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convaincu touchant la justice ? Il le sera touchant la justice de ceux qui croient ; il est convaincu touchant le péché, parce qu’il ne croit pas en Jésus-Christ ; et il est convaincu touchant la justice de ceux qui croient. Car, pour être condamnés, il suffira aux infidèles d’être comparés aux fidèles. C’est ce qui ressort de l’explication donnée à ce sujet par Notre-Seigneur. En effet, pour donner plus de clarté à ce qu’il vient de dire, il ajoute : « Touchant la justice, parce que je vais au Père et que bientôt vous ne me verrez plus ». Il ne dit pas : Et ils ne me verront plus, car, en parlant d’eux, il venait de dire : « Parce qu’ils n’ont pas cru en moi ». Lorsqu’il explique ce qu’il appelle péché, c’est d’eux qu’il parle en ce passage : « Parce qu’ils n’ont pas cru en « moi ». Mais quand il définit la justice touchant laquelle le monde doit être convaincu, il se tourne vers ceux à qui il parlait et leur dit : « Parce que je vais au Père et que bientôt vous ne me verrez plus ». Ainsi, le monde est convaincu touchant son propre péché, et touchant la justice d’autrui de la même manière que les ténèbres sont convaincues touchant la lumière. « Car », dit l’Apôtre, « tout ce qui est répréhensible est manifesté par la lumière [1] ». Combien grand est le péché de ceux qui ne croient pas, c’est ce qui peut se voir non seulement par le péché lui-même, mais encore par la vertu de ceux qui croient. Et comme les infidèles ont l’habitude de dire : Comment pouvons-nous croire ce que nous ne voyons pas, il a fallu faire connaître la justice de ceux qui croient, par ces mots : « Parce que je vais au Père, et que bientôt vous ne me verrez plus ». Bienheureux, en effet, ceux qui ne voient pas et qui croient [2]. Ceux qui ont vu Jésus-Christ n’ont pas été félicités de leur foi pour avoir cru ce qu’ils voyaient, c’est-à-dire le Fils de l’Homme ; mais pour avoir cru ce qu’ils ne voyaient pas, c’est-à-dire le Fils de Dieu. Mais lorsque sa forme d’esclave se fut elle-même dérobée à leurs yeux, alors se trouva parfaitement accomplie cette parole : « Le juste vit de la foi[3] ». « Car la foi », telle que la définit l’Epître aux Hébreux, « est la substance des choses que nous devons espérer, et la preuve de celles que nous ne voyons point ».
3. Mais pourquoi dire : « Désormais vous ne me verrez plus ? » Il ne dit pas : Je vais au Père et vous ne me verrez pas, comme s’il eût voulu indiquer le temps plus ou moins long, mais défini, pendant lequel ils seraient privés de le voir ; mais en disant : « Désormais vous ne me verrez plus », lui qui est la vérité, semble annoncer d’avance qu’ils ne le verront jamais plus. La justice consiste-t-elle donc à ne voir jamais Jésus-Christ et à croire néanmoins en lui ? Pourtant, la foi dont vit le juste n’est louée que parce qu’elle croit voir un jour Jésus-Christ qu’elle ne voit pas maintenant – Enfin, d’après cette notion de la justice, ne devrions-nous pas dire que l’apôtre Paul n’était pas juste, puisqu’il avoue avoir vu Jésus-Christ après son ascension dans le ciel [4] ; ce qui est bien le temps dont il dit : « Désormais vous ne me verrez plus ? » D’après cette notion de la justice, il n’était donc pas juste le très-glorieux Étienne qui s’écria, lorsqu’on le lapidait : « Je vois le ciel ouvert et le Fils de l’Homme se tenant à la droite de Dieu [5] ? » Que signifie donc ce passage : « Je vais au Père et désormais vous ne me verrez plus ? » Vous ne me verrez plus tel que je suis en ce moment où je me trouve avec vous. Alors, en effet, il était encore mortel et revêtu d’une chair semblable à celle du péché [6], il pouvait éprouver la faim et la soif, être fatigué et dormir. Voilà Jésus-Christ tel qu’il était et tel qu’ils ne devaient plus le voir lorsqu’il aurait passé de ce monde à son Père. En cela consiste la vraie justice de la foi, dont parle l’Apôtre : « Si nous avons connu Jésus-Christ selon la chair, nous ne le connaissons plus ainsi maintenant ». Ce sera donc par votre justice, continue Notre-Seigneur, que le monde sera convaincu, « parce que je vais au Père, et que désormais vous a ne me verrez plus » ; car vous croirez en moi, bien que vous ne me voyiez plus ; et quand vous me verrez tel que je serai, vous ne me verrez pas tel que je suis maintenant au milieu de vous : vous me verrez non pas humilié, mais exalté ; vous me verrez non pas mortel, mais éternel ; vous me verrez non pas sur le point d’être jugé, mais prêt à juger, et par cette foi qui sera la vôtre, c’est-à-dire par votre justice, l’Esprit-Saint convaincra le monde d’incrédulité.
4. Il le convaincra aussi « touchant le jugement, parce que le prince de ce monde

  1. Eph. 5, 13
  2. Jn. 20, 29
  3. Rom. 1, 17 ; Habac. 2, 4 ; Hébr. 10, 1
  4. 1 Cor. 15, 8
  5. Act. 7, 55
  6. Rom. 8, 3