Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome XIII.djvu/381

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
371
LIVRE XVII. — DE DAVID À JÉSUS-CHRIST.


de celle d’Aaron, qui a duré jusqu’à l’avènement de Jésus-Christ et dont il on reste encore aujourd’hui quelques débris. À l’égard de la maison d’Héli, Dieu avait déjà dit que tous ceux qui resteraient de cette maison périraient par l’épée. Comment donc ce qu’il dit ici peut-il être vrai : « Quiconque restera de votre maison viendra l’adorer», à moins qu’on ne l’entende de toute la famille sacerdotale d’Aaron ? Si donc il existe de ces restes prédestinés dont un autre prophète dit : « Les restes seront sauvés[1]» ; et l’Apôtre : « Ainsi, en ce temps même, les restes ont été sauvés selon l’élection de la grâce[2]» ; si, dis-je, il est quelqu’un qui reste de la maison d’Aaron, indubitablement il croira en Jésus-Christ, comme du temps des Apôtres plusieurs de cette nation crurent en lui ; et encore aujourd’hui, l’on en voit quelques-uns, quoique en petit nombre, qui embrassent la foi et en qui s’accomplit ce que cet homme de Dieu ajoute : « Il viendra l’adorer avec une petite pièce d’argent ». Qui viendra-t-il adorer, sinon ce souverain prêtre qui est Dieu aussi ? Car dans le sacerdoce établi selon l’ordre d’Aaron, on ne venait pas au temple ni à l’autel pour adorer le grand prêtre. Que veut dire cette petite pièce d’argent, si ce n’est cette parole abrégée de la foi dont l’Apôtre fait mention après le Prophète, quand il dit : « Le Seigneur fera une parole courte et abrégée sur la terre[3]? » Or, que l’argent se prenne pour la parole de Dieu, le Psalmiste en témoigne, lorsqu’il dit : « Les paroles du Seigneur sont pures, c’est de l’argent qui a passé par le feu[4]».

Que dit donc celui qui vient adorer le prêtre de Dieu et le prêtre-Dieu ? « Donnez-moi, je vous prie, quelque part en votre sacerdoce, afin que je mange du pain ». Ce qui signifie : Je ne prétends rien à la dignité de mes pères, puisqu’elle est abolie ; faites-moi seulement part de votre sacerdoce. « Car j’aime mieux être méprisable dans la maison du Seigneur[5]» ; entendez : pourvu que je devienne un membre de votre sacerdoce, quel qu’il soit. Il appelle ici sacerdoce le peuple même dont est souverain prêtre le médiateur entre Dieu et les hommes, Jésus-Christ homme. C’est à ce peuple que l’apôtre saint Pierre dit : « Vous êtes le peuple saint et le sacerdoce royal[6]». Il est vrai que quelques-uns, au lieu de votre sacerdoce, traduisent votre sacrifice, mais cela signifie toujours le même peuple chrétien. De là vient cette parole de l’Apôtre : « Nous ne sommes tous ensemble qu’un seul pain et qu’un seul corps en Jésus-Christ[7]» ; et celle-ci encore : « Offrez vos corps à Dieu comme une hostie vivante[8]». Ainsi, quand cet homme de Dieu ajoute : « Pour manger du pain », il exprime heureusement le genre même du sacrifice dont le jirêtre lui-même dit : « Le pain que je donnerai pour la vie du monde, c’est ma chair[9]». C’est là le sacrifice qui n’est pas selon l’ordre d’Aaron, mais selon l’ordre de Melchisédech. Que celui qui lit ceci l’entende. Cette confession est en même temps courte, humble et salutaire : « Donnez-moi quelque part en votre sacerdoce, afin que je mange du pain ». C’est là cette petite pièce d’argent, parce que la parole du Seigneur, qui habite dans le cœur de celui qui croit, est courte et abrégée. Comme il avait dit auparavant qu’il avait donné pour nourriture à la maison d’Aaron les victimes de l’Ancien Testament, il parle ici de manger du pain, parce que c’est le sacrifice des chrétiens dans le Nouveau.


CHAPITRE VI.

de l’éternité promise au sacerdoce et au royaume des juifs, afin que, les voyant détruits, on reconnut que cette promesse concernait un autre royaume et un autre sacerdoce dont ceux- étaient la figure.

Bien que ces choses paraissent maintenant aussi claires qu’elles étaient obscures lorsqu’elles furent prédites, toutefois il semble qu’on pourrait faire cette objection avec quelque sorte de vraisemblance : Quelle certitude avons-nous que toutes les prédictions des Prophètes s’accomplissent, puisque cet oracle du ciel : « Votre maison et la maison de votre « père passeront éternellement en ma présence », n’a pu s’accomplir ? Car nous voyons bien que ce sacerdoce a été changé, sans que cette maison puisse jamais espérer d’y rentrer, attendu qu’il a été aboli, et que cette promesse est plutôt pour l’autre sacerdoce qui a succédé à celui-là. — Quiconque parle de la sorte ne comprend pas encore ou ne se souvient pas que le sacerdoce, même

  1. Isa. x, 22.
  2. Rom. xi, 5.
  3. Rom. ix, 28; Isa. x, 23.
  4. Ps. xi, 7.
  5. Ps. lxxxiii, 11.
  6. I Pierre, ii, 9.
  7. 1 Cor. x, 17.
  8. Rom. xii, 1.
  9. Jean, vi, 52.