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TRENTE-QUATRIÈME SERMON. POUR LA NATIVITÉ DU SAUVEUR. XIV

ANALYSE. —1. La naissance du Christ n’a rien de charnel, puisqu’il est le Verbe de Dieu. —2. Marie saluée par l’ange. —3. Miraculeuse conception du Christ ; merveilleuse naissance du Sauveur ; les anges l’annoncent aux pasteurs. —4. Ce que nous ont valu le premier et le second Adam, la première et la seconde Eve.

1. D’après les ordres de celui qui vient de naître, ma langue audacieuse voudrait parler de la conception et de la naissance virginale de l’éternelle Divinité ; mais mon esprit se trouble et ne peut que s’épouvanter en face d’une pareille tâche. Pourrait-on, en effet, n’éprouver aucune terreur quand il s’agit de ra. conter des merveilles ? Je tremble donc, et avec raison, car celui dont je vais parler est présent devant moi. Personne d’entre vous, mes bien-aimés, ne doit s’imaginer que Notre, Seigneur et Sauveur ait commencé d’exister au moment de sa naissance charnelle ; car il a toujours été dans le Père, selon ce témoignage de l’Évangile : « Au commencement était le Verbe, et le Verbe était en Dieu, et le Verbe était Dieu. Il était au commencement avec Dieu. Toutes choses ont été faites par lui[1] ». Remarque attentivement et vois qui est celui qui était, où il était, quel il était, comment il était, ce qu’il faisait. « Au commencement était le Verbe ». D’après ces paroles, tu sais qui est-ce qui était. Écoute maintenant, voici où il était : « Et le Verbe était en Dieu ». Puisque tu as appris où il était, sache quel il était : « Et le Verbe était Dieu » ; et où il était : « Il était au commencement avec Dieu » ; et ce qu’il faisait : « Toutes choses ont été faites par lui » ; où il est venu : « Il est venu chez lui » ; pourquoi il est venu : Jean va nous l’apprendre : « Voici l’Agneau de Dieu, voici celui qui ôte les péchés du monde[2] ».

2. « Au commencement donc était le Verbe, etc. » Si toutes choses ont été faites par le principe…… Les anges chantent donc, pour l’annoncer, la naissance du Dieu éternel. Marie était Vierge avant d’enfanter, elle reste Vierge après l’enfantement, et ses entrailles seront la demeure où Dieu viendra se reposer en attendant qu’elle lui donne le jour. Voyez quel enfantement a annoncé l’ange Gabriel, à qui la parole d’en haut seule a donné un corps ; car il est écrit : L’Ange s’approcha de Marie et la salua en lui disant : « Le Seigneur est avec vous, vous êtes bénie entre toutes les femmes, et le fruit de vos entrailles est béni[3] ». O virginité digne de tous nos hommages ! O humilité digne d’être publiée partout ! L’Ange appelle Marie la Mère du Seigneur, et Marie s’en dit hautement la servante. Admirable prévoyance de Dieu1 Marie n’a point su d’avance sa maternité future, parce que, dans sa simplicité virginale, elle eût refusé même l’honneur de concevoir. Gabriel s’approche d’elle, apportant avec lui le messager de Dieu et Dieu lui-même ; il annonce à la jeune Vierge un mystère bien Papable de la jeter dans l’épouvante ; il lui annonce la visite du Dieu qui doit passer par elle. Marie est là, saisie de frayeur ; à la parole insinuante de l’Ange elle ne répond rien, tant son âme est troublée 50 Sa pudeur virginale paralyse son cœur ; toutes ses entrailles frémissent sous l’impression de la crainte, et elle déclare en tremblant tout ce qu’elle redoute. C’était à bon droit que le frisson de la peur avait saisi la partie de son corps destinée à devenir l’asile de la Divinité. On ne saurait qu’innocenter le pudique effroi causé en elle par la crainte de Dieu et de l’enfantement ; aussi, comme le saint Ange savait que cette âme de

  1. Jn. 1, 1-3
  2. Id. 29.
  3. Luc. 1, 28.