florentins avant que les troupes de Charles VIII fissent leur entrée à Florence. Il dit positivement que les Florentins dissipèrent le prodigieux amas de statues, de tableaux, de livres, et de médailles, que les étrangers allaient voir avec admiration au palais de Médicis. Notez que les livres de cette bibliothéque, qui peuvent avoir été transportés dans celle du roi de France, y sont passés par un tout autre canal que celui de l’expédition de Charles VIII. Ce transport est plus moderne ; voyez le père Jacob dans son traité des bibliothéques : il vous apprendra que Catherine de Médicis apporta entre autres choses à Henri II son époux, les manuscrits de la célèbre bibliothéque des Médicis, qui furent mis dans la bibliothéque royale, où ils sont jusqu’à présent conservés [5].

Quand on m’aura prouvé que Varillas ne se fonda point uniquement sur les éloges de Paul Jove, en parlant de Lascaris dans ses Anecdotes de Florence, je verrai si j’ai eu tort de l’accuser d’être l’inventeur de la plupart des circonstances qu’il a débitées. S’il avait su ce que Paul Jove remarque dans un autre livre, il nous aurait donné une narration beaucoup plus paraphrasée ; ç’aurait été une scène toute remplie de décorations. Paul Jove raconte que le Bassa Cherséoglis fit obtenir à Jean Lascaris la permission de visiter toutes les bibliothéques de la Grèce, lorsque par ordre de Léon X il cherchait les vieux manuscrits. Nec illud quidem erga litterarum studia eximiæ benignitatis officium prætermittendum videtur, quòd Lascari, quem suprà memoravimus, Græcorum nobilissimo, pariter atque doctissimo antiquos codices jussu Leonis decimi conquirenti, cunctas Græciæ bibliothecas, impetrato ad id regio diplomate, liberè excutiendas aperuit [6]. Cet historien venait de dire que ce Bassa, s’étant fait mahométan par dépit, conservait au fond de l’âme la foi chrétienne, et avait un crucifix caché dans un cabinet, et l’adorait pendant la nuit lorsque personne n’en pouvait être témoin. Il montra ce crucifix à Jean Lascaris, qui raconta ensuite toutes ces particularités à Paul Jove. Disons quel fut le dépit qui le porta à l’abjuration extérieure du christianisme. Îl était prêt à épouser une belle fille, lorsque son père la trouvant fort à son goût s’en empara, et voulut être son mari. Cette injure outra tellement le fils, qu’il se retira aux prochaines garnisons des Turcs, et puis à Constantinople où Bajazet lui fit un très-bon accueil, et lui promit en mariage l’une de ses filles. Le jeune homme se fit mahométan, quitta son nom d’Étienne, et prit celui d’Achomat et de Cherséoglis, et devint gendre de Bajazet [7]. Quelles paraphrases, et quelles brodures ne verrait-on pas dans les Anecdotes de Florence, si M. Varillas eût eu connaissance de ce passage latin ? Non, ut cæteri ferè omnes à primâ pueritiâ per delectus Christianis parentibus erepti, sed jam planè vir (Cherseoglis) ita à majorum religione discessit, ut nunquàm ex arcano veræ pictatis oblivisceretur. Is Chersechii reguli in Illyrico, ad montem Nigrum filius, quùm adamata ei sponsa quæ erat è stirpe Serviæ despoti, ad paratas nuptias duceretur, concupivit eam illicò, quòd esset egregiæ venustatis, procaci oculo improbus pater, omnemque pudorem superante libidine, sibi statim impotenter excluso filio nuptias celebravit, frustra reclamantibus propinquis : qui id facinus filio contumeliosum patrique et domui infame detestabantur. Itaque juvenis tantæ injuriæ indignitate commotus, præcipitique actus desperatione, etc. [8]. Je donne à examiner à d’autres si Paul Jove n’a point confondu, avec le voyage qu’il suppose que fit Jean Lascaris en Grèce, sous le pape Léon X, les voyages que Laurent de Médicis lui avait fait faire. Bajazet mourut avant le pontificat de Léon X, et je doute fort que Cherséoglis ait eu beaucoup de crédit sous le successeur de ce sultan, et il est indubitable qu’il ne fut jamais aussi en état de rendre service à Jean Lascaris que sous l’empire de Bajazet.

(B) Louis XII... l’envoya à Venise en qualité d’ambassadeur. ] Je trouve qu’il l’y envoya l’an 1503, et l’an 1505. Voyez Pierre Bembus dans l’Histoire de Venise [9], où il rapporte les sujets de ces ambassades, et le sommaire de la harangue de l’ambassadeur. Le Vianoli [10] assure qu’en 1507 la république ayant su la ligue de Cambrai, congédia Lascaris, ambassadeur de Louis XII. Mais comment eût-elle pu savoir alors une ligue qui ne fut conclue qu’au mois de décembre 1508 ? Voyez la note [11].

Ce que M. de Wicquefort raconte de cette ambassade n’est guère obligeant. « Le pape, dit-il [12], reconnut trop tard la faute qu’il avait faite, en faisant choix d’un ministre impertinent et ridicule. Jean Lascaris, que Louis XII envoya en ambassade à Venise en l’an 1503, ne l’était guère moins. Il était sorti d’une maison qui avait autrefois donné de grands princes à l’empire de Constantinople, et il était fort savant ; il n’avait point de connaissance du tout des affaires du monde. Il avait avec cela une très-petite mine, accompagnée d’une manière de vivre si basse et si sordide, qu’il semblait qu’au lieu de paraître en ambassadeur, et de faire honneur au roi son maître, il affectât d’imiter la fausse modestie de ceux qui, se donnant entièrement à la philosophie contemplative, font profession d’une pauvreté étudiée, et tiennent un peu du cynique. Sa commission était d’autant plus difficile, qu’il avait ordre d’emprunter de l’argent, et de faire une alliance, dans un temps où les inclinations du sénat n’étaient point du tout françaises, parce que les affaires du roi n’étaient pas dans un fort bon état en Italie. Laurens Suarez de Figueroa, ambassadeur de Ferdinand-le-Catholique, qui ne manquait point de profiter du mécontentement de la république, laquelle ne pouvait souffrir que le roi lui envoyât un pédant au lieu d’un ambassadeur, dit en plein sénat : qu’on devait juger de quelle manière le roi de France la traiterait, si après la conquête qu’il prétendait faire du royaume de Naples, il se voyait au-dessus de ses affaires, et qu’il pût tyranniser l’Italie à son aise ; puisque dans ses incommodités et nécessités il méprisait le sénat à un point, que de lui envoyer un philosophe grec, fraîchement sorti du collége » [* 1].

(C) Il retourna en France sous le règne de François Ier. ] Paul Jove, n’en ayant rien dit, a été cause que M. Varillas n’en a point parlé non plus. Sa paraphrase de l’Historien italien porte que Lascaris ne sachant que devenir prit parti avec Charles VIII, et que, comme il était homme de cabinet, on lui donna l’ambassade de Venise, dont il s’acquitta dignement sous le règne de ce monarque, et de Louis XII qui lui succéda. Enfin Léon X, étant devenu pape, appela Lascaris à Rome pour être de son conseil [13]. Ce fut, selon M. Varillas, le dernier emploi de Jean Lascaris ; et c’est se tromper en plusieurs manières, car le pape ne le fit point son conseiller, mais directeur d’un collége grec [14], et depuis ce temps-là ce savant homme eut quelque charge à Paris. Je crois que ce fut celle de bibliothécaire du roi, et je me fonde sur une lettre que Jacques Tusan écrivit à Ange Lascaris, fils de Jean, dans laquelle on voit ces paroles [15] : Jam patris tui excellentem in romanâ linguâ, nedum vestrâ, peritiam pluribus hic verbis ne fusiùs persequar, illud certè dicam : Græcæ litteraturæ quantùm usu, quantùm scientiâ præcellat, ex hoc intelligi vel maximè posse, quòd eum ex cunctis vestri generis hominibus de sententiâ doctissimorum delectum princeps noster Franciscus accersendum esse censuerit, ut museo, quod in hâc urbe longè omnium principe multo celeberrimum speramus excitatum iri, propediem, velut alter Apollo præsideat. Voici un passage qui n’est pas exempt de fautes, mais qui ne laissera pas de servir de preuve. Je le tire du Théatre des Antiquités de Paris, composé par Jacques du Breul [16]. Emanuel Chrysoloras eut pour disciple Ange Tifernas, qui l’an 1523 estant à Paris enseigna les lettres grecques à Jean Lascares, et Guillaume Budé doctes personnages, et qui ont mis plusieurs belles œuvres en lumière, comme tesmoigne M. Genebrard en sa Chronologie en ces termes : anno 1523 Chrysoloræ, qui primus litteras græcas Florentiam Cosmo Medicco Florentino duce attulit, discipulus Tifernas in Franciam venit, Budæumque litteras græcas docuit ; déindè Janus Lascaris mortuo Laurentio Mediceo Mœcenate suo. Atque indè litteratura græca, desertâ Italiâ, ad nos migravit. Or ce Lascares et Budee, comme tesmoisne le mesme autheur, ont este les premiers, à la suscitation desquels le roy François Ier. dressa la bibliothéque de Fontainebleau, et depuis institua les professeurs royaux, comme dit le mesme autheur. Lascari et Budæo authoribus, Franc. I bibliothecam Fontenablæam instruxi, indèque anno 1530 linguarum et mathematum professores. Nam cæteri sunt adscriptitii. Il y a bien des choses à critiquer dans ce passage. En 1er. lieu Tifernas s’appelait Grégoire et non pas Ange ; 2°. il mourut au XVe. siècle ; comment donc eût-il pu venir à Paris, l’an 1523 ? Le père du Breul venait de dire que Chrysoloras, qui était mort à Constance, le 15 d’avril 1415, lui avait appris le grec. Cela ne devait-il point faire connaître qu’il n’a point vécu jusques au règne de François Ier. ? En 3e. lieu, il est absurde de prétendre que Jean Lascaris, Grec de nation, ait appris d’un Italien [17] les lettres grecques. 4°. C’est une ignorance crasse que de dire qu’en 1523 lui et Guillaume Budé étaient de jeunes écoliers. Budé avait alors cinquante-six ans, et passait pour le plus docte personnage, et pour le plus grand grec de France. 5°. Le passage de Génebrard, cité par du Breul, signifie que Jean Lascaris vint en France après Tifernas, et après la mort de Laurent de Médicis. Celui qui le cite n’y comprenait rien. Notez que Lascaris retourna en France l’an 1518 [18], et qu’il y était encore l’an 1528 [19]. On convainc par-là d’une grosse faute M. Moréri, qui a dit qu’il mourut peu après que Léon X eut été fait pape.

(D) Sa paresse ne lui permit pas de composer beaucoup de livres. ] On aurait voulu qu’il fit des versions des écrivains grecs ; mais à peine put-on extorquer de lui la traduction de quelques traités de Polybe sur l’art militaire [20]. Je vois dans le Catalogue d’Oxford son livre de veris Græcarum litterarum formis ac causis apud Antiquos, imprimé à Paris, l’an 1536, in-8°., et ses harangues imprimées à Francfort, l’an 1573. Gesner [21] marque que l’on imprima à Bâle en 1573, ses épigrammes latines et ses épigrammes grecques.

(E) Il entendait bien le latin, et n’avait pas dédaigné d’être correcteur d’imprimerie. ] Le passage d’Érasme que je cite ailleurs [22] témoigne que Jean Lascaris possédait fort bien la langue latine. Paul Jove lui donne la même louange. Valebat latinâ facundiâ, ita ut versus, qui extant, perscriberet [23]. Je pourrais joindre d’autres témoignages à ces deux-là, et à celui de Tusan [24], si cela était nécessaire. Notez que Lascaris ne fut pas content, de l’éloge qui lui fut donné par Érasme dans le dialogue intitulé Ciceronianus. Il se joignit aux mécontens qui firent des vers satiriques à Paris contre l’auteur du dialogue [25]. Il était trop délicat et se fâchait sans raison, car voici les termes d’Érasme : de Jano (Lascare) quoniam adhuc superest, dicendum est parciùs. Morum comitate generis nobilitatem præ se fert, acri judicio vir, multæ in epigrammatibus argutiæ, poterat inter Ciceroniani cognominis candidatos numerari, nî crebræ legationes ac regum negotia revocâssent hominem à musis [26].

Quant à la fonction de correcteur d’imprimerie, lisez ces paroles de Henri Étienne [27] : Quid verò dicturos M. illum Musurum et Janum Lascarin putamus, in quibus primis Græcia reviviscere cœpit, et qui principes in pandendo nobis ad linguæ græcæ adyta itinere fuerunt ? quid, inquam, dicturos remur, si, quùm ipsi tantùm honoris arti typographicæ detulerint, ut non indignam existimarint cui suam operam navarent, fungentes munere correctorum (liceat enim de rebus typographicis typographicè loqui) eò rem devenisse videant, ut si quis, etc. Ajoutez à cela ces paroles de M. Chevillier [28] : « Je crois que ce fut Lascaris qui servit de correcteur à l’Avicenne imprimé à Lyon en trois volumes in-fol., avec les Commentaires de Jacques de Partibus par Jean Trechsel et Jean Cleym, l’année 1498, comme je conjecture de l’épître dédicatoire adressée au médecin du roi, Jean Ponceau, qu’il mit à la tête de ce livre. »

(F) Il faudra examiner la narration du Giraldi. ] Elle porte que les Médicis ayant été chassés de Florence, Janus Lascaris erra quelque temps jusques à ce que Léon X l’attira à Rome ; qu’après la mort de ce pape, il fut attiré en France par François Ier., qui s’étant servi de lui pour la fondation d’un collége et d’une bibliothéque, le députa à Venise ; qu’il y demeura long-temps ; et qu’enfin, après la mort de Clément VII, il fut attiré à Rome par plusieurs promesses de Paul III, et qu’au bout d’un peu de temps il y mourut [* 2] laissant un fils qui se nommait Ange [29]. Remarquez d’abord un grand péché d’omission : le Giraldi ne dit rien de l’ambassade de Venise sous Louis XII. Remarquez après cela qu’il suppose que François Ier. envoya Lascaris à Venise, en qualité de legatus. Je crois qu’il se trompe. Notez enfin qu’il ignore que ce docte Grec était à Rome l’an 1532, sous le pontificat de Clément VII. Voyez la XXVIIIe. lettre de Bunel, où il raconte qu’il vit à Rome Jean Lascaris cette année-là [30].

  1. * * Leclerc regarde comme suspect ce récit de Wicquefort qui traite, en 1503, de fraîchement sorti du collége un homme qui avait alors près de soixante ans.
  2. * Leclerc et Joly adoptent le récit de Giraldi quant à la date de la mort de Lascaris, en ajoutant que la Monnoie la place en 1535.
  1. Paul Jove se trompe ici ; car ce ne fut pas Bajazet II, mais son père Mahomet II, qui fit arrêter Bandini, et qui l’envoya à Laurent de Médicis, l’an 1478. Voyez M. Guillet, Histoire de Mahomet II, tom. II, pag. 320 et suiv., et pag. 439. Notez que M. de Wicquefort a bien erré là-dessus ; voyez son Traité de l’Ambassadeur, tom. I, pag. m. 269.
  2. Jovius, Elog., cap. XXXI, pag. m. 74.
  3. Varillas, Anecdotes de Florence, p. 183.
  4. Varillas, Histoire de Charles VIII, liv. III, pag. 262, à l’ann. 1494, édition de Hollande.
  5. Jacob, Traité des Bibliothéques, p. 458.
  6. Jovius, Histor., lib. XIII, fol. m. 256.
  7. Jovius, ibidem, folio 253 verso.
  8. Jovius, Historiar. lib. XIII, folio 255. Voyez aussi Mélanchthon, au livre V de la Chronique de Carion, pag. m. 874.
  9. Lib. VI, folio m. 144, verso, et lib. VII, folio 152.
  10. Historia Veneta, parte secondâ, p. 76.
  11. Je crois que par anticipation on appelle ligue de Cambrai les engagemens qui se nouaient avant la conclusion du traité de Cambrai.
  12. Wicquefort, de l’Ambassadeur, liv. I, pag. m. 166.
  13. Varillas, Anecdotes de Florence, p. 184.
  14. Voyez une lettre de Budé parmi celles d’Érasme. C’est la XXXe. du IIe. livre, pag. 156.
  15. Gesner., in Biblioth., folio 29 verso.
  16. Du Breul, Antiquités de Paris, liv. II, pag. 563, édit. de Paris, 1639, in-4°.
  17. Tifernas était Italien.
  18. Voyez les Lettres d’Érasme, lib. XI, num. 4, pag. 548 ; et num. 5, pag. 549.
  19. Voyez les mêmes Lettres, lib. XX, num. 72, pag.1030.
  20. Paulus Jovius, in Elog., cap. XXXI, pag. 74.
  21. Gesn., Bibl., folio 39 verso.
  22. Dans la remarque (A) de l’article Musurus, tom. X.
  23. Jovius, in Elog., cap. XXXI, pag. 74.
  24. Ci-dessus, dans la remarque (C), citation (15).
  25. Voyez les Lettres d’Érasme, pag. 1030, 1039, 1044 et alibi, edit. Londin.
  26. Erasm., in Ciceroniano, pag. m. 70.
  27. Henr. Stephan., in Artis typogr. Querimoniâ, apud Almelovenium, de Vitis Stephan., pag. 140.
  28. Chevillier, Origine de l’imprimerie, pag. 194.
  29. Tiré de Lilius Gregorius Gyraldus, de Poët. suor. temp., dial. I, pag. m. 552.
  30. Bunell., epist XXVIII, pag. 108, edit. Tolos., 1687.
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