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tu frappes du glaive des enfants qu’il soutient de sa grâce. Admirable récompense ! Un homme recherche un seul enfant, et à la place de ce seul enfant, une multitude d’autres sont arrachés du giron de leurs mères et égorgés. Un seul était venu racheter le monde ; au moment de sa naissance, on invite les pères de tous les autres à commettre un crime sans précédents. L’Époux est tout à l’heure sorti du lit de la Vierge, et voilà que, pour le recevoir, des enfants en bas âge sont offerts en holocauste. Le potier qui nous a pétris vient de se revêtir d’un corps de boue dans le sein d’une Vierge, et déjà Hérode, obéissant aux suggestions furieuses du démon, se déclare contre lui, répand dans la poussière le sang de nouveau-nés, et fait de tout cela un hideux mélange. À peine le dispensateur de la vie humaine est-il sorti des entrailles de Marie, qu’un monceau de chair humaine, enlevée du giron des mères, se trouve formé par les mains d’Hérode. Sitôt qu’on a apporté le saint raisin dans le pressoir du monde, les mamelles des mères en laissent péniblement couler le jus, et il se mêle au sang répandu par le glaive. Tout à l’heure l’Agneau de Dieu est sorti de la sainte bergerie, et les bergers se sont joués d’Hérode ; c’est pourquoi un acte de fourberie méchante s’est exécuté sur une grande échelle, car, saisi par la fureur et emporté par la rage d’un loup dévorant, pareil à un indigne faussaire, ce prince a arraché aux mères des cris de désespoir.
3. Voyant que les Mages l’avaient joué, Hérode fit donc venir les scribes et leur demanda en quel temps devait naître parmi les Juifs celui qui était destiné à les délivrer de l’esclavage. Inspirés par Dieu même, ceux-ci aimèrent mieux voir périr tous les enfants âgés de deux ans et au-dessous, que le genre humain tout entier. O Hérode, ta méchanceté ne connaît pas de bornes, et aujourd’hui Saul vénère l’Église qu’il persécutait ; lui qui traquait jadis les adorateurs de Dieu, il reconnaît formellement en eux l’épouse du Christ, et il n’hésite pas à dire : « Je t’ai fiancée à cet unique époux, Jésus-Christ, pour te présenter à lui comme une vierge pure [1] ». Par lui l’honneur, la louange et la gloire viennent à Dieu le Père, dans le Saint-Esprit, maintenant, et dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il.

VINGT-TROISIÈME SERMON. POUR LA FÊTE DES SAINTS INNOCENTS. II

ANALYSE. —1. Conduit par l’envie du démon, Hérode fait mourir les innocents. —2. Contre qui s’exercent les vengeances divines. —3. Les appréhensions et la condition d’Hérode.


1. Très-chers frères, le Saint-Esprit a dit, par l’organe de Salomon : « Par l’envie de Satan, la mort est entrée dans l’univers [2] ». Il est sûr, mes bien-aimés, que, depuis le commencement, le diable enseigne la jalousie et l’envie ; d’où il suit évidemment que tout homme envieux et jaloux est son disciple. Autre conséquence encore : il y en a beaucoup pour jalouser et envier le sort d’autrui, parce qu’il y en a beaucoup pour imiter le diable. N’est-il pas dit, en effet, dans l’Écriture : « Ceux qui l’imitent sont sa part [3] ». L’homme spirituel et saint, voilà la part du Dieu d’Israël ; car do, lui il est dit aussi : « La

  1. 2 Cor. 11, 2
  2. Sag. 2, 24
  3. Sag. 2, 24,25